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Introduction

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Il est important de définir les personnes soumises au secret professionnel. Exerçant un métier spécifique, celles-ci ont certes des prérogatives, mais elles encourent également des sanctions disciplinaires, administratives, civiles ou pénales.
L’article 378 de l’ancien code pénal donnait une liste non exhaustive des professions soumises au secret professionnel. Celles-ci relevaient principalement du domaine médical (médecins, chirurgiens, et autres officiers de santé, sages-femmes) mais pas seulement (toute personne dépositaire de secrets par état ou par profession, par fonctions temporaires ou permanentes). L’article 226-13 du code pénal actuel a supprimé toute référence à une profession quelconque, donnant une définition générale des personnes soumises au secret professionnel. Ce qui importe désormais, c’est le cadre dans lequel la personne a eu connaissance de l’information à caractère secret : son état, sa profession, sa fonction ou sa mission temporaire. Il faut donc rechercher au cas par cas dans d’autres textes, voire dans la jurisprudence, la liste des personnes qui sont tenues au secret. Comme le notent avec regret Jean-Pierre Rosenczveig et Pierre Verdier, « c’est donc souvent a posteriori que l’on saura si tel ou tel était tenu au secret professionnel » (1).
Face à ce manque de clarté, il semble nécessaire de recenser, de la manière la plus précise possible, les personnes soumises ou non à ce secret et de tenter d’en dresser la liste. Le code pénal étant d’interprétation stricte, seules sont soumises au secret professionnel les personnes pour lesquelles un texte le prévoit expressément. A cet égard, les travailleurs sociaux ne sont pas assujettis au secret par état ou par profession, à l’exception des assistants de service social, mais davantage par la mission qu’ils effectuent.
Cependant, certains auteurs jugent que cette conception limitative des personnes soumises au secret se heurte à l’intention du législateur de 1993 (2). Par exemple Pierre Calloch, magistrat et auteur, estime que le législateur n’ayant pas dressé la liste des professionnels soumis au secret, celui-ci aurait ainsi confirmé implicitement la jurisprudence qui reconnaît à certains acteurs la qualité de « confidents nécessaires » soumis au secret en dehors de tout texte législatif ou réglementaire. Il en a déduit que « compte tenu de cette définition très large des personnes tenues au secret professionnel, l’existence de textes spécifiques revêt [...] un caractère secondaire » (3).
Encore une fois, le caractère secondaire sera laissé à la libre appréciation des personnes condamnées sur ce fondement ! Certes, la justice a toujours la possibilité de soumettre de nouveaux professionnels au secret. Mais il faut reconnaître que les textes législatifs et réglementaires confèrent une sécurité juridique plus grande que des jurisprudences souvent spécifiques et toujours sujettes à débat. C’est pourquoi l’existence d’un texte général prévoyant que tous les professionnels de l’action sociale sont soumis au secret professionnel aurait le mérite de clarifier la situation. Or, le ministère de la Justice, craignant qu’une telle généralisation nuise au bon fonctionnement de la justice, s’est toujours opposé à l’adoption d’un tel texte préconisé par le ministère des Affaires sociales. Certes, le choix laissé aux professionnels de ne pas parler dans certaines situations ne facilite pas le travail des magistrats. Cette possibilité doit donc être limitée dans l’intérêt de la société à des situations exceptionnelles.
L’article 226-13 du code pénal définit donc trois catégories de personnes tenues au secret professionnel : celles qui sont dépositaires d’informations à caractère secret par état (cf. encadré), celles qui le sont par profession, et celles qui le sont par fonction ou mission temporaire. Seules nous intéressent ici les professions, fonctions ou missions relevant du travail social ou plus généralement de l’action sociale. Etant précisé que par « profession » ou « fonction temporaire », il faut entendre les professions pour lesquelles un texte spécifique prévoit l’obligation de secret. S’agissant de la « mission » exercée, le plus souvent les professionnels sont soumis au secret également en fonction d’un texte particulier.
Les personnes dépositaires par « état » : les ministres du culte
Ce sont principalement les ministres du culte qui sont tenus au secret professionnel « par état », et ce quel que soit le culte exercé. Mais ont-ils le droit de se taire devant la justice ? (4).
Respect du secret et obligation de dénoncer
Il est admis de longue date que « les prêtres ne sont pas tenus de déposer en justice pour les choses qu’ils savaient sous le secret de la confession » (5). Un arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 1810 a précisé que les magistrats doivent respecter et faire respecter le secret de la confession. Puis, dans un arrêt du 4 décembre 1891, la Cour de cassation a confirmé la possibilité pour les ministres du culte d’invoquer le secret professionnel, cette solution valant pour toutes les religions. Pour les prêtres catholiques, peu importe que ce qu’ils ont appris l’ai été en confession ou non (6), dès lors que cette confidence leur a été faite en qualité de prêtre (7).
Néanmoins, la jurisprudence récente semble apporter des limites au principe de secret professionnel. En effet, le tribunal correctionnel de Caen a condamné, le 4 septembre 2001, l’évêque de Bayeux pour « non-dénonciation d’acte de pédophilie commis par un prêtre dans son diocèse ». Cette décision est certes un cas d’espèce, mais elle est révélatrice de la volonté actuelle des magistrats d’investiguer dans tous les lieux et envers toutes les personnes sans aucune exception. Rappel des faits : une mère se plaint à un vicaire que son fils a subi de mauvais traitements à caractère sexuel de la part d’un prêtre et demande le secret, c’est-à-dire que l’on ne révèle pas son identité. Le vicaire en parle à son évêque qui ordonne des investigations et éloigne le prêtre. La justice, se saisissant de l’affaire, condamne évidemment le prêtre, mais poursuit également l’évêque sur le fondement de non-dénonciation de mauvais traitements.
Quelle fut la démarche juridique du tribunal correctionnel ? Pour déterminer si les informations relatives aux actes pédophiles relevaient ou non du secret, le tribunal s’est attaché à préciser si elles émanaient d’une confidence faite à l’évêque, ce qui aurait justifié son silence.
Le juge commence par énoncer que l’article 226-13 du code pénal, qui interdit de révéler une information à caractère secret, ne définit pas les faits couverts par le secret professionnel. Le tribunal examine alors les circonstances dans lesquelles l’évêque a reçu l’information. Il précise que ces informations ne lui sont pas parvenues directement du prêtre ayant commis des actes criminels, mais de son vicaire général, lui-même averti par une mère qui demandait le secret. Le tribunal estime alors que si l’évêque pouvait se considérer tenu par les confidences de la mère concernant son fils, il ne pouvait en être de même des autres informations qu’il détenait. En effet, « la notion même de confidence suppose une démarche spontanée de celui qui se confie envers celui qui la reçoit ».
La connaissance qu’avait l’évêque de l’existence d’autres victimes résultait non d’une confidence du prêtre pédophile mais d’une recherche de sa part. En conséquence, l’option de conscience tirée du secret professionnel ne pouvait être appliquée. Cette décision bouleverse la jurisprudence concernant les ministres du culte, qui affirmait le secret pour les révélations faites en raison de leur fonction sans distinguer, pour les prêtres catholiques, s’ils avaient eu connaissance des faits par voie de confession ou en dehors de ce sacrement. Il suffisait que les faits aient été confiés dans l’exercice et en raison de ce ministère. Nul doute que Mgr P. agissait dans ce cadre. Encore une fois, cette décision d’espèce est très contestable et aurait dû faire l’objet d’une cassation. Elle aurait pour conséquence de limiter le secret. Celui-ci tiendrait autant aux conditions de l’information qu’au statut professionnel. Elle ne correspond pas à la jurisprudence établie qui reconnaît le secret pour tout ce qui est appris du fait de la profession, le législateur en 1994 ayant même supprimé le terme « confié » dans l’article 226-13 du code pénal. Mais cette décision montre que les magistrats peuvent toujours user de subterfuges quand ils veulent entrer en voie de condamnation.
Secret professionnel et saisie de documents
Une autre décision s’inspire du même esprit. La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 17 décembre 2002, que « l’obligation imposée aux ministres des cultes de garder le secret des faits dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur ministère ne fait pas obstacle à ce que le juge d’instruction procède à la saisie de tous les documents pouvant être utiles à la manifestation de la vérité », dès lors que cette saisie n’est pas effectuée selon un procédé déloyal (8).


(1)
Rosenczveig J.-P., Verdier P., Le secret professionnel en travail social et médico-social, Dunod, Jeunesse et droit, 5e éd., 2011.


(2)
Une circulaire du 14 mai 1993 est venue préciser l’intention du législateur. Ce dernier s’est directement inspiré de la doctrine et de la jurisprudence. En outre, il n’a pas dressé de liste car elle serait « inutile au regard de la définition générale que retient l’article 226-13 du code pénal ».


(3)
Calloch P., La responsabilité des établissements sanitaires et sociaux, Editions Législatives, 2006.


(4)
Circulaire CRIM 2004-10 E1 du 11 août 2004, NOR : JUSD0430163C, BOMJ n° 95.


(5)
Décision du Parlement de Paris du 23 octobre 1580.


(6)
Cass. crim., 4 décembre 1891.


(7)
Cass. crim., 11 mai 1959, Gaz. Pal. 1959.2.79.


(8)
Cass. crim., 17 décembre 2002, n° 02-83679.

Chapitre 2 - Les personnes assujetties

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