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LA RESPONSABILITÉ POUR LES FAUTES INVOLONTAIRES

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Cour de cassation chambre criminelle, 12 janvier 2010 (extrait)
« Statuant sur le pourvoi formé par :
– X... M.,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 29 janvier 2009, qui, pour homicide involontaire, l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X. coupable d’homicide involontaire à l’encontre d’A. Y ;
“aux motifs qu’aux termes de l’article 121-3 du code pénal, la responsabilité pénale des personnes physiques, auteurs indirects d’un dommage, n’est engagée que s’il est établi, soit la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité que l’intéressé ne pouvait ignorer ; que le règlement intérieur du CFA qui n’émane pas d’une autorité publique et ne revêt pas un caractère général et impersonnel ne correspond pas à la norme à laquelle fait référence l’article 121-3 précitée, ce qui conduit à écarter la faute délibérée ; que la convivialité d’un repas de fin d’année organisé à l’initiative des élèves dans un centre de formation soumis à ses règles propres qui s’imposaient également aux élèves majeurs ne faisait pas disparaître la relation particulière existant entre l’enseignant et les enseignés et la responsabilité de l’un et des autres, celle du premier ne se limitant pas à la transmission du savoir ; que force est de constater que M. X. a accepté que des boissons alcoolisées, dont une avec un titrage élevé, soient introduites à l’intérieur de l’établissement et a d’ailleurs procédé à l’achat de ces boissons qui ont été consommées ensuite à l’intérieur de l’établissement ; que le prévenu n’a pas surveillé la manière dont ces boissons étaient consommées (cf. ses déclarations : « je n’ai pas fait attention à ce qu’A. Y. buvait ») et pris des mesures pour éviter toute consommation excessive ; qu’il ne s’est pas plus enquis à la fin du repas de l’état des élèves dont il avait la responsabilité jusqu’à 17 heures ainsi que de leur aptitude à quitter l’établissement – pour certains d’entre eux avant l’heure officielle marquant la fin des cours – en utilisant, s’agissant de jeunes majeurs, un véhicule ; qu’après le repas alors que les élèves étaient encore sous sa responsabilité, M. X. s’est absenté quelque temps pour rencontrer la surveillante générale du CFA alors qu’aucun motif urgent ne justifiait une telle démarche ainsi qu’il l’a précisé à l’audience puis est allé voir un autre professeur qui était « de passage avec une vieille Renault Alpine », ce qui a permis à certains élèves dont A. Y. de quitter l’établissement ; qu’il ressort de ce qui précède que M. X. a tout à la fois commis des actes positifs et volontaires (achat de boissons alcoolisées et introduction de ces boissons dans l’établissement) et des imprudences ou négligences (défaut de surveillance pendant et après le repas, absence momentanée que rien ne justifiait) qui constituent par leur accumulation une faute caractérisée qui a exposé A. Y. à un risque d’une particulière gravité puisque ce dernier a pu quitter le CFA au volant de son véhicule alors qu’il était sous l’empire d’un état alcoolique et inapte à conduire ledit véhicule qui entrera en collision avec un camion, collision au cours de laquelle A.Y. décédera ; que M. X. ne peut prétendre qu’il n’a pas eu connaissance du risque de particulière gravité encouru par A. Y. alors que les méfaits de l’alcool y compris chez les jeunes majeurs sont connus et donnent lieu régulièrement à des campagnes de sensibilisation y compris au sein de la communauté enseignante alors, d’une part, qu’il a participé à l’achat du produit générateur du risque et, d’autre part, n’a pas contrôlé l’usage qui en a été fait ;
“alors que la faute caractérisée, visée par l’article 121-3, alinéa 4, du code pénal, n’est constituée qu’autant qu’il est démontré que la personne poursuivie a été en mesure d’avoir connaissance de la situation de danger ainsi encourue par les tiers ; qu’à ce titre, M. X. insistait à l’appui de ses écritures d’appel (p. 12) sur le fait que la connaissance du risque qu’il y avait pour A. Y. à conduire son véhicule sous l’emprise d’un état alcoolique faisait nécessairement défaut en l’espèce, pas plus lui-même que les autres élèves présents, n’ayant relevé chez ce dernier un comportement anormal impliquant qu’il se trouvait en état d’ivresse, étant précisé que la quantité d’alcool achetée en vue de ce repas, n’était nullement excessive au regard du nombre de convives ; qu’en se bornant, dès lors, à se fonder, pour affirmer que M. X. ne pouvait ignorer le risque d’une particulière gravité encouru par A. Y., sur une circonstance étrangère aux faits de l’espèce, se rapportant au problème des méfaits de l’alcool chez les jeunes, considération d’ordre général concernant un problème de société, laquelle ne peut s’analyser en une circonstance propre au cas d’espèce de nature à établir que M. X. aurait eu connaissance de l’état d’ébriété d’Antonin Y., la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 16 décembre 2005 vers 17 heures, sur le territoire de la commune de C., A. Y., né le 20 février 1987, qui circulait sur une route départementale sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par un taux d’alcoolémie de 2,19 g d’alcool par litre, a perdu le contrôle du véhicule qu’il conduisait et a trouvé la mort dans une collision frontale avec un véhicule poids lourd arrivant en sens inverse ; que l’enquête a révélé que la victime, étudiant au Centre de formation des apprentis d’A. (CFA), sortait de cet établissement où il avait participé, la veille des vacances scolaires, à un repas de classe, organisé à l’initiative des élèves, tous majeurs, avec l’aval de M. X., artisan en ébénisterie, professant sa discipline dans ce centre ; qu’à cette fin, une collecte avait été organisée et que M. X., accompagné d’un élève, s’était rendu dans un commerce pour y acheter trois litres de vin et une bouteille de Pastis, le repas ayant débuté vers 12 h 30, pour prendre fin vers 13 h 30 et les élèves ayant ensuite procédé au nettoyage des locaux ; que la directrice de l’établissement, entendue lors de l’enquête, a indiqué ne pas avoir été informée de l’organisation de ce repas et a précisé que la consommation d’alcool, interdite par le règlement intérieur, s’appliquait aux élèves majeurs en ajoutant que, selon les renseignements dont elle disposait, A. Y. avait quitté l’établissement avant la fin des cours sans obtenir l’autorisation nécessaire à cet effet ; que S. Z., camarade de classe de la victime, a déclaré que celle-ci, qui avait bu au moins cinq verres de Pastis avec de l’eau, était ivre, euphorique, avait les yeux brillants et ne conservait pas son équilibre ; qu’il a précisé qu’il était allé chercher un objet dans la voiture d’A.Y. et qu’il ne lui en avait pas restitué les clefs mais les avait posées sur la table qui le séparait de M. X. en disant à ce dernier : “A. a bu, il est gris” sans être à même d’indiquer si celui-ci avait entendu car tout le monde parlait ; que les vérifications entreprises ont révélé qu’après le repas, M. X. s’était absenté pour rencontrer le surveillant général puis un collègue qui était de passage avec un véhicule de sport dont ils s’étaient entretenus ; que les parents d’A. Y. ont fait citer devant le tribunal M. X. comme prévenu d’homicide involontaire ; que le tribunal correctionnel l’a déclaré coupable des faits
D’où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi. »
[...]

LES ARRÊTS DE LA JURISPRUDENCE PÉNALE

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