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LA RESPONSABILITÉ DES INSTITUTS MÉDICO-ÉDUCATIFS

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La jurisprudence est abondante dans ce secteur. Les enfants handicapés vulnérables subissent souvent des dommages physiques et leurs parents demandent réparation devant les tribunaux. Jusqu’à présent, la Cour de cassation estime que l’obligation de sécurité est une obligation de moyens. Les victimes se heurtent donc à la preuve de la faute de l’établissement. Cette preuve est particulièrement difficile à apporter en cas de chute de l’enfant. Plusieurs cas de jurisprudence peuvent être cités.
Une jeune fille de 21 ans atteinte d’une trisomie 21 confiée à un centre médico-pédagogique professionnel se blesse au genou lors d’un exercice de sport. La Cour de cassation constate que l’établissement n’a commis aucune faute. Certes, la jeune fille était atteinte d’une instabilité rotulienne, mais aucun antécédent ne l’avait révélée précédemment et la victime avait déjà effectué sans difficulté l’exercice proposé. C’est donc à juste titre que l’établissement n’étant pas jugé responsable ne peut être condamné à indemniser la victime. Seule une assurance de type individuel accident peut indemniser les dommages subis par l’usager causés sans faute de l’établissement. L’application d’un régime de responsabilité contractuelle empêche ainsi l’application de la jurisprudence Blieck plus favorable (1).
Dans d’autres cas, les magistrats recherchent « une faute de surveillance » qui est toujours susceptible d’être trouvée à partir du moment où l’enfant a subi un dommage. Par exemple, une jeune fille de 12 ans fait une chute dans l’escalier de l’Institut médico-pédagogique (IMP) où elle est placée depuis quatre ans en raison d’un handicap caractérisé par un état épileptique grave et une infirmité motrice portant sur des gestes élémentaires. La cour d’appel rejette la demande d’indemnisation des parents, estimant que « compte tenu de la nécessité de concilier les impératifs de sécurité liés à l’état de santé des enfants handicapés mentaux et épileptiques et les impératifs de traitement incluant l’apprentissage de l’autonomie, l’établissement n’a commis aucun manquement à son obligation de moyens, en laissant l’enfant qui portait son casque de protection descendre seule l’escalier sans être tenue par la main par l’éducateur qui l’accompagnait avec d’autres enfants ». La première chambre civile de la Cour de cassation constate cependant que la cour d’appel avait relevé que cette enfant étant atteinte de sévères problèmes d’épilepsie, une surveillance étroite devait être assurée et que, au moment de l’accident, l’éducateur, occupé par un autre enfant, n’avait pas assuré la surveillance de la jeune fille. L’établissement doit donc indemniser la victime (2).
Les magistrats peuvent également déduire du dommage une faute d’organisation « après avoir constaté que l’un des pensionnaires de l’association avait pu se livrer de façon répétée et pendant plusieurs mois à des actes d’agressions sexuelles sur d’autres pensionnaires également placés dans cet internat de rééducation, ce qui caractérisait l’organisation défectueuse du service de surveillance de l’établissement et le manquement de l’association à son obligation de sécurité... » (3).
La Cour de cassation fixe des limites à la responsabilité des établissements concernant le temps de transport de l’enfant. Contrairement aux enfants confiés à l’ASE, les parents gardent leur responsabilité à l’égard de leurs enfants. Dans un arrêt du 25 février 1998 (4), la Cour suprême énonce qu’après être descendu du car, un adulte handicapé demi-pensionnaire d’un IME « ne se trouvait plus sous l’autorité de l’association, laquelle n’avait plus, à partir de ce moment, la surveillance et l’organisation des conditions de vie de l’handicapé », mais sous la responsabilité de son tuteur. Dans un autre cas d’espèce, un enfant avait commis des atteintes sexuelles sur un autre mineur, à la gare où il prenait le train tous les lundis matin, pour rejoindre son institut médico-éducatif. La chambre criminelle réaffirme très clairement qu’au moment des faits délictueux, l’enfant n’était plus sous la surveillance de l’établissement, lequel n’avait plus la surveillance et l’organisation des conditions de vie de l’enfant. La responsabilité des parents devait donc être engagée de plein droit sur le fondement de l’article 1384, alinéa 4, du code civil (5).
Les magistrats se heurtent, concernant la responsabilité contractuelle, aux mêmes difficultés que celles qu’ils rencontraient au sujet de la responsabilité délictuelle avant l’arrêt Blieck.
Certains arrêts témoignent de la crainte de voir se développer un régime de responsabilité délictuelle sans faute dans ce secteur. Dans l’arrêt du 18 mai 2004, la chambre criminelle de la Cour de cassation refuse d’admettre que la garde des mineurs a été confiée à l’institut spécialisé pour jeunes sourds et aveugles avec comme conséquence le pouvoir pour celui-ci d’organiser, de diriger et de contrôler le mode de vie de l’adolescent de manière continue (6). Selon les juges, « la circonstance que les mineurs avaient été confiés par leur parents, qui exerçaient l’autorité parentale, à une association gérant un établissement spécialisé, n’avait pas fait cesser la cohabitation des enfants avec ceux-ci ». Concernant la responsabilité des enfants, le recours à la responsabilité parentale est toujours efficace. Mais en s’écartant de toute logique le droit perd ainsi son rôle normatif.
LES CONSÉQUENCES DE LA PRATIQUE CONTRACTUELLE SUR LA RESPONSABILITÉ
La généralisation du contrat de séjour dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux est une étape importante dans les rapports de ces services avec les usagers. Le mérite du contrat est certes de formaliser et de clarifier cette relation mais aussi d’éviter ainsi le plus possible les conflits.
LA RÉFÉRENCE AUX CLAUSES DU CONTRAT
Mais, en droit, c’est souvent le juge qui est appelé à trancher. Les responsables sociaux devront de ce fait s’adapter aux exigences du droit. Ainsi le juge se référera toujours aux clauses du contrat qui devront faire l’objet de toute l’attention des responsables sociaux. Pour le moment, la jurisprudence est limitée. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que c’était à tort qu’un fils réclamait un remboursement partiel du prix de journée du fait « que sa mère n’avait pas été bénéficiaire de chambre individuelle », alors que le contrat ne mentionnait pas qu’il s’agissait d’une chambre individuelle (7). Ainsi un directeur ne pourra pas non plus exiger une quelconque redevance qui n’ait été prévu dans le contrat ou exclure sans aucune procédure un usager de l’établissement (8).
Mais cela n’a pas empêché un directeur de renvoyer une pensionnaire parce que son mari qui était son tuteur terrorisait le personnel (9). La référence au contrat n’est pas toujours adoptée de la même façon par la juridiction administrative. Par exemple, la cour administrative d’appel de Nancy juge que malgré le contrat l’usager ne serait pas dans une situation contractuelle (10) : « Considérant que même si elles impliquent l’élaboration d’un contrat de séjour ou d’un document individuel de prise en charge, les dispositions précitées de l’article L. 311-4 n’ont pas pour objet ni pour effet de placer la personne hébergée dans un établissement médico-social dépendant d’un centre hospitalier dans une situation contractuelle vis-à-vis de cet établissement ; que, par suite, la circonstance que M. A n’aurait pas signé un contrat de séjour ou que Mme A n’aurait pas pu donner son consentement sont sans incidence sur le droit pour le centre hospitalier de G. de réclamer les sommes dues par cette dernière au titre de son hébergement dans la résidence ».
Cependant, elle laisse à la charge de l’établissement 10 % de la somme réclamée à l’usager, car le centre hospitalier n’établit pas avoir informé M. A des conditions de prise en charge et du coût des prestations offertes dans la résidence pour personnes âgées dépendantes ni que ce dernier aurait refusé de signer le contrat d’accueil qui lui aurait été soumis ; qu’en ne s’assurant pas que toutes les informations utiles avaient été données au requérant, le centre hospitalier de G. a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ». De même, la cour administrative de Nantes juge qu’il n’est pas possible de réclamer des sommes si l’établissement n’est pas à même de se référer au contrat » (11). Il est certain que le Conseil d’Etat devra un jour prochain définir sa doctrine sur la valeur du contrat de séjour.
Mais le travail social ne peut se réduire à une simple prestation commerciale. Ce schéma part du principe que l’usager est toujours à même de définir ses besoins. La question peut être posée en même temps que celle de leur représentation. Ces usagers devront comprendre que leurs souhaits trouveront des limites au regard de la responsabilité des professionnels de l’action sociale. Car, même si l’usager demande ou exige une prestation, c’est toujours la responsabilité du professionnel qui sera engagée en cas de dommages causés.
L’IMPORTANCE DE L’INFORMATION
Dans le cadre de la responsabilité contractuelle, il convient également de souligner l’importance de l’information.
Des comparaisons peuvent être faites avec le secteur de la santé où la pratique du contrat a été instaurée par le législateur.
Ainsi l’on peut affirmer que, comme dans le secteur médical, il est déjà presque admis par la jurisprudence que c’est au directeur d’établissement d’apporter la preuve qu’il a bien informé l’usager. Dans un arrêt du 19 mai 2004 (12), la Cour de cassation estime que c’est à l’association d’apporter la preuve que l’usager avait eu connaissance du règlement intérieur. Le conflit portait sur les possibilités d’expulsion d’une résidente qui refusait le règlement en matière de paiement de prestations de ménage et de repas : « Mais attendu qu’ayant retenu qu’il n’était justifié qu’ait été porté à la connaissance de Mme X. lors de son entrée dans les lieux, ni même en cours d’exécution de la convention, le règlement intérieur en application duquel l’Association et le District estimaient ladite convention résiliée et que l’exécution de la convention verbale par la résidente pendant plusieurs années n’impliquait aucunement que celle-ci eût été informée du contenu du règlement intérieur qui ne pouvait y être annexé en l’absence d’écrit, de sorte qu’il n’est pas établi qu’elle l’eût accepté, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que la disposition litigieuse du règlement intérieur était inopposable à Mme X. ». Rappelons que les directeurs doivent joindre le règlement de fonctionnement lors de la signature du contrat de séjour et inscrire dans ce contrat que l’usager reconnaît avoir été informé de l’ensemble de ses règles.


(1)
Cass. civ., 1re, 5 juillet 2006, CMPP, n° 03-12344, Revue Lamy droit civil, n° 32, novembre 2006, p. 23.


(2)
Cass. civ., 1re, 12 mai 2004, n° 01-11420, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(3)
Cass. civ. 2e, 12 mai 2005, n° 03-17994, annexe, p. 89.


(4)
Cass. civ., 2e, 25 février 1998, n° 95-20419, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(5)
Cass. crim., 15 juin 2000, n° 99-84912, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(6)
Cass. crim., 18 mai 2004, n° 03-83616, disponible sur www.legifrance.gouv.


(7)
Cass. civ. 3e, 1er juillet 1998, Maison de retraite Fleury, RDSS n° 4/1998, p. 877.


(8)
Conseil d’Etat, 28 septembre 2011, n° 344031, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(9)
Paris, 6 mai 2010, n° 07-19333 obs. Lhuillier, RDSS n° 6/2010, p. 1169.


(10)
CAA Nancy 30 mai 2011, n° 10NC01016, obs. Lhuillier, RDSS n° 5/2011 p. 965.


(11)
CAA Nantes, 18 mai 2007, n° 06NT00419, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(12)
Cass. civ., 3e, 19 mai 2004, n° 03-11360, disponible sur www.legifrance.gouv.

SECTION 4 - LA RESPONSABILITÉ DANS LE SECTEUR DES ENFANTS ET DES PERSONNES HANDICAPÉS

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