La rupture conventionnelle du contrat de travail induit le versement d’une indemnité dont le montant ne peut habituellement être inférieur à l’indemnité légale et qui est déterminé par l’article L. 1234-9 du Code du travail. Cependant, l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 (1) à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du travail a précisé que lorsque la convention collective prévoyait une indemnité conventionnelle supérieure au montant de l’indemnité légale, devaient être retenues les dispositions les plus favorables au salarié.
Toutefois, l’avenant ne trouve application qu’aux employeurs entrant dans le champ des organisations patronales signataires (Medef, CGPME (2) et UPA). Les employeurs dépendant de branches non couvertes par les organisations signataires ne sont soumis qu’à l’indemnité légale de licenciement.
Ainsi, concernant les particuliers employeurs, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle doit alors être au moins égale à l’indemnité légale de licenciement et les montants conventionnels ne seraient pas applicables. Dans la mesure où l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective nationale des salariés du particulier employeur est inférieure aux minima légaux, se posait la question de la possibilité de retenir ce montant.
Le Code du travail prévoit expressément le montant de l’indemnité comme suit :
« La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 » (3). L’indemnité prévue à l’article cité est celle du licenciement qui prévoit l’équivalent d’un quart de mois de salaire par année d’ancienneté et un tiers au-delà de dix ans d’ancienneté.
On relèvera que l’indemnité de licenciement n’est toutefois due qu’à partir de huit mois d’ancienneté du salarié et que l’ancienneté est déterminée.
Quid de l’indemnisation de la rupture conventionnelle en cas d’ancienneté du salarié inférieure à 8 mois ?
La question s’était posée sous le régime antérieur à la réforme « Macron » (4) pour la rupture du contrat de travail d’un salarié ayant une ancienneté inférieure à un an et qui n’ouvrait alors pas droit à l’indemnité légale de licenciement. Le salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle devait-il également être exclu du versement de l’indemnité ou non ? Une cour d’appel avait eu l’occasion de préciser que l’indemnité conventionnelle suivant le régime de l’indemnité de licenciement devait être exclue si le salarié n’avait pas l’ancienneté requise (5). Il convient de relever cependant que la position de la cour d’appel n’a pas été suivie par la suite par les juges du fond. De plus, la direction générale du travail avait indiqué par circulaire :
« La loi de modernisation du marché du travail ne renvoie à l’indemnité légale de licenciement que pour définir le montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, sans en définir les conditions d’attribution. Dans le cas où le salarié partie à la rupture conventionnelle a moins d’une année d’ancienneté, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle lui est due au prorata du nombre de mois de présence » (6). Ainsi, à la lecture de la circulaire, l’administration préconise le versement de l’indemnité de rupture conventionnelle quelle que soit l’ancienneté du salarié, et ce même si celle-ci est inférieure à un an. En l’absence de précisions de la jurisprudence ou de textes du Code du travail en la matière, le simple principe de précaution doit imposer à l’employeur, qu’il s’agisse d’une structure personne morale ou d’un simple particulier personne physique, de respecter ces prescriptions.
Respect des délais de la rupture conventionnelle en pratique
Madame Émilie est embauchée en qualité d’aide à domicile par Madame Yvonne depuis le 1er septembre 2014.
Ces derniers temps, Madame Émilie, qui est fatiguée par le caractère de son employeur, a décidé de mettre fin à la relation contractuelle et a sollicité auprès de Madame Yvonne une rupture conventionnelle.
Madame Émilie perçoit une rémunération mensuelle brute d’un montant de 540,00 euros. Madame Yvonne, pour respecter la procédure, va devoir suivre les éléments suivants. En premier lieu, afin de valider la volonté de sa salariée de rompre le contrat de travail, Madame Yvonne pourra écrire un courrier à Madame Émilie qu’elle remettra en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception indiquant son accord pour la rupture conventionnelle de la relation de travail sollicitée par sa salariée. Après cela, Madame Yvonne devra préparer une convocation à un entretien pendant lequel elle déterminera avec sa salariée Émilie tant le montant spécifique de rupture conventionnelle que la date de départ envisagée. Pour ce faire, Madame Yvonne devra remplir le formulaire Cerfa et mentionner notamment les douze derniers mois de salaire de sa salariée, l’emploi occupé, la convention collective applicable et l’ancienneté. Ainsi, le montant de l’indemnité de rupture devra être calculé comme suit :
- moyenne des 12 derniers mois de salaire ;ou
- moyenne des 3 derniers mois de salaire.
Il lui appartiendra ensuite de calculer le montant de l’indemnité de rupture qui ne pourra pas être inférieur à l’indemnité légale de licenciement. Ainsi, le montant de l’indemnité légale étant actuellement d’une valeur d’un quart de mois de salaire par année d’ancienneté et le calcul du montant de l’indemnité conventionnelle devant être effectué au regard du nombre d’années et de mois d’ancienneté de la salariée, il sera utile de prévoir la date exacte envisagée de la rupture du contrat. En effet, le montant total de l’indemnité devra être établi à la date de rupture du contrat de travail.
Madame Yvonne est donc contrainte de préciser en premier lieu la date à laquelle elle-même et sa salariée, Madame Émilie, souhaitent mettre fin à la relation de travail. Afin de préciser cette date, les deux parties au contrat devront prendre en considération les deux délais impératifs suivants :
- délai de rétractation de 15 jours calendaires ;
- délai d’homologation de 15 jours ouvrables.
Il conviendra d’ajouter à cela le délai nécessairement prévu entre la convocation à l’entretien et la date réelle de l’entretien pendant laquelle sera signée la rupture conventionnelle.
Ainsi, pour la convocation à l’entretien, même si aucune règle n’impose de durée minimale entre la convocation et l’entretien, il sera conseillé à Madame Yvonne de respecter des délais identiques à ceux du licenciement et donc de prévoir un délai de cinq jours ouvrables entre la convocation et la date de l’entretien préalable (7). Madame Émilie ayant sollicité la rupture au 15 septembre 2018, Madame Yvonne pourra dès cette même date adresser un courrier à la salariée indiquant, d’une part, son acceptation d’engager une procédure de rupture conventionnelle et précisant, d’autre part, la convocation à un entretien pour fixation des conditions de la rupture. Ainsi, si l’on considère une remise en main propre contre décharge à Madame Émilie le lundi 17 septembre, le délai commencera à courir le 18 septembre et prendra fin le 24 septembre : l’entretien pourra se dérouler dès le mardi 25 septembre. Lors de cet entretien, Madame Yvonne et Madame Émilie pourront donc fixer les modalités de la rupture. Il est toutefois conseillé à Madame Yvonne de procéder au décompte auparavant afin de vérifier que la demande de la salariée ne contrevient pas aux délais de rétractation et d’homologation qui sont obligatoires. Si l’on considère que les parties vont signer la rupture conventionnelle le mardi 18 septembre 2018, le délai de rétraction commencera à courir le mercredi 19 septembre et expirera le mercredi 3 octobre à minuit, et ce n’est que suite à l’expiration du délai que la partie la plus diligente, Yvonne ou Émilie, pourra expédier le formulaire de rupture conventionnelle à la Direccte compétente.
Attention : Si les parties sont parvenues à un accord, suite à l’entretien du mardi 18 septembre 2018, l’employeur et la salariée devront avoir chacun un exemplaire original signé par les deux parties de la rupture conventionnelle.
Si les parties ne parviennent pas à un accord, il conviendra de fixer une nouvelle date d’entretien. Le formulaire prévoit d’ailleurs la possibilité de mentionner plusieurs dates d’entretien (il ne s’agit cependant que d’une faculté).
L’une des parties pourra donc envoyer dès le jeudi 4 octobre la rupture conventionnelle à la Direccte. Il est conseillé à Madame Yvonne d’informer sa salariée que suite à l’expiration du délai de rétractation elle se chargera de l’envoi auprès de l’administration. Le formulaire, afin de garantir la bonne réception par la Direccte, devra être expédié par lettre recommandée avec accusé de réception. En tout état de cause, le délai d’homologation prévu pour la Direccte ne commencera à courir qu’à compter de la réception par l’administration du formulaire. Afin de garantir l’homologation par l’administration, Madame Yvonne et Madame Émilie pourront prévoir un délai plus long que les quinze jours légaux qui inclura le temps nécessaire à l’envoi et à la réception du courrier par la Direccte. Il appartient aux parties, lors de la fixation de la date de rupture prévisible, de prendre en considération ces temps supplémentaires.
Madame Yvonne, qui pourra donc expédier son courrier le jeudi 4 octobre, doit prévoir un délai suffisant pour englober le temps de réception par les services de la Direccte. Ainsi, le décompte du délai d’homologation pourrait valablement commencer à courir à partir du mercredi 10 octobre 2018, considérant que la date de réception au mardi 9 octobre 2018 pour un envoi le jeudi 4 octobre paraît suffisant. Ce nouveau délai doit être décompté en jours ouvrables et il s’agira donc d’exclure les samedis, dimanches, jours fériés et chômés. Dans cette hypothèse, le décompte devra se terminer le mardi 30 octobre 2018, de telle sorte que la date de rupture envisagée par Mesdames Yvonne et Émilie ne pourra intervenir qu’à partir du 31 octobre 2018. De nouveau, dès lors que le particulier employeur mène seul la procédure de rupture conventionnelle, il apparaît opportun de prévoir un délai supplémentaire de sécurité qui garantira l’homologation de la Direccte dès lors que les conditions de validité sont remplies. La détermination de cette date prévisible de rupture devra être mentionnée dans le formulaire de rupture conventionnelle. Elle permet également aux parties de déterminer maintenant le montant de l’indemnité de rupture qui devra être versé à Madame Émilie. Si Madame Yvonne décide de prendre la date de rupture prévisible au plus juste des décomptes des délais, il s’agira du mercredi 31 octobre 2018.
À cette date, l’ancienneté de Madame Émilie qui a été embauchée le 1er septembre 2014 sera donc de quatre ans et deux mois.
Calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle (montant équivalent à l’indemnité légale de licenciement) : soit un quart de mois de salaire par année d’ancienneté = 540 euros/4 = 135 euros par année d’ancienneté.
Par mois d’ancienneté : 135/12 = 11,25 euros par mois d’ancienneté.
Madame Émilie bénéficie d’une ancienneté de quatre ans (soit 135 x 4 = 540) + 2 mois (11,25 x 2 = 22,5) = 562,50 euros à titre d’indemnité conventionnelle de rupture.
Enfin, on rappellera qu’à défaut de réponse de la DIRECCTE après le délai de quinze jours pour homologation, la rupture conventionnelle sera considérée comme valablement acceptée et le contrat rompu à la date du 31 octobre 2018 au soir.
(1)
Avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l’accord du 11 janvier 2008 relatif aux indemnités de rupture en cas de licenciement.
(2)
Pour précision, la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), signataire de l’avenant, a été rebaptisée, en 2016, CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises).
(3)
C. trav., art. L. 1234-9.
(4)
V. pour plus de détails au sein du même chapitre : I, D « L’indemnité de licenciement obligatoire ».
(5)
CA Montpellier, ch. soc. 4, 1er juin 2001, n° 10-06114.
(6)
Circ. DGT n° 2009-04, 17 mars 2009, relative à la rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée.
(7)
Rappelons dans le cadre de la procédure de licenciement que le délai entre la convocation et l’entretien préalable est de cinq jours ouvrables, étant entendu que ne seront décomptés que les jours après réception de la convocation et jusqu’à la veille de la date de l’entretien, en excluant les samedis, dimanches et jours fériés et chômés.