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Immigration : un rapport du Sénat pointe l’illisibilité du droit des étrangers en France

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Dans un rapport publié le 10 mai, une mission d’information du Sénat dresse un bilan très inquiétant de l’évolution du droit des étrangers en France. Elle pointe de nombreux dysfonctionnements et une situation « devenu illisible et incompréhensible » tant pour les agents de l’Etat, que pour les immigrés.

 

Intitulé « Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité », le rapport de la commission d’information du Sénat conduite par le sénateur du Rhône François-Noël Buffet (LR), par ailleurs président de la commission des lois, alerte sur la situation « ubuesque » du droit des étrangers en France.

Selon le rapporteur, le droit et les procédures sont devenus « illisibles et incompréhensibles ». Ainsi, le rapport fait état « (d’) une complexité juridique qui ne nuit pas uniquement à l’exercice de leurs droits par les étrangers, mais qui est également une source de difficultés quotidiennes pour les agents de l’État chargés de le faire appliquer ».

Dans ses conclusions, la commission d’information pointe également la vénalité de certains « cabinets d’avocats ou de juristes qui n’hésitent pas à en exploiter les failles à des fins lucratives » pour qui cette complexité administrative est devenue un « fonds de commerce ».

Des files d’attentes virtuelles

La difficulté d’accès aux rendez-vous demeure l’un des points les plus problématiques de l’administration. Si la mise en place de modules électroniques de prise de rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour a permis de « faire disparaitre les longues files d’attente se formant à l’entrée des préfectures dès le petit matin », celles-ci sont désormais virtuelles. La dématérialisation génère de nouvelles problématiques telles que « la revente de rendez-vous surinternet » et « l’insuffisance des dispositifs d’accompagnement au numérique des demandeurs ».

Surtout, les embouteillages aux guichets des préfectures, qu’ils soient physiques ou virtuels, entrainent « de lourdes répercussions contentieuses » qui paralysent les tribunaux administratifs. Ainsi, pour faire face aux délais d’attentes et à l’impossibilité de prendre rendez-vous en ligne, les demandeurs de titre de séjour saisissent de plus en plus fréquemment le juge administratif d’un référé « mesures utiles » afin qu’il ordonne à l’administration de lui délivrer un rendez-vous.

Ces référés, dont la procédure est très souvent acceptée par l’administration judiciaire, surchargent les magistrats et leur incombe un rôle de « pré-guichets ». Selon la commission d’information, le juge administratif assure désormais une mission de « secrétariat de préfecture, chargé de gérer les plannings de rendez-vous ». Avec plus de 100 000 requêtes introduites en 2021, le contentieux des étrangers représente désormais « plus de 40 % de l’activité des tribunaux administratifs ». Pour endiguer cette paralysie, le rapport invite à prendre des mesures pour fixer par voie règlementaire un délai maximal à l’administration pour accorder un rendez-vous en préfecture et à « définir comme corollaire l’impossibilité de déposer un référé « mesures utiles » avant la forclusion de ce délai. ».

Dématérialisation des démarches

Comme pour l’ensemble des services publics, le processus de numérisation de l’administration des services de l’immigration a été accéléré ces dernières années en raison de la pandémie de Covid 19. Il a récemment franchi un palier avec le lancement de « l’Administration numérique des étrangers en France » (ANEF) qui se donne pour objectif de dématérialiser la totalité des démarches qui concernent le séjour des étrangers en France d’ici à la fin 2022. Actuellement, selon le rapport de la mission d’information du sénat « 52 % des titres sont délivrés par voie dématérialisée. ».

Toutefois, cette politique se heurte à l’isolement de certaines personnes éloignées du numérique se trouvant dans l’impossibilité de faire valoir leur droit. Si le dispositif de l’ANEF se déploie pleinement, le rapport insiste sur le fait qu’il devra être accompagné de moyens humains pour « la mise en place de points d’accès au numérique dans l’ensemble des préfectures, avec des modalités de prise de rendez-vous adaptées aux personnes éloignées du numérique ».

Difficultés de l’Etat à appliquer les OQTF

Le rapport rappelle également « le constat de la défaillance » de la politique de retours forcés de la France. Le taux d’application des obligations de quitter le territoire français (OQTF) était de seulement 5,7 % au premier semestre 2021. Paradoxalement, le rapport pointe que la France est le pays qui ordonne le plus d’OQTF en comparaison de ces voisins européens (123 845 en 2019) mais que son taux d’exécution est le plus faible, seulement 14,3% en 2019, contre 24,1 % pour l’Italie ou encore 32,6% pour l’Espagne. La commission indique que la situation de la « chaine d’éloignement » s’est d’autant plus dégradée du fait de la crise sanitaire qui a durablement déstabilisé les flux migratoires et l’application des retours forcés.

Afin de clarifier le droit des étrangers, tant pour les personnes en situation de d’immigration que pour les agents de l’état chargés de le faire appliquer, la commission émet des préconisations à l’attention du gouvernement. Le détail de ces 32 recommandations est disponible ici.

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