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A Calais, une exposition d’œuvres d’exilés tisse du lien

Crédit photo Photo Louis Witter pour les ASH
La Betterave, un bar du centre-ville de Calais, accueille depuis plusieurs semaines une exposition de portraits réalisés par des exilés. Organisée par l’association Shanti, elle est la deuxième exposition à voir le jour, cette fois-ci de manière plus officielle.

Quand on rentre dans le bar La Betterave, on est vite frappé par les dessins encadrés au mur, qui contrastent avec l’affiche d’Easy Rider et les autocollants militants. Des portraits, des visages... qui ressemblent pour certains à des dessins d’enfants. D'autres sont plus finement réalisés, au crayon à papier, les ombres davantage apparentes.

Ces dessins ont été réalisés par des exilés qui vivent à Calais, dans l’attente d'un passage espéré vers le Royaume-Uni. C’est à l’initiative de l’association Shanti que des ateliers d’expression artistique se sont montés petit à petit à l’accueil de jour du Secours catholique, un lieu où se retrouvent chaque jour près de 600 personnes.

« Avec Shanti, nous avions constaté que la plupart des associations à Calais travaillaient dans l’urgence, surtout sur les distributions de tentes ou de nourriture. On a voulu sortir de cette urgence et proposer des choses plutôt de l’ordre du culturel, pour faire des pauses dans ce quotidien », entame Sophie, une enseignante de Boulogne qui organise désormais ces ateliers de dessin.

« C’est super chouette de voir les gens apprendre les uns des autres. Au fil des séances, on a pu mettre en lien celui qui savait un peu mieux dessiner une bouche ou un œil avec celui qui avait du mal, se réjouit-elle, il y a toujours cette envie d’apprendre. » En quelques semaines, elle a fourni du matériel, des feuilles blanches, des crayons à papier, des stylos... Et a pris la tête de l’atelier, tous les quinze jours, le mercredi après-midi.

Des portraits pour travailler sur l’intime

Ce mercredi 27 avril, en raison du ramadan, peu de personnes sont présentes malgré un grand soleil et un vent chaud. Dans une petite salle calme de l’accueil de jour du Secours catholique, des pots de crayons sont posés sur une table. Hassan, comme tous les mercredis, est assis, consciencieusement en train de colorier un mandala. « J’ai commencé à dessiner ici, avec Sophie, commence le jeune homme originaire du Soudan. Et c’est très cool, c’est une belle manière de s’exprimer et de passer de bons moments. » 

Un autre jeune jette un œil sur les feuilles de papier. Sophie lui demande s’il dessine. « Non, je regarde juste ces beaux dessins », répond-il. Les portraits, c’était une idée de Ludovic, l’un des fondateurs de l’association Shanti, qui a depuis quitté Calais. Pour Sophie, « l’idée était attirante, car elle a permis de travailler sur l’intime, de dessiner un proche ou un ami. Certains aussi se sont dessinés eux-mêmes ».

« L’été dernier, nous avions organisé une exposition éphémère sur les panneaux d’affichage libre de la ville. Les gens pouvaient naviguer au gré des rues du centre-ville et avoir les informations avec un QR code. » Mais les panneaux ont vite été recouverts par d’autres publicités ou affiches de campagne électorale.

Sophie commence alors à contacter différents commerces, restaurants et bars de la ville pour organiser, plusieurs mois après, une exposition durable : « On avait une piste, mais les propriétaires de l’établissement se sont rétractés. Ce n’est pas facile de proposer des évènements en lien avec les exilés à Calais, beaucoup de personnes craignent ensuite des représailles de la mairie. » 

C’est finalement La Betterave, un bar connu dans la ville pour héberger des évènements en solidarité avec les exilés, qui accepte d’accrocher au mur les dessins réalisés par le petit groupe encadré par Sophie. Manon, l’une des serveuses, fait le lien avec le patron de l’établissement, Loïc, qui se montre tout de suite emballé par le projet.

« C’est une exposition artistique certes, mais il y a toujours une portée politique, assure l’enseignante. Avec elle, on voulait renforcer le lien qui se perd parfois entre les personnes en migration à Calais et les habitants de la ville. »

Des ateliers pour faire réfléchir les collégiens à l’exil

Le jour du lancement de l’exposition, Hassan est présent dans le bar. Son anglais est maladroit, le jeune homme est un peu timide. Mais le contact s'établit, la discussion s’engage avec les visiteurs et les Calaisiens présents. « Nous aurions aimé avoir plus de monde ce jour-là, c’est certain, concède Sophie. Car les gens qui se sont déplacés étaient déjà plus ou moins convaincus de l’utilité de cet atelier, mais le but était aussi de faire se rencontrer des personnes exilées et des habitants et habitantes de Calais. » 

Dans le bistrot, un artiste calaisien se montre emballé par l’exposition. « Il nous a proposé de venir faire des ateliers de street-art avec les exilés, c’est une superbe initiative », se félicite Sophie. Même si dans cette ville où survivent plus de 1500 personnes en attente de traverser la frontière, il est difficile de motiver les exilés à venir jusqu’en centre-ville.

Pour les prochaines expositions, il n’y aura pas de thème imposé, « seulement un fil rouge, éventuellement autour d’un grand sujet, mais le but n’est pas de brider les personnes et leur créativité ». Sophie, elle, continuera à encadrer l’atelier et à tenter de créer du lien entre les personnes exilées et les Calaisiens et même, à l’avenir, éventuellement ses élèves.

Car l’enseignante ne s’en cache pas : « Je ne conçois pas de séparer cet engagement de mon enseignement. » Une ouverture d’esprit que les collégiens ont déjà pu constater, à l’occasion de plusieurs ateliers autour de l’exil. L’un autour de la fabrication de cerf volants avec les tentes détruites lors des expulsions ; l’autre autour d’un atelier de gravure des noms des personnes décédées à cette frontière. Dans une semaine, l’exposition laissera les murs de La Betterave vierges. En attendant la prochaine, dans quelques mois.

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