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Les vieux, exclus de nos politiques sociales (Tribune)

Pour Dafna Mouchenik : "Il n’y a pas de cause plus facile à défendre, plus simple à comprendre."

Crédit photo Thierry Guez
« La vie commence à 60 ans », chantait Tino Rossi… sauf si on a le malheur d’être gravement malade ou accidenté passé cet âge. Car c’est à partir de 60 ans que l’on arrête, en France, de pouvoir avoir accès aux politiques publiques. Pour Daphna Mouchenik, directrice fondatrice de LogoVitae, service d'aide à domicile, il est temps de se rebeller face au sort réservé aux vieilles personnes les plus fragiles. 
 
 

Il y a dans notre pays une inégalité flagrante de traitement social du handicap et de la dépendance, entre ceux qui ont à les vivre avant 60 ans et ceux qui en sont atteints au-delà. Lorsque la maladie et l’incapacité viennent bouleverser nos vies, la prestation compensatrice du handicap (PCH) permet de financer l’aide humaine, technique, l’aménagement du logement ou le transport, les aides spécifiques ou exceptionnelles, l’assistance animalière. Elle est juste et bien calibrée.

 

Des injustices notoires

Mais, après 60 ans, nous ne sommes plus considérés comme malades, ni en situation de handicap, nous sommes juste vieux ! Par chance, et contrairement aux idées reçues, la vieillesse n’est pas synonyme de dépendance. Tous les vieux n’ont pas besoin de soutien à domicile, un grand nombre resteront longtemps autonomes. Mais pour ceux qui feront une mauvaise chute, qui se feront renverser par une voiture, qui souffriront d’une maladie invalidante… mauvais timing. Parce que passé 60 ans : pas de PCH, pas de dispositif adapté à votre situation, à vos besoins. Il y a bien l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) qui octroye au mieux 2 h 30 d’aide humaine par jour lorsqu’il en faudrait au moins six. Et encore, en fonction des revenus de chacun, la participation financière de la collectivité peut être très symbolique.

En résumé : je développe une maladie d’Alzheimer à 45 ans, je suis en situation de handicap. La PCH me sera accordée, je pourrai avoir toute l’aide nécessaire pour rester chez moi dans de bonnes conditions, et je n’aurai à payer que 20 % de cette dépense si je suis très imposable. Je déclenche cette même maladie passé 60 ans, c’est l’APA qui s’applique. Je n’ai qu’un nombre d’heures d’aide humaine très insuffisant et j’en payerai 90 % si je suis trop imposable. Si je suis pauvre, je ne paye rien, mais je n’ai aucun moyen d’en obtenir davantage.

Il faudra m’expliquer en quoi mon âge a une incidence sur le soutien nécessaire à mon état de santé ou à mon incapacité. Si la vieillesse peut me ralentir, me rendre plus fatigable, elle ne m’empêche pas de vivre ma vie comme je l’entends. En revanche, le handicap et la maladie, oui !

Et l’injustice ne s’arrête pas là. Si, resignée, sans autre alternative possible, l’aide proposée à domicile étant insuffisante, je choisis de vivre en établissement. Eh bien, l’Ehpad dans lequel j’irai habiter ne bénéficiera pas des financements publics nécessaires pour que les soignants y soient en nombre suffisant. Bien en deçà de l’effectif de professionnels présent dans les établissements accueillants des adultes en situation de handicap de moins de 60 ans. Pire encore, ma participation financière y sera très importante là où je n’aurais rien eu à payer si le malheur m’avait frappé plus tôt.

 

Le temps de la rébellion

A tout cela s’ajoutent les discriminations entre les vieux eux-mêmes. Une vieille dame incontinente qui vit toujours chez elle doit payer ses protections urinaires alors qu’elles sont prises en charge par l’assurance maladie en Ehpad. Elle doit aussi fournir aux professionnels qui interviennent chez elle le matériel dont ils ont besoin pour prendre soin d’elle, là où tout est pris en charge en établissement. Pourquoi un tel écart de traitement à âge égal et handicap égal ?

Quand ces discriminations cesseront-elles ? Comment se fait-il, alors que nous sommes tous des vieux et des vieilles en devenir, que nous aimons de vieux proches, amis, famille, que nous n’obtenions pas pour eux, pour nous demain, plus d’équité et de justice sociale. A quand des établissements avec autant de soignants et de prenants soin pour nos aînés que pour les autres personnes fragiles moins âgées ?

Il est temps de se rebeller face au sort réservé aux vieilles personnes les plus fragiles de notre pays. Il n’y a pas de cause plus facile à défendre, plus simple à comprendre. Elle est juste, nécessaire et nous concerne tous. La France compte 6,7 millions de personnes de plus de 75 ans, en 2030 elles seront 8,3 millions. La loi « grand âge-bien vieillir » promise par les gouvernements successifs, 1 000 fois repoussée, devrait pourtant être la priorité de tous tant elle est nécessaire à la cohésion sociale de notre pays.

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