Publié le 3 mars aux éditions Dalloz, le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) porte sur les droits fondamentaux des mineurs enfermés. L’autorité administrative indépendante dresse un état des lieux de leurs conditions d'enfermement dans différents établissements : prisons, centres éducatifs fermés (CEF), hôpitaux psychiatriques, centres de rétention administrative et locaux de garde à vue.
En matière d’accueil, le document pointe des locaux souvent peu adaptés à une prise en charge éducative. Bâtiments vétustes, cellules abimées, sales... Le mauvais état des structures empêche la prévention des violences et freine la sensibilisation à des actes de la vie quotidienne comme le ménage, par exemple.
« S’agissant des locaux de garde à vue communs aux mineurs et aux majeurs, tant les locaux de police que ceux de la gendarmerie sont souvent exigus, vétustes, crasseux et malodorants. Leur usage, parfois intolérable pour les personnes privées de liberté comme pour les fonctionnaires, l’est plus encore pour des mineurs », précise le CGLPL.
Protection des mineurs mise à mal
La séparation entre les personnes mineures et les personnes majeures n’est pas garantie dans l’ensemble des établissements. Pourtant, il s’agit d’un enjeu majeur de prise en charge pour contrer les phénomènes d’emprise et de violence. Le CGLPL constate en particulier ces dysfonctionnements dans les quartiers pour mineurs des prisons ainsi que dans les services de santé mentale.
Ces lieux « doivent être aménagés afin de respecter le principe de séparation des mineurs et des majeurs et les mouvements doivent être organisés de manière à protéger les mineurs privés de liberté des influences défavorables ou des violences physiques ou morales qu’ils pourraient subir de la part d’adultes », préconise le rapport.
Manque de formation du personnel
Mais l’assurance d’une prise en charge adaptée passe par le travail de professionnels formés aux besoins spécifiques des mineurs. Or ils « n’ont pas reçu une formation suffisante et, plus rarement, manquent de motivation. Il est très important d'offrir aux professionnels des formations initiales et continues de qualité et de privilégier le principe du volontariat ».
L’attention particulière du CGLPL se porte sur les CEF où la gestion des ressources humaines est défaillante. Pour y remédier, il recommande le recrutement d’éducateurs en contrat à durée indéterminée (CDI) et l’homogénéité des pratiques.
Temps libre gâché
Autre inquiétude pointée par le rapport, le manque d’activité régulière des détenus, comme le fait d’étudier, de se cultiver ou de pratiquer une activité sportive. Dans certains établissements, le temps n’est pas mis à profit pour, par exemple, engager un projet d’insertion. Sans surprise, cela s’explique par le manque de moyens ou de volonté des professionnels. « Au cours des visites, un fort sentiment d’ennui a été exprimé par les mineurs [...] les fins de semaines et pendant les vacances scolaires, conduisant à une forte démobilisation. »
La continuité des parcours n’est pas non plus assurée pour les mineurs placés en détention et en centres éducatifs fermés, déplore le contrôleur, qui insiste sur l’importance du lien entre les lieux de privation de liberté et le lieu déterminé pour leur sortie. Et d'appeler les structures d'enfermement à « ouvrir leurs portes aux intervenants extérieurs dans l’intérêt de la continuité de la prise en charge des mineurs ». Parce qu'il est primordial de développer un réseau partenarial approprié à l’environnement de ces jeunes.
De la même manière, la prise en charge des mineurs aux multiples problématiques est inadéquate. Pour certains, vulnérables car souvent rejetés et exclus par tous, aucune institution n’est réellement adaptée et les suivis se cumulent : aide sociale à l’enfance (ASE), protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), pédopsychiatrie… Ce manque de coordination entre les services crée des zones de vide. La créativité et les partenariats apparaissent alors comme une alternative à leur accompagnement.
Injustices pour les mineurs non accompagnés et les jeunes femmes
Les mineurs non accompagnés (MNA) sont incarcérés injustement du fait de leur statut juridique, souligne le rapport. Dans la majorité des cas, les faits commis ne devraient pas conduire à la détention. « Il est difficile d’envisager une alternative à l’incarcération ou un aménagement de peine ou de préparer correctement la sortie du fait de leur isolement et de leur situation administrative. L’indigence aggrave cette situation », explique le CGLPL qui note, malgré tout, que des solutions sont développées par certains professionnels : recherche de familles, constitution des dossiers administratifs, accompagnement au soin… De plus, leur prise en charge et la préparation de leur sortie doit faire l’objet d’une articulation entre l’ensemble des services judiciaires, pénitentiaires et éducatifs.
Pour ce qui est des jeunes filles mineures privées de liberté, la situation n’est pas équitable avec leurs homologues masculins. En effet, peu de structures dédiées sont recensées. « La situation des jeunes filles comme celle des femmes adultes privées de liberté n’est pas conforme au principe d’égalité entre les hommes et les femmes », affirme le contrôleur. En cause, des discriminations en matière de droits fondamentaux comme le maintien de liens familiaux rendu complexe en raison d’un maillage territorial disparate. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté demande la stricte égalité de traitement entre les jeunes détenus et les jeunes détenues.