Recevoir la newsletter

LES FAUTES COMMISES ENVERS L’EMPLOYEUR

Article réservé aux abonnés

Ces fautes envers l’employeur peuvent résulter de conflits avec ce dernier ou de la mauvaise exécution du travail.


A. LES CONFLITS



1. LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL ET L’OBLIGATION DE DISCRÉTION

Un salarié peut certes être en désaccord sur les pratiques au sein de l’établissement dans lequel il travaille, mais cela ne saurait justifier le fait de violer le secret professionnel protégeant les usagers ainsi que l’obligation de discrétion qui s’impose à l’ensemble des salariés travaillant dans une entreprise. Une animatrice mécontente du fonctionnement de l’établissement dans lequel elle est employée rédige deux écrits. L’un s’intitule « Audit sur l’insertion à l’association X », l’autre est un mémoire universitaire. Le premier comprend des copies de noms de résidents, des rapports de synthèse au sujet de certains d’entre eux relatant des éléments couverts par la vie privée et le secret professionnel. De plus, des propos outranciers sont tenus à l’encontre des salariés de l’établissement, nommément identifiés par leur prénom. Certains salariés sont qualifiés de « manipulateurs, inefficaces, abusifs, manquant d’éthique et menant des pratiques perverses. Il faut faire démissionner ou licencier la bande de F. et M. ». On aura compris le style sans aller plus loin. Il semble également que le travail universitaire puisse faire l’objet des mêmes reproches. Pour la salariée, le licenciement faisait suite à la dénonciation de mauvais traitements. Mais devant un tel verbiage outrancier, les juges de Cassation ont estimé que le licenciement sans indemnité était justifié. En revanche, ils reprochent à la cour d’appel de n’avoir pas répondu sur le fait de discrimination syndicale évoquée par la salariée en n’ayant pas examiné le déroulement de sa carrière (1).
L’obligation de discrétion s’impose envers toutes les personnes extérieures à l’institution. Même concernant les informations aux autorités judiciaires ou de tutelle, le règlement intérieur doit être respecté, sauf s’il existe une situation exceptionnelle justifiant un signalement prévu par la loi. Ainsi, le Conseil d’Etat a admis le licenciement d’un éducateur pour avoir saisi l’autorité judiciaire de faits délictueux commis par des enfants admis dans un établissement spécialisé, sans en avoir référé préalablement à sa direction, en ne respectant pas, de ce fait, le règlement intérieur (2). Le directeur d’un établissement doit être informé le premier des faits anormaux concernant le fonctionnement de son établissement. C’est à lui en premier que les autorités extérieures, que ce soit la police, la justice, les autorités de contrôle, demanderont des explications...
Le licenciement d’éducateurs spécialisés pour cause réelle et sérieuse a été également confirmé dès lors qu’ils ont porté à la connaissance de personnalités extérieures, dont les autorités de tutelle, les différends qui les opposaient à l’équipe médicale du centre sur la procédure d’admission des toxicomanes pendant le temps de négociations consacrées à la réorganisation des services (3).
Toutefois, les professionnels du travail social peuvent être confrontés à des situations qui les mettent au devoir d’effectuer des signalements, notamment concernant les usagers. L’affaire suivante a eu lieu avant la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médicosociale et l’application de l’article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles qui protège les salariés, mais il est intéressant de constater que déjà avant cette loi les tribunaux reconnaissaient un devoir d’alerte des autorités.
Une psychologue constate des dysfonctionnements graves dans la pouponnière où elle travaille. Elle prévient son supérieur hiérarchique, mais sans résultat et le tribunal relève qu’aucune concertation n’était possible avec l’équipe soignante. Elle écrit tout d’abord à l’association qui envoie des enfants dans cette pouponnière, avant d’écrire au médecin chef de protection maternelle et infantile et à la justice. Son employeur, une importante caisse de sécurité sociale, la licencie pour faute grave estimant qu’elle avait « outrepassé son devoir d’alerte » et avait nui à l’image de l’établissement en écrivant à l’association qui confiait des enfants en vue d’adoption à cette crèche. La Cour de cassation refuse ce licenciement et condamne la caisse de sécurité sociale. Depuis cette date et pour faire face à ces situations le législateur s’est emparé de la situation. Deux articles protègent les salariés qui sont amenés à effectuer des signalements : l’article 226-14 du code pénal (4) et l’article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles issu de la loi du 2 janvier 2002 (5).


2. LA DÉNONCIATION CALOMNIEUSE ET LES PROPOS INJURIEUX

Dans une affaire touchant un centre éducatif, une éducatrice en internat a été licenciée pour faute grave à la suite d’une dénonciation calomnieuse de mauvais traitements commis par les membres d’une nouvelle direction. Après avoir enquêté, la gendarmerie a pu conclure qu’il s’agissait d’« un règlement de compte » et que des enfants avaient été manipulés pour dénoncer des actes de violences inexistants (6).
Dans un centre d’aide par le travail, un moniteur qui tient des propos injurieux sur son supérieur hiérarchique, même en dehors de son temps de travail et de son lieu de travail, devant des travailleurs handicapés qu’il était chargé d’encadrer a été licencié pour cause réelle et sérieuse (7).


3. MÉSENTENTE ET DROIT D’EXPRESSION DES SALARIÉS

Ces conflits posent tous la question du droit d’expression des salariés. La jurisprudence suivante illustre ce débat.
Un éducateur, responsable de la scolarité interne dans un établissement d’hébergement d’enfants, en désaccord avec le directeur de cette structure et l’équipe éducative, écrit une lettre au président de l’association qui gère cet établissement. A la suite de ce courrier, il est licencié. Dans le pourvoi en cassation, il argue que la cour d’appel qui a confirmé le licenciement a commis une erreur en jugeant que sa lettre constituait un réquisitoire contre sa hiérarchie alors qu’il n’avait fait qu’émettre des observations sur les conditions d’exercice, l’organisation du travail et les actions à mettre en œuvre. Il considérait également que le droit d’expression des salariés n’avait pas été respecté. Ce droit prévu par les articles L. 2281-1 et L. 2281-2 du code du travail énonce que l’expression des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer « l’organisation de l’activité et la qualité de la production ». La Cour de cassation confirme le licenciement estimant que la réalité d’un des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, à savoir la mésentente avec le directeur de l’établissement et l’équipe éducative, justifiait le licenciement pour cause réelle et sérieuse (8).
La Cour de cassation a également pu considérer que l’incompatibilité de « relations humaines et professionnelles » d’un salarié avec son responsable hiérarchique, qui entraîne une dégradation du travail de l’ensemble du personnel, justifie un licenciement pour cause réelle et sérieuse (9).


4. LES LIMITES DU POUVOIR D’INTERVENTION

Les conflits peuvent porter sur les limites du travail effectué par une institution. Ainsi il semble qu’un animateur linguistique employé par une association d’aide aux réfugiés ne supportait pas le rôle limité d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). L’intéressé, en contradiction totale avec les principes du fonctionnement du centre, avait rendu plusieurs visites à une famille à son domicile et à la maternité où il avait sollicité le médecin pour obtenir un certificat médical attestant que l’état de santé de la mère contre-indiquait son expulsion. Ayant été licencié pour faute grave par l’association qui l’avait déjà rappelé à l’ordre à plusieurs reprises, le plaignant évoquait la liberté d’expression des salariés. Mais la cour d’appel avait clairement énoncé que « la démarche d’ordre privé entreprise par le salarié en faveur d’une personne réfugiée n’avait été possible qu’en divulguant à des tiers des informations confidentielles qu’il avait recueillies dans le cadre de ses fonctions ». Celui-ci de ce fait avait outrepassé les limites des pouvoirs d’intervention de l’employeur non habilité à prendre en charge les demandeurs d’asile après le rejet définitif de leurs requêtes (10).


5. LES REFUS D’EXÉCUTER LES CONSIGNES DONNÉES PAR LA DIRECTION : LA FAUTE D’INSUBORDINATION

Les juridictions semblent assez intransigeantes en cas de non-respect du pouvoir hiérarchique de la direction d’un établissement. Il est vrai que le non-respect des ordres donnés peut rapidement mettre en danger les usagers, mais certaines décisions semblent sévères, à l’image de celle-ci concernant l’achat fautif de viande halal.
Un éducateur travaillant dans un établissement de protection de l’enfance achète de la viande halal lors de la préparation d’un barbecue. Son employeur lui reproche alors d’avoir voulu remplacer le repas initialement préparé à cette occasion, d’avoir agi en contradiction avec le principe de neutralité religieuse de l’association et avec les consignes données au personnel. L’éducateur se défend en déclarant qu’il a voulu compléter le repas à la demande de certains jeunes. La procédure montre que les avis sont partagés. S’agissant d’un salarié protégé, l’accord de l’inspecteur du travail est sollicité.
Celui-ci accorde le licenciement. Sur recours hiérarchique, le ministre des Affaires sociales refuse d’autoriser le licenciement. Le tribunal administratif annule la décision du ministre et la cour administrative d’appel confirme le licenciement sur le fondement d’une faute d’une gravité suffisante au motif que « l’achat litigieux a eu lieu en dehors du circuit normal d’achat des denrées alimentaires et sans l’agrément du chef de service ni de l’organisatrice qui a composé le panier repas » (11).
Dans une autre affaire, la salariée est accusée de dormir pendant ses gardes de nuit alors que le règlement prévoit qu’elle doit effectuer « trois rondes par nuit » et « rester éveillée le reste du temps ». Edictant ses propres règles, contraires à celles qui sont fixées par l’employeur, elle n’aurait également pas aidé une autre collègue laissée seule à un autre étage. Enfin, elle refusait de nettoyer les réfrigérateurs et de livrer des petits déjeuners, tâche qu’elle considérait ne pas relever de ses attributions d’aide-soignante de nuit. C’est donc à juste titre que cette salariée a été licenciée pour faute grave (12).


6. LE REFUS D’EXÉCUTER LES DÉCISIONS INSTITUTIONNELLES

Le refus systématique d’un éducateur de participer aux réunions institutionnelles de synthèse, le fait de ne pas remettre dans les délais demandés de bilans pédagogiques, une attitude d’opposition et parfois « même de défi à l’égard de la directrice » justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse. « La détérioration croissante des rapports entre l’employeur et la salariée ne peut que créer un climat de tension nuisible à la bonne marche de l’établissement et à l’intérêt des enfants confiés au centre » (13).
Le refus d’exécuter les ordres peut également venir d’une directrice qui est, elle aussi, une salariée de l’institution. Ainsi le refus délibéré et réitéré d’une directrice d’obtempérer aux instructions de son employeur constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Celle-ci aurait été accusée de faits de harcèlement et de discrimination à l’égard du personnel et se serait opposée aux investigations décidées par son employeur (14).


7. UN EXERCICE ABUSIF DU DROIT DE RETRAIT

En conflit avec un autre salarié et accusant la direction de ne pas la protéger, une éducatrice spécialisée embauchée dans un centre d’observation et de rééducation qui accueille des enfants en grande difficulté exerce son droit de retrait prévu au moment des faits à l’article L. 231-8 du code du travail (actuellement art. L. 4131-1). Elle invoque le fait que l’employeur n’avait pris aucune disposition à même de prévenir le harcèlement moral dont elle s’estimait victime, révélé par la dégradation continue de ses conditions de travail, le dénigrement de sa manière de servir, et la persistance de graves difficultés relationnelles avec certains de ses collègues. Malgré une mise en demeure de reprendre le travail, ce droit de retrait a été exercé pendant plusieurs mois. L’employeur la licencie. S’agissant d’une déléguée du personnel, l’affaire est jugée devant les tribunaux administratifs. La cour administrative d’appel de Lyon estime que « la situation n’était pas, tant dans son intensité que par son étalement dans le temps, de nature à laisser penser que l’éducatrice était exposée à un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ». L’usage de ce droit de retrait était manifestement infondé et trop prolongé. L’éducatrice a donc commis une faute d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement (15).


8. UN COMPORTEMENT « INADÉQUAT » À L’ÉGARD DES STAGIAIRES FÉMININES

Un moniteur-éducateur, salarié protégé travaillant dans un institut médico-éducatif (IME) est accusé d’avoir eu plusieurs propos et gestes déplacés à connotation sexuelle à l’encontre d’une éducatrice stagiaire dont il était le référent. Celui-ci nie les faits. L’IME sollicite l’autorisation de licencier le travailleur social auprès de l’inspecteur du travail qui refuse au motif que la matérialité des faits n’est pas établie et que la procédure ne serait liée qu’aux activités représentatives de l’intéressé. Saisie du recours de l’IME, la cour administrative d’appel de Marseille estime que trois attestations émanant d’autres salariées rapportant des faits similaires, en particulier à l’encontre d’une autre stagiaire « sont de nature à éclairer le comportement de l’intéressé à l’égard de certaines femmes à l’époque des faits ». Elle annule le jugement de première instance et la décision de l’inspecteur du travail et enjoint à ce dernier de prendre une nouvelle décision (16).


B. LA MAUVAISE EXÉCUTION DU TRAVAIL



1. UNE MAUVAISE ORGANISATION ET GESTION DES SERVICES

Une association gestionnaire d’établissements pour enfants reproche à un chef de service une mauvaise organisation des plannings et une utilisation abusive d’heures complémentaires ou supplémentaires. On peut lire dans la lettre de licenciement : « La situation n’a fait malheureusement qu’empirer depuis, puisque vous avez campé sur une position consistant à dire qu’il était impossible d’assurer correctement votre travail sans moyens supplémentaires en personnel, alors qu’il était clairement établi que nous ne pouvions rien attendre de plus de la part de nos financeurs. » Mais la faute qui justifiera le licenciement de ce chef de service est le fait de ne s’être pas déplacé lors d’une astreinte alors qu’une éducatrice en formation l’avait prévenu qu’elle était aux urgences avec une jeune fille accidentée et que les autres jeunes filles hébergées au foyer étaient restées seules dans l’établissement et d’avoir sous-estimé l’événement en ne demandant pas d’information, ni même en consignant l’incident sur le registre d’astreinte (17).


2. L’EXCÈS DE POUVOIR

Dans cette affaire, un directeur général d’association avait été licencié pour avoir présenté un projet d’évaluation- qualité à ses directeurs avant même que le conseil d’administration n’ait pu l’approuver. Mais, dans ce cas, la Cour de cassation a jugé que le directeur général n’avait pas outrepassé ses pouvoirs et a annulé le licenciement (18).


(1)
Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 08-42666, disponible sur www.legifrance.gouv.


(2)
Conseil d’Etat, 12 avril 1995, Droit social n° 2, février 1996, p. 156.


(3)
Paris, 23 novembre 1987, n° Juris-Data : 1987-028758.


(4)
L’article 226-14 du code pénal dispose en son dernier alinéa que « Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire. »


(5)
Paris, 18 novembre 2005, M. Font c/Association X, décision confirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 26 septembre 2007, n° 06-40039 (cf. annexe, p. 93).


(6)
Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28199, disponible sur www.legifrance.gouv.fr et D. 2012, p. 1619.


(7)
Cass. soc., 10 décembre 2008, n° 07-41820, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(8)
Cass. soc., 26 novembre 1996, n° 95-42812, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(9)
Cass. soc., 7 janvier 1998, n° 95-44877, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(10)
Cass. soc., 6 avril 2011, n° 09-72520, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(11)
CAA Bordeaux, 25 octobre 2011, n° 10BX03021, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(12)
Cass. soc., 22 mars 2011, n° 09-41596, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(13)
Paris, 1er juillet 1982, n° Juris-Data : 1982-030262.


(14)
Cass. soc., 26 juin 2012, n° 10-28518, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(15)
CAA Lyon, 22 mars 2011, n° 09LY01432, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(16)
CAA Marseille, 30 mai 2011, n° 09MA02456, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(17)
Angers, 22 novembre 2011, n° 10/00991, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(18)
Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-41608, disponible sur www.legifrance.gouv.fr

SECTION 2 - L’ÉTUDE DE LA JURISPRUDENCE

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur