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Carnet de liaison - Un après-midi à la plage

Ceux qui nous prêtent leur plume sont travailleurs sociaux. Comme Flo avant eux, mais dans d’autres domaines, ils livrent des instants de leur quotidien. Merci à eux.
 

Ce Noël passé non loin de la plage m’a rappelé la sortie que j’avais organisée avec cinq ados de la cité, journée baignade sur une base de loisirs.

Arrivés sur place, nous sommes censés nous annoncer au poste de secours pour être dirigés vers une zone réservée aux groupes. Problème : la plage en question est remplie de bambins âgés de 5 à 10 ans vêtus de gilets jaune fluo. Et quand je vois « mes » jeunes repérer des filles de leur âge sur une autre plage réservée aux familles, et déjà anticiper les « demandes de Snap », je décide de faire une entorse au protocole. Après tout, nous ne sommes pas un centre de loisirs, et je sais jouer à l’ignorant.

Mais après cinq minutes passées sur la plage familiale, nous sommes déjà repérés. Comme par cet homme, non moins poilu que bedonnant, qui lève les yeux de son journal et regarde dans notre direction, les lunettes juchées sur le bout du nez. Et avec le regard mal aimable du type dérangé pendant sa lecture de l’actualité du CAC 40. Un peu plus loin, Samy a tenté de baisser le short de Mustafa, et ça part un peu en vrille. Les deux gamins s’attrapent, il s’agit pour l’un de défendre sa virilité et son honneur, et pour l’autre… pareil. Moi qui voulais aller dans le sens du fameux « vivre ensemble », je pense que ça va être un peu chaud !

Il y a du sable qui vole, des ados qui courent, se montrent devant les filles, sautent dans l’eau, éclaboussent des mamies, sans intention de le faire. Bref, il y a du corps ! J’ai dans ma pratique des limites, des moments où j’interviens. Mais parfois je trouve important aussi de laisser l’environnement comme support de confrontation à la réalité. Dans cette période de création de lien, encore fragile avec ce groupe, je préfère me faire tiers pour arranger une situation, plutôt qu’incarner le cadre directement. Pas simple, pourtant, d’assumer cette posture quand une grande partie de la plage attend que j’intervienne.

La confrontation à la réalité arrive en la personne du sauveteur d’Alerte à Malibu, qui suspecte que nous ne soyons pas une famille comme les autres. Problème : il est d’emblée agressif avec un jeune. Qui, en retour, le toise. « Je vais te mettre mes cinq phalanges dans la gueule ! », prévient le maître-nageur. Mustafa se contient et rétorque : « Je n’ai pas compris, c’est quoi tes cinq phalanges ? » J’interviens pour tempérer. Le sauveteur rougit et m’intime de dégager : « Prends tes gamins, et barrez-vous, y a une plage pour les groupes. » Je prends la défense des jeunes et fais remarquer qu’on peut aussi dialoguer sans agressivité. Les gamins me disent : « Vas-y, Thomas, on se nachave d’ici[1], c’est trop pourri et il va y avoir des blessés. » On n’embrase rien, et ciao la plage. La suite au prochain épisode.

Notes

(1) Nachaver (argot) : s’en aller, décamper ; du romani nasav, « je cours », dérivé de l’indien ancien nas, « se perdre », « s’échapper ».

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