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Violence en prison : l’insuffisance des garanties institutionnelles

Dans un rapport fouillé rendu public le 3 juin 2019, l’Observatoire international des prisons (OIP) section française dresse un bilan alarmant sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues. L’ONG dénonce l’omerta sur ces violences.

« Il n’existe aucune donnée officielle, aucune statistique, pas d’étude spécifique sur les violences commises par des personnels pénitentiaires sur des personnes détenues ». L’Observatoire international des prisons section française (OIP) a donc décidé de mener lui-même l’enquête. Plusieurs mois de travail ont été nécessaire à l’élaboration de son rapport de plus de cent pages.

Altercations qui dégénèrent, violence en prévention, techniques d’intervention non maîtrisée, l’OIP a dénombré une masse inquiétante de cas de violences contre les détenus. Certaines violences sont mêmes structurelles : « Il existe également des situations, plus rares, dans lesquelles les exactions sont menées à l’instigation d’un groupe organisé qui recourt aux violences, brimades et humiliations comme mode de gestion de la détention », constate l’OIP. Le plus récent s’est déroulé à Rémire-Montjoly, en Guyane, entre 2015 et 2016.

Les violences sont d’autant plus difficiles à détecter que, selon l’OIP, porter plainte ou témoigner est « une entreprise à hauts risques pour les personnes détenues ». « Tu déposes plainte contre un surveillant, et comme ils travaillent en équipe, après c’est toute l’équipe qui te fait la misère », explique un détenu à l’OIP. D’autres craignent des effets négatifs sur leur peine et son aménagement. Tous, en tous cas, sont confrontés à un « effet de corps » dans toute l’administration pénitentiaire. Les surveillants qui cherchent à dénoncer ces violences sont victimes de pressions de la part de leurs collègues. Dans le rapport, on apprend par exemple que certains n’hésitent pas à poser des messages anonymes sur le pare-brise d’un collègue surveillant disant « tu parles trop à la direction ».

Les AAI impuissantes

Créé en 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne permet pas complètement de remédier à ces violences. Pour l’OIP, le rôle de détection et d’alerte du CGLPL a une « portée limitée ». Les faits de violence ne sont détectés que de manière aléatoire, durant ses visites officielles (22 en 2018). En outre, même si le CGLPL a la possibilité d’informer le Procureur de la République s’il a connaissance de faits laissant présumer l’existence d’une infraction pénale (art. 40 du code de procédure pénale), ces signalements restent rares. « D’après les témoignages de contrôleurs, dit le rapport de l’OIP, quand des récits de violences sont recueillis, ils invitent le détenu à porter plainte et, le plus souvent, alertent le chef d’établissement. »

Autre autorité administrative indépendante (AAI), le Défenseur des droits pâtit d’un manque de moyens « face à une explosion des saisine », rapporte l’OIP. Ils sont en effet que 8 juristes dans le pôle déontologie de la sécurité, pour plus de 71 000 détenus. En 2018, presque 20 % de des saisines du Défenseur des droits concernaient l’administration pénitentiaire. Une augmentation constante depuis la création de l’institution en 2011, où elles ne représentaient que 11 % du total. Pire, l’OIP a constaté que bien qu’il soit en principe libre de conduire ses investigations, le Défenseur des droits est souvent confronté à la lenteur de l’administration pénitentiaire. « Dans certains dossiers, il a pu s’écouler un an, deux ans, sans qu’on ait communication des pièces », explique-t-on chez le Défenseur, tout en reconnaissant qu’ « il y a des améliorations ».

La justice, elle aussi, ne peut réagir vite par un manque de moyens que dénonce l’OIP.


Méthodologie : Pour mener à bien cette enquête, l’Observatoire international des prisons section française a notamment réalisé 100 entretiens avec des personnes détenues et leurs proches, des avocats, des membres de l’administration pénitentiaires, des parlementaires, des journalistes et des chercheurs, des intervenants en détention. L’OIP se base également sur 23 questionnaires reçus de chefs de service des unités sanitaires de l’ensemble des établissements pénitentiaire.

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