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LES INCRIMINATIONS SUR LE FONDEMENT DE LA NON-ASSISTANCE À PERSONNE EN DANGER

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L’incrimination de non-assistance à personne en danger figure à l’article 223-6 du code pénal. Une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende est prévue. Le premier alinéa envisage l’empêchement d’un crime ou d’un délit contre l’intégrité corporelle par une action immédiate, le deuxième, une abstention de porter assistance à une personne en péril. Les magistrats distinguent rarement les deux alinéas. En revanche, pour que cette incrimination soit réalisée, la jurisprudence exige des conditions.
Concernant la personne en péril, les risques doivent être très importants soit de perdre la vie, soit de subir des atteintes corporelles graves. Il faut que le péril soit imminent, constant, nécessitant une intervention immédiate, sans risque pour la personne devant agir ou pour les tiers. La personne doit également s’être abstenue volontairement. La première décision du tribunal correctionnel du Mans du 29 octobre 1993 concernant l’affaire Montjoie énonçait : « La personne doit avoir eu conscience du caractère d’imminente gravité du péril auquel était exposée la personne à secourir et il faut qu’elle n’ait pu mettre en doute la nécessité d’une intervention. » Cependant, la personne a une obligation de s’informer sur la situation. En revanche, après examen de la situation, l’erreur de diagnostic ne peut relever de la non-assistance. Autrement dit, un travailleur social peut être condamné sur le fondement de non-assistance à personne en danger pour ne pas avoir cherché à se renseigner sur une situation, mais pas en cas d’erreur d’analyse.
Mais s’agissant des mauvais traitements sur enfants, il faut noter le renforcement de ces critères par la jurisprudence récente. Dans l’affaire Montjoie, les magistrats ont lié les deux incriminations, non-dénonciation de crime et non-assistance à personne en danger. La notion de péril est étendue et il est frappant de constater la volonté des magistrats de ne pas s’en tenir strictement à l’affaire mais de souligner le désordre qui régnait dans cet établissement au moment des faits (cf. annexe, p. 84). De même, dans une affaire concernant le foyer de l’enfance de Nantes, la Cour de cassation semble avoir été sévère en refusant d’analyser l’élément intentionnel de l’infraction, c’est-à-dire la conscience de l’imminente gravité du péril (1).
SECRET PROFESSIONNEL ET OBLIGATION DE DISCRÉTION
Tout salarié dans l’exercice de sa profession est tenu à une obligation générale de discrétion. Celle-ci est comprise le plus souvent comme l’interdiction de faire connaître à l’extérieur de l’entreprise les informations relatives à son activité.
Si les travailleurs sociaux ne sont pas tous tenus au secret professionnel, beaucoup d’entre eux ont une obligation de discrétion, laquelle concerne non seulement les informations détenues par l’employeur mais aussi celles qui sont connues à l’égard de tiers à l’occasion de l’activité professionnelle.
L’obligation stricte de discrétion pèse donc sur tout travailleur social quels que soient sa dénomination, son état de titulaire ou de stagiaire, de travailleur permanent ou temporaire (2).
La difficulté provient de la délimitation entre les deux notions, les conséquences de la sanction (civile ou pénale) étant différentes. Comme l’explique maître Antoine Piquéras, avocat au barreau de Perpignan (3), « si un travailleur social non tenu au secret professionnel commet une indiscrétion en rapportant des informations acquises dans le cadre de son activité professionnelle et dans le cadre de son contrat de travail et qu’il cause un dommage à la personne qui demande réparation, il convient alors de se rapprocher de l’article 1384 du code civil (responsabilité civile). Dans ce cas, c’est l’employeur qui doit répondre de la faute et des condamnations qu’il a reçues. En d’autres termes, le travailleur social au plan pénal aurait été condamné à titre personnel et aurait dû payer l’amende. En revanche, au plan civil, le travailleur social, du fait qu’il a engagé sa responsabilité civile oblige son employeur à le relever et le garantir. »
LA JUSTIFICATION DU DISPOSITIF EXISTANT
Face aux incompréhensions que suscite le secret professionnel, aux tentatives de limitations successives et à la multiplication des exceptions, il semble important de rappeler la justification du dispositif existant, même si celui-ci semble complexe. Pour préserver l’efficacité du travail social, toute position simpliste est à bannir. Toute obligation de transmission systématique et directe d’informations venant des personnels du travail social à la justice peut entraîner une confusion des missions. Or, si la protection de l’enfance constitue la finalité ultime, les moyens utilisés et les stratégies du travail social et de la justice peuvent être différents à court terme. Concernant le travail social, une des premières missions de la protection de l’enfance est sans doute de connaître les situations de mauvais traitements afin de protéger l’enfant. Un lien trop direct avec la justice qui a pour mission la sanction pourrait nuire à cette connaissance. Il en est de même pour les relations des travailleurs sociaux avec les élus locaux qui, s’ils ne sont pas directement employeurs, sont les financeurs de leurs activités. Ces élus locaux exigent parfois des travailleurs sociaux des informations jugées confidentielles par ces derniers. Or la confidentialité est un outil nécessaire à leur travail. Si les responsables d’un club de prévention transmettent systématiquement des informations aux élus locaux, ils perdront rapidement toute possibilité de travailler au contact des jeunes. Ainsi, chaque acteur du travail social doit avoir les moyens de ses missions, qui devraient être respectées par ses différents partenaires : c’est en tout cas dans ce sens que s’est prononcé le législateur à propos des signalements des personnes vulnérables. Toutefois ce dispositif a permis la relaxe d’un médecin qui, selon nous, aurait dû être condamné. Au regard du nombre de personnes informées de mauvais traitements dans cet hôpital, l’existence d’un secret nous paraît difficile à admettre dans cette situation (4).
LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES PERSONNES MORALES
Sur le fondement de nombreuses fautes pénales et notamment des fautes involontaires, il est possible d’assigner en responsabilité les personnes morales gestionnaires d’établissements privés ou publics, de sociétés, d’associations, de collectivités territoriales.
L’amende est la seule peine qui s’applique à tous. Pour les établissements privés, la dissolution de l’organisme gestionnaire et la fermeture de l’établissement peuvent être demandées. Les jurisprudences sur le sujet sont rares. Il est toutefois possible de citer une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 octobre 2011 (5).
Une résidente d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), atteinte de la maladie d’Alzheimer, décède dans le bac de sa douche à la suite de graves brûlures occasionnées par l’ouverture du robinet. La famille porte plainte contre l’établissement et recherche la mise en cause de la responsabilité pénale de la personne morale pour homicide involontaire. Toutefois, celle-ci n’a pas été retenue.
Le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu. Il a estimé en effet qu’il n’y avait pas eu de faute dans la sécurité de l’installation des robinets, ni dans la surveillance de la personne âgée ; la réglementation concernant l’eau chaude a été respectée au moment de l’installation des douches et la surveillance était normale. Cette analyse sera reprise en appel par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ainsi qu’en Cassation.
Concernant la surveillance, il est intéressant de noter que les magistrats reprennent les arguments de l’établissement : « aucune surveillance permanente n’était envisageable » ; « la nécessité d’assurer la sécurité et la protection des personnes dépendantes se heurte là à l’impératif tout aussi légitime de préserver leur dignité et leur intimité », ce qui excluait de laisser les portes des chambres ouvertes et encore moins de mettre en place des moyens de contention. Il est un peu surprenant cependant de constater que rien n’ait été dit sur la situation physique de l’usager victime, son comportement antérieur, sur les conditions d’évaluation de sa dépendance, etc. Ces éléments auraient pu être analysés pour montrer l’inadéquation des moyens mis en place à la situation de la personne. Mais ce n’était visiblement pas la volonté du juge.
De manière générale, les risques d’accident des personnes âgées sont à mettre en lien avec leur liberté de circulation.


(1)
TGI Nantes, 15 mars 2000, cour d’appel de Rennes, 20 novembre 2001 (cf. annexe, p. 84) et Cass. crim., 18 juin 2002, JDJ-RAJS n° 218, octobre 2002, p. 55 et s.


(2)
Hennion S., « La responsabilité des travailleurs sociaux », 2e édition, Editions ASH, 2012 (n° 51 et suivants).


(3)
Piquéras A., « Secret professionnel : législation et réglementation en vigueur » in Les Cahiers de l’Actif, n° 346/347, mars-avril 2005, p. 11 et s.


(4)
Cass. crim., 27 avril 2011, n° 10-82200 (cf. annexe, p. 86).


(5)
Cass. crim., 4 octobre 2011, n° 11-81699, disponible sur www.legifrance.gouv.fr

SECTION 1 - LES INCRIMINATIONS POUR FAUTES « VOLONTAIRES »

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