Recevoir la newsletter

Le choix d’avoir des enfants

Article réservé aux abonnés

La faculté de procréer ne se limite pas au seul droit à donner la vie mais doit s’entendre de celui de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA) pour pallier l’absence de fertilité. On peut ainsi être le géniteur d’un enfant sans être juridiquement son père (en l’absence de reconnaissance) ou être juridiquement les parents d’un enfant sans en être les géniteurs, par le biais de la PMA ou de l’adoption.


A. LE DROIT DE DONNER LA VIE, COMPOSANTE DU DROIT À LA VIE PRIVÉE

Sollicitée dans des affaires relatives à la procréation médicalement assistée, la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion à plusieurs reprises d’énoncer que le droit de procréer (c’est-à-dire de concevoir et d’engendrer) relève du droit au respect de la vie privée et familiale et est protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des liberté fondamentales(1). Elle a, par exemple, été saisie du cas d’un couple souhaitant recourir à une insémination artificielle et dont l’homme était détenu à perpétuité avec une période de sûreté de quinze ans. La Cour a estimé que l’administration pénitentiaire devait permettre de recourir à la PMA, même en prison et même si l’un des futurs parents ne pourrait pas élever l’enfant. En décidant le contraire, les autorités britanniques n’avaient pas ménagé un juste équilibre entre intérêts publics et intérêts privés(2).


B. LE DROIT DE RECOURIR À LA PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE

L’assistance médicale à la procréation (AMP) est définie par le code de la santé publique. Elle s’entend « des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle » (C. santé. publ., art. L. 2141-1). Elle a pour objet « de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué » (C. santé. publ., art. L. 2141-2). L’AMP (sigle plutôt employé par le corps médical) – ou procréation médicalement assistée (PMA, sigle plutôt employé par les juristes) – est très étroitement réglementée. Seules certaines interventions médicales sont autorisées en France et seuls certains couples y ont accès ; la question se pose alors de l’accès à la PMA pour les majeurs protégés.


I. Les interventions de PMA autorisées en France

Le code de la santé publique donne une liste des procédés biologiques autorisés (C. santé. publ., art. L. 2141-1), cette liste pouvant être complétée par arrêté ministériel après avis de l’Agence de la biomédecine. Il existe deux sortes de techniques autorisées en France : la procréation assistée endogène (produite en dehors de tout apport extérieur) et la procréation assistée exogène (produite avec l’intervention du matériel génétique d’un donneur)(3). La maternité de substitution, par laquelle une femme est inséminée artificiellement, et la gestation pour autrui (GPA), où un embryon est conçu artificiellement avant d’être implantée dans le ventre d’une femme qui n’intervient « que » pour porter l’embryon, sont pour le moment interdites en France. D’abord censurée par un arrêt de principe de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation(4), la solution jurisprudentielle fut consacrée par l’une des lois de bioéthique de 1994(5) qui introduisit dans le code civil un article 16-7 : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour autrui est nulle. »
La procréation assistée endogène ne pose pas de problème juridique particulier. Elle consiste à recourir à des techniques d’insémination artificielle au sein d’un couple lorsque cette procréation ne peut pas être réalisée naturellement pour des raisons physiologiques ou médicales. On va alors recourir à l’insémination artificielle de spermatozoïdes ou à la fécondation in vitro puis à l’implantation de l’embryon. L’enfant est donc issu génétiquement des deux membres du couple.
La procréation assistée exogène a lieu avec donneur : il peut s’agir de recourir à des gamètes extérieurs au couple (spermatozoïdes pour une insémination artificielle ou ovule pour une fécondation in vitro). Le don est alors anonyme (C. civ., art. 16-8 ; C. santé. publ., art. L. 1211-5) et totalement gratuit (C. civ., art. 16-6). Seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent, en cas de nécessité thérapeutique, avoir accès à l’identité des donneurs et receveurs (C. civ., art. 16-8 ; C. santé. publ., art. L. 1211-5, al. 2).
La procréation assistée exogène peut également avoir lieu avec deux donneurs, mais c’est exceptionnel. En effet, il est en principe interdit de concevoir in vitro un embryon « avec des gamètes ne provenant pas d’un au moins des membres du couple » (C. santé. publ., art. L. 2141-3). C’est possible à titre exceptionnel et sur autorisation judiciaire (C. santé. publ., art. L. 2141-5 et L. 2141-6).


II. Les personnes ayant accès à la PMA en France

Seuls les couples hétérosexuels ont accès à la PMA. En effet, l’article L. 2141-2, alinéa 2, du code de la santé publique énonce que « l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination (...) ». Le couple doit donc être marié, pacsé ou vivre en concubinage (sans condition de durée depuis 2011). En l’état actuel du droit, le recours à la PMA n’est possible, ni pour les femmes célibataires, ni pour les couples homosexuels(6). Il a été envisagé par le législateur « comme un remède à la stérilité et non comme la réponse à un désir d’enfant »(7). La loi ne dit en revanche rien des transsexuels. On peut donc considérer qu’à partir du moment où l’état civil a été modifié (cf. supra, section 2, § 2), le couple qui compte en son sein un transsexuel peut engager une procédure de PMA avec un tiers donneur, « la stérilité résultant de la conversion sexuelle de l’un d’entre eux [pouvant] sans doute être analysée comme une infertilité pathologique »(8).
Les couples qui souhaitent recourir à la PMA doivent exprimer leur plein consentement avant l’intervention. Ce consentement peut être révoqué par écrit auprès du médecin, tant que la procréation n’a pas été réalisée (C. santé. publ., art. L. 1244-2 ; C. civ., art. 311-20), ce n’est plus possible après.


III. PMA et protection des majeurs

A l’examen des dispositions légales régissant la PMA, rien ne semble interdire à une personne placée sous mesure de protection de recourir à cette technique pour procréer. En dehors des cas de stérilité de majeurs protégés, on pense aux personnes qui ont été placées sous tutelle ou sous curatelle, pour une altération de leurs facultés mentales ou corporelles (C. civ., art. 425) due notamment à des maladies génétiques. On entre alors dans le second cas de recours possible à la PMA : « éviter la transmission à l’enfant (…) d’une maladie d’une particulière gravité » (C. santé. publ., art. L. 2141-2). La PMA concerne donc potentiellement de nombreuses personnes en situation de handicap. Quid s’il s’agit de majeurs protégés ?
Aux termes de l’article L. 2141-2, alinéa 2, du code de la santé publique, « font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l’homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre l’assistance médicale à la procréation ». Ces causes d’exclusion de la PMA ne mentionnent pas les mesures de protection juridique. La PMA est donc possible, si la personne protégée y consent.
On rappellera que capacité et consentement doivent être distingués, un majeur sous protection pouvant valablement consentir(9). Par exemple, sauf urgence ou nécessité absolue, le consentement préalable d’un patient à l’acte médical doit toujours être recherché. De même, « le consentement (...) du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision » (C. santé. publ., art. L. 1111-4, al. 7). Pour sa part, le droit civil impose qu’il ne soit porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale ou dans l’intérêt thérapeutique d’autrui et, en principe, avec le consentement préalable de l’intéressé (C. civ., art. 16-3). La loi du 5 mars 2007 relative à la protection des majeurs ne dit pas autre chose, en énonçant que les mesures de protection sont assurées dans le respect « des libertés individuelles » (C. civ., art. 415, al. 2) et qu’elles favorisent « l’autonomie de [la personne du majeur protégé] » (C. civ., art. 415, al. 3). En particulier, la loi de 2007 distingue « les décisions exclusivement personnelles et les décisions simplement personnelles : les premières ne peuvent être prises que par le majeur protégé, sans assistance ni représentation, alors que si les secondes lui appartiennent également, ce n’est que dans la mesure où son état le permet »(10). En effet, l’article 459 du code civil dispose que, « hors les cas prévus à l’article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ». L’article 458 du code civil stipulant que « sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ». Le code civil énonce donc clairement le principe d’autonomie du majeur protégé dans le cas où il est apte à comprendre l’information. La question est donc de savoir si le majeur placé sous mesure de protection peut consentir seul à la PMA, en tant qu’acte strictement personnel, ou s’il faut également l’accord de son tuteur ou de son curateur.
La difficulté tient au fait de concilier code civil, dont l’esprit semble aller dans le sens de l’autonomie du consentement du majeur, et code de la santé publique, qui assortit ponctuellement ce consentement d’un certain nombre de garanties destinées à protéger le majeur (mais aussi son médecin) : information préalable et adaptée, assistance ou représentation par le tuteur ou le curateur, autorisation préalable du juge des tutelles, voire interdiction de l’acte médical(11). Cette articulation a été esquissée par l’article 459-1 du code civil prévoyant que « l’application de la présente sous-section ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique (...) prévoyant l’intervention d’un représentant légal ». Or, l’article L. 1111-2, alinéa 5, du code de la santé publique prévoit que « les droits (...) des majeurs sous tutelle sont exercés par (...) le tuteur ». La lecture combinée n’est guère évidente (et mériterait sans aucun doute une réécriture plus limpide...) mais elle semble révéler que les dispositions du code de la santé publique font échec à celles du code civil dans la mesure où elles prévoient l’intervention du représentant légal. A contrario, si une disposition du code de la santé publique ne vise pas l’intervention explicite du représentant légal, les dispositions du code civil s’appliquent prioritairement (principe d’autonomie du majeur protégé). On notera que le curatélaire n’étant pas mentionné dans le code de la santé publique, le curateur n’a pas à l’assister systématiquement en matière de santé : il peut le faire, avec l’accord du majeur protégé.
Concernant le recours à la PMA, un arrêté de 2014(12) définit deux types d’actes : les actes cliniques (insémination et stimulation ovarienne) et les actes biologiques (recueil et conservation des gamètes). Pour les actes biologiques, l’article L. 2141-11 du code de la santé publique prévoit qu’il est possible de recueillir et de conserver les gamètes en vue d’une PMA, en particulier dans les traitements pouvant altérer la fécondité (chimiothérapie, chirurgie non conservatrice...), « ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l’intéressé et, le cas échéant (...) du tuteur, lorsque l’intéressé (...) fait l’objet d’une mesure de tutelle ». La loi prévoit donc le consentement conjoint de la personne protégée et du tuteur. Alors que pour les actes cliniques il n’est prévu aucune disposition spéciale concernant les tutelles. On pourrait penser, d’un point de vue médical, que, comme le recueil des gamètes est effectué dans l’unique but de l’insémination ou du transfert d’embryon, les actes cliniques et biologiques sont difficilement individualisables : l’article L. 2141-11 du code de la santé publique s’étendrait alors aux actes cliniques, il faudrait l’accord des deux. Mais on peut aussi estimer, d’un point de vue juridique, à l’instar de François Sauvage, que « le consentement du majeur protégé à une insémination artificielle ou à une fécondation in vitro peut être qualifié de décision exclusivement personnelle au sens de l’article 458 du code civil, au même titre que la décision de le révoquer. Aucune disposition du code de la santé publique n’exige en effet l’autorisation du tuteur. Dans cette opinion, seul le majeur, quel que soit son régime de protection, donnerait son consentement »(13). On songera particulièrement aux personnes dont la mesure de protection est exercée par un membre de la famille : ce n’est pas au tuteur à consentir à cette décision, c’est à la personne elle-même et à elle seule.
On rappellera l’intérêt pour le majeur protégé, dans ce type de situation, d’être accompagné par une personne de confiance. Instaurée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé(14), la personne de confiance (en dehors du cas où la personne est hors d’état de manifester sa volonté) peut assister un patient dans son parcours de soin, notamment en étant présent lors des entretiens médicaux (C. santé. publ., art. L. 1111-6). Jusqu’en 2016, si une personne sous curatelle était libre de désigner une personne de confiance, le législateur considérait que ce rôle était assuré par le tuteur : une personne sous tutelle ne pouvait pas en désigner une après l’ouverture de la mesure, la seule possibilité était que le juge des tutelles, lors de l’ouverture de la mesure, maintienne expressément la personne de confiance, mais encore fallait-il le demander. La loi d’adaptation de la société au vieillissement de la population de 2015(15) a précisé que les majeurs bénéficiant d’une mesure de protection relative à leur personne pouvaient désigner une personne de confiance après l’ouverture de la mesure, avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille (CASF, art. L. 311-5-1, al. 4). A contrario, si la mesure de protection ne vise que les biens (notamment en cas de curatelle), la désignation de la personne de confiance est libre. Par ailleurs, une loi de 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie(16) est venue préciser à nouveau que pour les personnes sous tutelle, outre cette nouvelle possibilité de désignation ultérieure à l’ouverture de la mesure, si une personne de confiance a été désignée antérieurement, le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer (C. santé. publ., art. L. 1111-6, al. 5). D’autant que, désormais, les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont dans l’obligation d’informer les personnes qu’ils accompagnent de leur possibilité de désigner une personne de confiance (CASF, art. L. 311-5, D. 311-0-4 et D. 311-39).
Que l’on soit dans le cadre d’une tutelle ou d’une curatelle, on voit tout à fait l’intérêt de désigner une personne de confiance, choisie parmi les proches du majeur protégé, en particulier lorsque la mesure est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeur (MJPM).


(1)
CEDH, 10 avril 2007, req. n° 6339/50, Evans c/ Royaume-Uni.


(2)
CEDH, 4 décembre 2007, req. n° 44362/04, Dickson c/ Royaume-Uni.


(3)
Gouttenoire A. et Courbe P., Droit de la famille, op. cit., p. 425 et s.


(4)
Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20105, JCP G 1991, II, 21752, note Terré.


(5)
Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, JO du 30-07-94.


(6)
Dans son avis n° 126, sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation, rendu le 15 juin 2017, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé en faveur d’une ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules qui souhaitent procréer sans partenaires masculins grâce à un don de sperme. L’avis du CCNE est seulement consultatif, mais il ouvre la voie à une évolution de la législation.


(7)
Gouttenoire A. et Courbe P., Droit de la famille, op. cit.


(8)
Ibid.


(9)
Cf. par exemple : Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Assemblée plénière du 16 avril 2015, « Avis sur le consentement des personnes vulnérables », JO du 10-07-15.


(10)
Sauvage F., « Le consentement à l’acte médical du patient sous protection juridique », Médecine & droit, novembre 2011, n° 111, p. 235-240.


(11)
Cf. par exemple : Arhab-Girardin F., « La décision médicale du majeur protégé : une articulation complexe des dispositions du code de la santé publique avec la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs », RDSS n° 5/2009, p. 875 ; Batteur A., « Recherche d’une articulation entre le code de la santé publique et le code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », Dr. famille, février 2010, 5. ; Massip J., « Les règles applicables aux actes personnels et médicaux concernant un majeur sous tutelle », Dr. famille, juillet-août 2010, p. 18.


(12)
Arrêté du 2 juin 2014 modifiant l’arrêté du 3 août 2010 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation, NOR : AFSP1412632A, JO du 12-06-14.


(13)
Sauvage F., « Le consentement à l’acte médical du patient sous protection juridique », préc.


(14)
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, JO du 5-03-02.


(15)
Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, JO du 29-12-15.


(16)
Loi n° 2016-87 du 2 février 2016, JO du 3-02-16.

SECTION 4 - LE LIBRE CHOIX DE PROCRÉER

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur