Après que l’un des opérateurs les plus importants du secteur ait manqué gravement à ses devoirs, il est devenu de bon ton de questionner l’existence des Ehpad privés. Le statut commercial, « à but lucratif », avec tout ce que ce terme comprend de mépris dans la bouche de certains, est en cause. Il faudrait en finir avec ce modèle qui accueille aujourd’hui dans ses établissements 130 000 de nos concitoyens, soit 22 % de l’offre. Encore faudrait-il, au-delà de la faute de l’un de ses représentants, qu’il existe pour cela une bonne raison.
L’agence régionale de santé d’Ile-de-France a communiqué dès l’été 2022 le bilan des 100 premiers contrôles en Ehpad qu’elle a réalisés à la suite de la publication des Fossoyeurs. Les résultats ne vont pas dans le sens que certains pourraient attendre. Les établissements sous statut commercial, qui représentent dans cette région 48 % de l’offre, ont été particulièrement visés par cette campagne d’inspection, puisque 71 % des contrôles les ont concernés. Les établissements publics et associatifs n’ont pas souffert de ce qu’il faut bien appeler un « délit de faciès » puisqu’ils n’ont mobilisé que 29 % de ces contrôles. Mais lorsqu’il s’agit de faire le bilan de ces inspections, les établissements sous statut commercial n’ont représenté que 33 % des injonctions, soit un taux de 11 % rapporté au nombre d’établissements contrôlés. Parmi les établissements associatifs et publics, sur les 30 établissements contrôlés, 18 ont reçu des injonctions, ce qui représente donc un taux presque six fois supérieur, avec 60 % d’établissements faisant l’objet d’injonctions !
Par ailleurs, selon les enquêtes nationales « EHPA », dont la dernière date de 2019, les Ehpad privés ont toujours été en avance sur les critères de confort offerts aux résidents : nombre de chambres simples, infrastructures pour les activités collectives, qualification des professionnels. Le temps n’est plus à l’époque où l’on traitait de la même manière les « vieillards » et les « indigents ». Certes, une part de nos concitoyens âgés ont besoin de la solidarité nationale pour financer leurs frais de séjour en Ehpad, mais la très grande majorité (plus de 80 %) assume financièrement le choix de ce mode d’habitat. Il est paradoxal de glorifier le senior « actif » et, dès que la perte d’autonomie apparaît, de considérer qu’il n’est plus digne que de compassion et d’assistance, de l’enfermer dans une sous-citoyenneté où il ne serait plus maître de ses choix.
Les opérateurs, quel que soit leur statut, ont bien entendu le devoir d’être attentifs au bien commun que constitue notre système de protection sociale, et doivent être sanctionnés lorsqu’ils en font un mésusage. Mais nos aînés, quels que soit leurs choix de mode de vie, en sont les bénéficiaires en qualité d’assurés sociaux. Interdire qu’ils puissent exprimer ces choix ne serait rien d’autre qu’un déni de citoyenneté.