Dès lors que l’établissement n’a pas suivi les mesures prévues par l’injonction prononcée lors du contrôle ou que la situation n’a pas connu l’amélioration requise pendant la durée de l’administration provisoire, l’autorité compétente ayant délivré l’autorisation a la faculté de décider de la suspension ou de la cessation de tout ou partie des activités de l’établissement contrôlé, dès lors que la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies ou accompagnées sont menacés ou compromis. Si la situation relève de l’urgence, ou lorsque le gestionnaire de l’établissement a refusé de se soumettre au contrôle, l’autorité compétente a la possibilité de suspendre l’activité pour une durée maximale de six mois, sans avoir besoin de recourir à une injonction préalable.
Le CASF énonce la possibilité, après une mise en demeure, d’une prise de décision par le représentant de l’État dans le département en cas de carence du président du conseil départemental. Il convient de relever également une spécificité dans l’hypothèse d’un établissement relevant d’une autorisation conjointe, où la décision de suspension ou de cessation doit intervenir de manière conjointe. En cas de désaccord, la décision revient au représentant de l’État dans le département. Enfin, s’agissant des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique, la décision de suspension ou de cessation doit être prise sur avis du procureur de la République ou même à la demande directe de celui-ci(1).
Attention : Il appartient aux autorités compétentes pour délivrer l’autorisation ou au représentant de l’État en cas de carence de ces dernières de garantir la continuité de la prise en charge des personnes accueillies au sein de l’établissement faisant l’objet d’une suspension ou d’une cessation de l’activité. De plus, en cas de cessation de l’activité du service, de l’établissement ou du lieu de vie et d’accueil, l’autorisation est par principe abrogée de manière concomitante, que la cessation revête un caractère volontaire ou non. L’autorité compétente pour délivrer l’autorisation a la faculté de transférer cette dernière, mais elle n’y est en aucun cas contrainte(2).
La cessation définitive de l’activité d’un établissement ou d’un service pose la question du sort des sommes qui avaient été affectées à son fonctionnement. L’article L. 313-19 du code de l’action sociale et des familles précise de manière détaillée les modalités de reversement des sommes, un reversement qui doit intervenir au profit d’une collectivité publique ou d’un établissement privé poursuivant un but similaire. On observe que l’établissement privé ou la collectivité publique reverse les sommes soit à un organisme choisi par le gestionnaire de l’établissement ou du service fermé sur accord de l’autorité ayant délivré l’autorisation, soit à l’organisme désigné par l’autorité compétente de l’État dans le département, en l’absence de choix du gestionnaire ou en cas de refus par l’autorité du choix effectué. La liste des sommes affectées à l’établissement ou au service est prévue par l’article L. 313-19 du CASF et comprend les éléments suivants :
« 1° Les subventions d’investissement non amortissables, grevées de droits, ayant permis le financement de l’actif immobilisé de l’établissement ou du service. Ces subventions sont revalorisées selon des modalités fixées par décret ;
2° Les réserves de trésorerie de l’établissement ou du service constituées par majoration des produits de tarification et affectation des excédents d’exploitation réalisés avec les produits de la tarification ;
3° Des excédents d’exploitation provenant de la tarification, affectés à l’investissement de l’établissement ou du service, revalorisés dans les conditions prévues au 1° ;
4° Les provisions pour risques et charges, les provisions réglementées et les provisions pour dépréciation de l’actif circulant constituées grâce aux produits de la tarification et non employées le jour de la fermeture ;
5° Le solde des subventions amortissables et transférables ;
6° En cas de non-dévolution des actifs immobilisés au repreneur de l’établissement ou du service fermé, les plus-values sur les actifs immobilisés ayant fait l’objet d’amortissements pris en compte dans les calculs des tarifs administrés. »
Certains bénéficiaires sont victimes de maltraitance au sein des ESMS. En vue de mettre fin à ces pratiques, le législateur a créé plusieurs outils visant à encourager les signalements et à protéger les lanceurs d’alerte. Toutefois, il convient d’identifier le fonctionnement de ces mécanismes et d’analyser la réalité de leur mise en œuvre.
Notion de « maltraitance »
La définition de la maltraitance est souvent méconnue du grand public. En effet, cette dernière ne se traduit pas toujours par des coups (maltraitance physique) ou des insultes et des menaces (maltraitance psychologique). Elle peut ainsi également résulter de vols ou de fraudes (maltraitance financière et matérielle), d’un excès ou d’une privation de médicaments (maltraitance médicale), ou encore de la limitation des relations avec l’extérieur de l’établissement (maltraitance civique).
Panorama des différents signalements
• Signalement de crimes et d’actes constitutifs de privations, de mauvais traitements ou d’agressions
Les personnes ayant connaissance d’un crime, de privations, de mauvais traitements, d’agressions ou encore d’atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne vulnérable sont tenues de le signaler auprès des autorités judiciaires ou administratives compétentes(3). En l’absence de signalement, elles peuvent être sanctionnées d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
De même, toute personne qui s’abstient volontairement de porter assistance à une personne en péril est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende(4).
À NOTER : Cette obligation de signalement est atténuée pour les personnes astreintes au secret professionnel, tels les médecins ou les infirmiers. Ces derniers ont ainsi la possibilité de ne pas signaler des faits de maltraitance en vue de préserver leur secret professionnel.
• Signalement des dysfonctionnements dans les structures sociales et médico-sociales
Dans les structures sociales et médico-sociales, il incombe au directeur de l’établissement de signaler aux autorités administratives « tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout événement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées »(5).
On notera que cette obligation de signalement concerne uniquement les dirigeants et qu’elle n’est assortie d’aucune sanction pénale.
Garantie et protection des professionnels
• L’immunité pénale
La violation du secret professionnel est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, mais également de sanctions disciplinaires(6).
Cependant, le législateur a prévu des exceptions et permet, dans certaines hypothèses limitativement énumérées, la révélation du secret professionnel sans risque d’engagement de la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur(7).
Ainsi, toute personne ayant connaissance de faits de privations ou de sévices, y compris en cas d’atteintes ou de mutilations sexuelles infligées à un mineur ou une personne vulnérable en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, peut en informer les autorités judiciaires, médicales ou administratives.
De plus, un médecin ou tout autre professionnel de santé peut fournir au procureur de la République ou à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, tous les faits qu’il a pu constater au cours de l’exercice de sa profession et qui laissent supposer qu’un mineur est ou a été victime de violences physiques, sexuelles ou psychiques. Le professionnel de santé doit recueillir l’accord de la victime, sauf si cette dernière, du fait de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, n’est pas en mesure de se protéger.
Enfin, l’exception s’étend également aux professionnels de santé ou de l’action sociale qui ont connaissance du caractère dangereux d’un individu pour lui-même ou pour les tiers et dont ils savent qu’il possède une arme ou qu’il souhaite en acquérir une. Dans cette hypothèse, le professionnel peut informer le préfet de la situation.
• La protection contre les représailles
Les agents et les salariés des établissements sociaux et médico-sociaux ayant signalé des mauvais traitements ou des privations sont protégés contre toute mesure défavorable « en matière d’embauche, de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire »(8).
Application pratique en demi-teinte
Le rapport du Défenseur des droits sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, publié en mai 2021, constate que, en pratique, il existe de nombreux freins aux signalements de faits de maltraitance. En effet, les professionnels n’ont pas toujours connaissance des actes qui constituent une situation de maltraitance, des obligations de signalement et des procédures à suivre. Certains peuvent également craindre des représailles. En outre, à la lecture du rapport, on comprend que le parcours du lanceur d’alerte peut être complexe compte tenu des nombreuses conditions à remplir et de certaines lacunes du dispositif.
Face à ce constat, le Défenseur des droits préconise aux autorités de « mettre en place des observatoires régionaux permettant de mieux répondre aux situations de maltraitance signalées sur un territoire » mais également de « rendre obligatoire une formation initiale et continue à la bientraitance et à la lutte contre la maltraitance à l’attention de tous les professionnels intervenant dans l’accompagnement et le soin des résidents »(9).
(1)
CASF, art. L. 313-16.
(2)
CASF, art. L. 313-18.
(3)
C. pén., art. 434-1 et 434-3.
(4)
C. pén., art. 223-6.
(5)
CASF, art. L. 331-8-1 et R. 331-8.
(6)
C. pén., art. 226-13.
(7)
C. pén., art. 226-14.
(8)
CASF, art. L. 313-24.
(9)
Défenseur des droits, « Les droits fondamentaux des personnes accueillies en EHPAD », mai 2021, notamment « Évaluations et contrôles du respect des droits fondamentaux des résidents », p. 33.