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Médiation familiale et violences conjugales

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Selon les spécialistes, il importe de bien distinguer les situations de :
  • conflit dans le couple dans lesquelles les partenaires sont à égalité et capables de résoudre leurs différends par le langage ;
  • violences qui se manifestent par une domination de l’un des partenaires sur l’autre, ce dernier vivant dans la peur, et où la possibilité d’un dialogue constructif est exclu.
Cette distinction faite, les positions des différents acteurs sur la possibilité de mener une médiation familiale en cas de violences conjugales sont très partagées.


A. LES OPPOSANTS À LA MÉDIATION FAMILIALE EN CAS DE VIOLENCES CONJUGALES

Pour beaucoup de professionnels, l’utilisation de la médiation familiale, dans le cadre de violences domestiques, n’est pas nécessairement la réponse la plus adaptée. Ainsi, « Les mouvements de défense des femmes s’opposent au recours à la médiation en matière de violence familiale, soutenant notamment que la dévolution des conflits pénaux à des médiateurs aurait en particulier pour effet de fermer la porte des prétoires aux populations les plus défavorisées et de privatiser la régulation de leurs conflits » (1).
Par ailleurs, elle peut être également vue comme un moyen pour l’auteur des violences d’entrer en relation avec sa victime.


B. LES TENANTS DE LA MÉDIATION FAMILIALE DANS CERTAINES SITUATIONS

Au contraire, des spécialistes soutiennent que l’utilisation de la médiation familiale est possible dans certaines situations.
Ainsi, Marc Juston distingue différents degrés de violences conjugales (2) :
  • « les violences conjugales pathologiques, installées, instaurées, structurelles, institutionnelles, répétées,
  • « et les violences conjugales contextuelles, réactionnelles, ponctuelles, événementielles, situationnelles, un pétage de plomb » qui constitue « un incident isolé », un « événement sporadique ».
De la même façon, Jérôme Prévôt, médiateur familial, fait la part entre la violence structurelle – celle où « il y a emprise, volonté de nier l’autre, de l’anéantir », celle où « l’auteur est dans le déni », où « la victime est dans la peur, la terreur, et n’est pas réparée » – des violences souvent liées à la séparation (3).
Dans le premier cas, la médiation familiale ne paraît, selon Marc Juston, « ni adaptée ni indiquée » en raison de l’inégalité installée entre l’agresseur et la victime. En revanche, il considère que « travailler en médiation dans le cas de violences ponctuelles est possible, au même titre que pour les litiges de non-paiement de contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et de non-présentation d’enfant ». La médiation familiale peut donc être un outil, en complément du pénal, à partir du moment où la loi pénale a bien marqué l’existence de faits de violence. Pour Jérôme Prévôt également, la médiation familiale ne peut pas se mettre en place dans le cas de la violence structurelle.
Par ailleurs, le magistrat estime qu’un certain nombre de conditions doivent être réunies :
  • « le couple doit être séparé » ;
  • « le médiateur familial doit poser un cadre » ;
  • « les faits doivent être établis et reconnus. Les auteurs doivent prendre conscience de leur comportement ».
En cas de déni de violences conjugales, le processus de médiation ne peut pas se mettre en place.
Dans le même sens, Jérôme Prévôt estime « qu’une médiation familiale n’est possible en cas de violences conjugales que si la victime a été réparée, ou est en cours de réparation, et uniquement si l’auteur a déjà bien été identifié et n’est pas dans le déni ». De plus, « la médiation familiale dans les situations de violences conjugales non structurelles peut permettre à l’enfant de conserver un lien avec le parent absent, elle peut également permettre à la victime d’entrer dans un processus de réparation et à l’auteur de prendre conscience de la portée de ses actes ».
Au plan pratique, les acteurs prévoient régulièrement des arrivées et des départs différés des deux membres du couple pour les entretiens de médiation familiale.


C. LES RENCONTRES FAMILIALES PÉNALES

Expérimentées à Nancy entre le Parquet et le milieu associatif, ces rencontres familiales pénales sont à distinguer des médiations pénales qui, alternatives aux poursuites, visent à obtenir une solution amiable entre les parties, avec l’aide d’un médiateur pénal, à une infraction (versement de dommages et intérêts...) (cf. supra, chapitre 3, section 2, § 2, B).
Les rencontres familiales pénales utilisent, selon Jérôme Prévôt, les outils de la médiation familiale adaptés au pénal, mais ne sont pas conseillées en cas de violences conjugales structurelles. Ces rencontres s’appuient sur le volontariat des personnes et suivent un protocole d’expérimentation en cours d’évaluation dont les étapes sont les suivantes :
  • « La victime porte plainte, l’auteur est identifié et se retrouve en garde à vue.
  • L’auteur est déféré devant le Parquet et se retrouve devant le Procureur.
  • L’auteur doit suivre un protocole appelé à Nancy : “Protocole violences conjugales”.
  • Il doit se rendre dans une association d’aide aux victimes pour un entretien, enquête sociale rapide.
  • La victime se rend également à un entretien individuel. Le couple, selon la situation de violences, est ensuite envoyé, s’il en est d’accord, au service de Médiation familiale de Regain [NDLR : nom de l’association] pour une rencontre familiale pénale qui leur permettra de :
    • faire le point,
    • envisager la poursuite de la vie conjugale ou la séparation,
    • s’assurer que la victime se sent réparée ou l’orienter si besoin vers des services médicaux ou psychologiques,
    • vérifier que les enfants ayant vécu ou observé les violences conjugales sont pris en charge et/ou entendus, voire signalés s’il est estimé que les enfants sont en danger. »
« Enfin, ce processus permet de s’assurer que l’auteur va entrer dans une démarche de soins psychologiques ou médicaux en lien avec ce qui semble causer sa violence (groupe de parole pour hommes violents, prise en charge en alcoologie...). Les rendez-vous peuvent être pris durant l’entretien.
Les orientations sont transmises par mail le jour même de l’entretien au parquet et signées par le couple et le médiateur.
A ce moment, le couple peut être réorienté vers du conseil conjugal, de la thérapie de couple, ou encore un processus de médiation familiale (4)»


(1)
Juston M., « Violences conjugales et affaires familiales », Actualité juridique famille, n° 9, septembre 2014, p. 489.


(2)
Prévôt J., « La violence intrafamiliale dans les services de médiation familiale », intervention lors de la journée d’étude « La parentalité à l’épreuve des violences intrafamiliales » de la Fenamef, 9 avril 2015.

SECTION 3 - LA MÉDIATION FAMILIALE

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