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Le cas particulier de l’information préoccupante

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La jurisprudence de la Commission d’accès aux documents administratifs met en évidence le statut tout à fait particulier de l’information préoccupante au sein des documents administratifs. En effet, selon elle, les informations préoccupantes sont bien des documents administratifs puisqu’elles se rattachent à l’exécution d’une activité de service public à savoir le recueil, le traitement et l’évaluation de ces informations par la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (CASF, art. L. 226-3).
La commission rappelle ensuite les dispositions de la loi de 1978 selon lesquelles « ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi » (CRPA, art. L. 311-5, 2° h) (1). Or, elle considère que le secret professionnel fait partie de ces secrets protégés par la loi. Elle fait ensuite la distinction entre les agents du Service national d’accueil téléphonique (Snated) qui sont tenus au secret professionnel par l’article L. 226-9 du code de l’action sociale et des familles (2) et les agents de la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes qui n’entrent pas dans les dispositions de cet article.
Ainsi, la possibilité pour l’administré d’accéder à l’information préoccupante qui le concerne dépendra de la nature de cette information :
  • lorsqu’il s’agit d’un document produit par le Snated, ce document ne sera dans aucun cas communicable ;
  • lorsqu’il s’agit d’un document qui n’est pas produit par le Snated, par exemple l’information préoccupante adressée directement à la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes par un particulier ou un professionnel, le document sera communicable. La Commission d’accès aux documents administratifs considère « que la divulgation du document contenant l’information préoccupante révèle le comportement de son auteur dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. […] La commission en déduit que lorsque le signalement est le fait d’une personne physique, et non pas celui d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, le document est communicable à elle seule, à l’exclusion des personnes visées par l’information préoccupante, à moins que des occultations ne permettent d’interdire l’identification de son auteur » (3).
Autrement dit, l’accès à l’information préoccupante par la personne qu’elle concerne dépend en réalité de la qualité de l’auteur de cette information. Si il s’agit d’une autorité administrative (comme l’Education nationale, le service de protection maternelle et infantile ou encore le service social de polyvalence), l’information préoccupante pourra être communiquée à la personne qu’elle vise.
A l’inverse, lorsque l’information préoccupante est le fait d’une personne physique, le document ne sera accessible qu’à elle seule. Autrement dit, la personne qui fait l’objet de l’information préoccupante ne pourra pas en avoir communication. Il s’agit ainsi de protéger la personne qui repère un enfant qui lui semble en danger. La CADA estime en effet que le droit d’accès aux documents administratifs risque ici de porter préjudice à l’auteur de l’information préoccupante. Elle considère par conséquent que le document n’est pas communicable à la personne visée « à moins que des occultations ne permettent d’interdire l’identification de son auteur ». Or, souvent, l’auteur de l’information préoccupante fait mention d’éléments d’observation qui permettent de remonter jusqu’à lui. Le voisin parlera ainsi de l’enfant qu’il entend pleurer toutes les nuits, la nourrice de la sous-nutrition de l’enfant, et le grand-parent de son inquiétude liée à la séparation conflictuelle et parfois violente du couple.


(1)
CADA, avis n° 20142331, conseil départemental de l’Isère, séance du 4 septembre 2014.


(2)
CADA, avis n° 20101913, directrice générale du groupement d’intérêt public enfance en danger (GIPED), séance du 6 mai 2010.


(3)
CADA, avis n° 20142331, conseil départemental de l’Isère, préc.

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