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Santé mentale en prison : le CGLPL pointe à nouveau de nombreuses « carences »

Dans un avis publié le 22 novembre, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse un constat « accablant » de la prise en charge des détenus atteints de troubles mentaux. Dans une réponse également publiée au Journal Officiel, le ministère de la Justice précise les actions engagées via la « feuille de route » santé 2019-2022 des personnes placées sous-main de justice, qui comprend un volet santé psychique.

« Globalement mal connues, inégalement détectées au moment de la décision judiciaire et difficilement identifiées en détention, les pathologies mentales constituent un facteur d'aggravation de la souffrance des personnes détenues, alourdissent la charge de l'administration pénitentiaire et sont aggravées par des conditions de détention inadaptées. Les insuffisances de la prise en charge actuelle des personnes détenues présentant des troubles mentaux conduisent à une perte de sens de la sanction ». Dans un avis publié au Journal Officiel le 22 novembre, Adeline Hazan, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse, à nouveau, un tableau très sombre de la prise en charge des troubles psychiatriques des personnes détenues.

Le contrôleur regrette que les études sur ce sujet soient « anciennes ou partielles ». Selon l’une d’elles, datée de 2007, huit détenus masculins sur dix souffrent d'au moins un trouble psychiatrique et, parmi eux, 24 % souffrent d'un trouble psychotique. 42 % des hommes et la moitié des femmes en métropole ont des antécédents personnels et familiaux d'une gravité manifeste ; 40 % des hommes et 62 % des femmes détenues présenteraient un risque suicidaire.

Un accès aux soins « très inégal »

Les moyens pour l’accès aux soins sont « insuffisants », déplore Adeline Hazan. « La progression inquiétante du nombre de détenus en maisons d’arrêt et la surpopulation chronique qui en découle n’ont pas été accompagnées d’un développement des moyens de santé et la crise démographique de la psychiatrie française se ressent de manière plus sensible en prison qu’ailleurs », s’inquiète-t-elle.  

La prise en charge des détenus malades est organisée à trois niveaux : en ambulatoire dans les unités sanitaires en milieu pénitentiaire, en hospitalisation de jour et en hospitalisation complète (notamment dans des services psychiatriques de proximité). Mais l’accès aux soins ambulatoires et à l’hospitalisation de jour est « très inégal » selon le lieu de détention, critique le contrôleur. Elle dénonce aussi une continuité des soins « insuffisante », ce qui conduit certains patients à entrer dans « un cycle sans fin d’hospitalisations et de retours en détention après un rétablissement toujours incomplet ».  Le CGLPL recommande donc de favoriser le développement de structures hospitalières sécurisées en lieu et place de la création de prisons médicalisées afin d’assurer une prise en charge adaptée, y compris de longue durée, aux personnes détenues souffrant de troubles mentaux.

Adeline Hazan souligne, par ailleurs, la nécessité de former les surveillants de prison « à la détection et à la gestion des troubles mentaux de la population pénale ».

Ruptures en fin de détention

Alors que la prise en charge psychiatrique des sortants de prison est essentielle pour leur réinsertion, le CGLPL alerte sur les ruptures dans l’accompagnement liées à la fin de la détention. « Il existe des consultations « sortants » destinées à préparer la sortie, à identifier un médecin référent et à faciliter la transmission du dossier médical à ce dernier, mais la surpopulation pénale, la situation sociale précaire des personnes libérées et les difficultés intrinsèques du secteur psychiatrique rendent souvent ce dispositif inopérant. Cette situation peut conduire à des incarcérations itératives, phénomène aggravé par les carences dans la détection de la maladie mentale dans le cadre des procédures de comparution immédiate : une personne détenue atteinte de troubles mentaux est libérée sans accompagnement médical, réitère des actes qui la conduisent devant la justice, laquelle ne détecte pas toujours lesdits troubles et prononce, faute de garanties de représentation, une nouvelle peine d’emprisonnement », note-t-elle.

« Pour enrayer cette dynamique », Adeline Hazan insiste sur le besoin de « coordonner efficacement les moyens sociaux, médicaux et judiciaires, de manière que les personnes concernées puissent bénéficier d’un accompagnement sanitaire et médico-social, d’un accès facilité à un logement et à l’emploi et d’une articulation des soins en milieu ouvert et en milieu fermé cohérente avec les contraintes liées à l’exécution de la peine ».

Groupe de travail interministériel

« Vos observations sont, sur bien des points, partagées par le ministère de la Justice et celui des solidarités et de la santé ainsi qu'en atteste la feuille de route santé 2019-2022 conçue pour y apporter des réponses concrètes », a répondu la ministre de la Justice, dans un avis publié au Journal Officiel, rappelant qu'un groupe de travail interministériel constitué fin 2019 mettra en oeuvre plusieurs orientations en ce sens. Nicole Belloubet, a annoncé le lancement de deux études à partir de 2020. Une pour évaluer « la prévalence » des pathologies au moment de l’entrée en prison, et une autre sur les troubles mentaux parmi « les courtes peines » et à la sortie de détention. Des formations seront aussi mises en place pour le personnel pénitentiaire par des services médico-psychologiques. Le ministère de la Justice rappelle également qu’il finance et soutient l'expérimentation « Alternative à l'incarcération par le suivi intensif » (Ailsi), s’inspirant du programme "Un chez-soi d'abord", menée par Médecins du Monde, et qui sera lancée « à la fin du premier trimestre 2020 ». « Ce dispositif vise à éviter les incarcérations des personnes présentant une pathologie mentale en privilégiant une orientation vers des dispositifs de prise en charge adaptés, centrés sur l'accès au logement et un fort accompagnement pluridisciplinaire ».


Avis relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux, 22 novembre 2019

 

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