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QUELLES SANCTIONS ÉDUCATIVES ?

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[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1 ; circulaire CRIM 2002-15 E8 du 7 novembre 2002, NOR : JUSD0230177C, BOMJ n° 88]
Le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peuvent prononcer, par décision motivée, une ou plusieurs sanctions éducatives, dont la liste a été complétée par les lois successives.
Certaines d’entre elles sont spécifiques et ne peuvent être prononcées que dans ce cadre : il s’agit de la confiscation d’un objet, de l’exécution de travaux scolaires, du placement judiciaire dans un internat scolaire et du placement dans un établissement permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis.
D’autres (l’avertissement solennel, la mesure d’aide ou de réparation et le stage de formation civique) sont des mesures éducatives pouvant par ailleurs être prononcées de façon isolée, avant ou après jugement, mais que le législateur a entendu intégrer dans la liste des sanctions éducatives possibles pour leur conférer une valeur plus contraignante.


A. LES SANCTIONS ÉDUCATIVES SPÉCIFIQUES



1. LA CONFISCATION D’UN OBJET

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 1°]
La première des sanctions éducatives énumérées à l’article 15-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 s’inspire d’une peine prévue par le code pénal (C. pén., art. 131-6, 10°), mais inapplicable aux mineurs de moins de 13 ans (C. pén., art. 131-6, 10°). Il s’agit de la confiscation d’un objet détenu par le mineur ou lui appartenant et ayant servi à la commission de l’infraction ou qui en est le produit.
Ainsi, le tribunal pourra décider de confisquer un cyclomoteur ayant servi à commettre le vol (à supposer que le mineur en soit propriétaire, ce qui, en pratique, limite cette possibilité...).


2. L’INTERDICTION DE PARAÎTRE DANS CERTAINS LIEUX

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 2°]
Les magistrats peuvent interdire au mineur de paraître dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise.

a. La désignation du lieu

[Circulaire CRIM 2002-15 E8 du 7 novembre 2002, NOR : JUSD0230177C]
L’administration indique que le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs doivent désigner de manière précise le ou les lieux dans lesquels le mineur ne peut plus se rendre.
Une limite légale est posée : il ne peut être interdit au mineur de se rendre dans les lieux dans lesquels il réside habituellement (son quartier d’habitation ou l’établissement scolaire qu’il fréquente). Dans sa circulaire, le ministère de la Justice rappelle à cet égard le principe posé par le Conseil constitutionnel selon lequel les sanctions éducatives doivent prendre en compte les obligations familiales et scolaires des jeunes délinquants (1). Le mineur peut, par exemple, se voir interdire de paraître dans un commerce dans lequel il a commis un vol ou dans un cinéma dans lequel il a commis des dégradations. De plus, si le mineur a été transféré dans un autre établissement scolaire pour y poursuivre sa scolarité, rien n’empêche de lui interdire de fréquenter celui dans lequel il a commis l’infraction.

b. La durée de l’interdiction

[Circulaire CRIM 2002-15 E8 du 7 novembre 2002, NOR : JUSD0230177C]
L’interdiction de paraître est prononcée pour une durée maximale de un an. L’administration estime que « compte tenu du jeune âge du mineur et de l’évolution prévisible de sa personnalité », il sera souvent préférable de limiter la durée de l’interdiction à quelques mois. Elle note qu’« il n’y aurait notamment que des avantages, en cas d’infractions commises dans un établissement scolaire et ayant conduit au renvoi temporaire de l’élève, que cette sanction disciplinaire soit doublée par une [interdiction] de paraître dans cet établissement pendant la durée [du] renvoi ».

c. Le contrôle de l’interdiction

[Circulaire CRIM 2002-15 E8 du 7 novembre 2002, NOR : JUSD0230177C]
Dans sa circulaire de présentation de la réforme du droit pénal des mineurs, l’administration émet le souhait que le service chargé de la sanction éducative vérifie régulièrement que le mineur la respecte. Cette vérification se fait auprès des responsables du ou des lieux que le mineur ne peut fréquenter. A ce titre, il lui semble également opportun que ceux-ci soient informés de la décision de justice, afin qu’ils soient en mesure d’alerter l’autorité judiciaire si le mineur contrevient à l’interdiction.

A noter :

un commerçant ou un prestataire de services qui refuse l’accès de son établissement à un mineur qu’il sait sous le coup d’une interdiction de paraître ne se rend pas coupable du délit de refus de vente ou de prestation de services.


3. L’INTERDICTION DE RENCONTRER CERTAINES PERSONNES

a. La victime

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 3° ; circulaire CRIM 2002-15 E8 du 7 novembre 2002, NOR : JUSD0230177C]
Le mineur peut se voir interdire pour une période qui ne saurait excéder un an de rencontrer ou de recevoir la victime de l’infraction désignée par la juridiction ou d’entrer en relation avec elle.
En ce cas, il est indispensable que la victime, si elle n’était pas présente lorsque le jugement a été rendu, ait connaissance de cette sanction. Aux yeux de la direction des affaires criminelles et des grâces, il convient en effet que la victime puisse informer l’autorité judiciaire du non-respect par le mineur de l’interdiction.

b. Les coauteurs ou complices

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 4° ; circulaire CRIM 2002-15 E8 du 7 novembre 2002, NOR : JUSD0230177C]
Les magistrats peuvent également interdire au mineur, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer ou de recevoir le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par la juridiction ou d’entrer en relation avec eux.
Cette disposition vise notamment les situations dans lesquelles l’infraction a été commise en réunion, avec d’autres mineurs ou avec des majeurs. Bien entendu, il y aura lieu de rester prudent sur le prononcé de cette obligation lorsque les coauteurs résident à proximité les uns des autres.


4. L’EXÉCUTION DE TRAVAUX SCOLAIRES

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 8°]
Créée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (27), l’exécution de travaux scolaires devient une nouvelle sanction éducative pouvant être imposée par le tribunal pour enfants à un mineur de plus de 10 ans.
Cette sanction ne peut pas être ordonnée par le juge des enfants en audience de cabinet, ce qui peut sembler étonnant dans la mesure où cette disposition a vocation à s’appliquer en priorité à des jeunes enfants, lesquels sont plus souvent jugés en chambre du conseil par le juge des enfants que par le tribunal pour enfants.
Le tribunal pour enfants ne peut pas non plus la prononcer à titre de mesure éducative principale.
Le contenu et les modalités d’exécution de cette sanction éducative n’ont jamais été précisés. Comme pour le placement en internat scolaire, une concertation préalable entre les services éducatifs « justice » et l’Education nationale se révélera vraisemblablement indispensable. En tout état de cause, cinq ans après la promulgation de la loi, faute de décret d’application, cette sanction éducative semble rester lettre morte.


5. LE PLACEMENT DANS UN INTERNAT SCOLAIRE

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 10°]
Pour les mineurs dès l’âge de 10 ans, et exclusivement dans le cadre du prononcé d’une sanction éducative (28), la loi du 5 mars 2007 a introduit la possibilité pour le tribunal pour enfants de confier le mineur à un établissement scolaire doté d’un internat pour une durée correspondant à une année scolaire et avec autorisation pour l’enfant de rentrer dans sa famille lors des fins de semaine et des vacances. Selon Jean-René Lecerf (UMP, Nord), rapporteur du projet de loi au Sénat, « les internats de réussite éducative, prévus par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, au sein desquels interviendront des éducateurs devraient être particulièrement mobilisés » (29). Dans la mesure où ces établissements scolaires publics ou privés ont vocation à recevoir tout type de public scolarisé et ne sont pas dotés d’un encadrement éducatif adapté à la prise en charge d’enfants a priori difficiles, les modalités de cette nouvelle mesure devront nécessairement faire l’objet d’une concertation entre le ministère de la Justice et celui de l’Education nationale. Un établissement scolaire ne saurait en effet se voir imposer des mineurs placés par décision judiciaire du seul fait qu’il est doté d’un internat, alors même qu’il ne dispose d’aucune habilitation en ce sens.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger la question de la responsabilité civile de ces établissements qui, compte tenu de la décision judiciaire de placement, et à la différence des enfants remis par leurs parents, se voient transférer la charge du risque en cas de dommages causés par ceux-ci.


6. LE PLACEMENT « RUPTURE »

[Ordonnance du 2 février 1945, article 15-1, 7°]
L’article 15-1 de l’ordonnance de 1945 relatif aux sanctions éducatives permet au tribunal pour enfants de confier le mineur de plus de 10 ans pour une durée maximale de un mois (trois mois renouvelables une fois pour les 13-18 ans), à « une institution ou un établissement public ou privé d’éducation habilité permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel ».
Il ressort des travaux parlementaires que cette mesure est avant tout destinée à éloigner de leur milieu et de leur région d’origine certains mineurs qui viennent d’y commettre des infractions (30).
Pour l’instant, aucune structure propre à la mise en œuvre de ce type de programme n’a été créée. Il est vraisemblable que cette mesure soit confiée au moins dans un premier temps à des structures existantes.
Reste que, comme pour le placement dans un internat scolaire, la principale interrogation, dans l’attente de précisions quant aux modalités d’organisation de ce nouveau type de placement, réside dans la sanction du nonrespect de cette sanction éducative par le mineur : sanctionner le non-respect d’un placement par un autre placement est-il cohérent ?


7. LE « COUVRE-FEU »

[Ordonnance du 2 février 1945, article 15-1, 11°]
Plus exactement dénommée « interdiction pour le mineur d’aller et venir sur la voie publique entre 23 heures et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses parents ou du titulaire de l’autorité parentale, pour une durée de trois mois au maximum, renouvelable une fois », cette sanction éducative a été introduite par l’article 43 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance et la sécurité intérieure dite loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 (31). Cet article dispose que le jugement doit prévoir « les modalités de prise en charge du mineur et sa remise immédiate à ses parents ou à son représentant légal » et que le procureur de la République est avisé sans délai de cette remise (cf. A savoir aussi, p. 154).


B. LES SANCTIONS ÉDUCATIVES NON SPÉCIFIQUES



1. L’AVERTISSEMENT SOLENNEL

[Ordonnance du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 9°]
Le tribunal peut délivrer un « avertissement solennel », non seulement à titre principal mais aussi en tant que sanction éducative (cf. supra, section 1, § 1). On ne peut être que perplexe sur la portée d’une telle décision, sauf à considérer que le non-respect de cet avertissement serait caractérisé par la commission de toute nouvelle infraction, avec à la clé la sanction normalement prévue par l’article 15-1 de l’ordonnance de 1945, c’est-à-dire un placement éducatif.


2. LA MESURE D’AIDE OU DE RÉPARATION

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 5°]
Les mesures d’aide ou de réparation, prévues par l’article 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 (cf. supra, section 1, § 5), ont été intégrées par la loi Perben du 9 septembre 2002 parmi les sanctions éducatives.
Si elle est prononcée par le tribunal pour enfants à ce titre, la juridiction devra, comme pour une mesure éducative, recueillir les observations préalables du mineur et des titulaires de l’autorité parentale et, le cas échéant, l’accord de la victime.
Quatre différences apparaissent toutefois :
  • la réparation/sanction éducative ne peut pas être prononcée par le juge des enfants statuant en audience de cabinet ;
  • elle suppose que le mineur soit âgé de plus de 10 ans au moment des faits ;
  • elle devra être spécialement motivée par le tribunal, ce qu’il n’a pas à faire lorsqu’il prononce une mesure éducative ;
  • en cas de non-respect de la mesure, le placement du mineur peut alors être ordonné (cf. supra, section 1, § 3).


3. LE STAGE DE FORMATION CIVIQUE

[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 6° ; circulaire PJJ 2004-04 K du 28 septembre 2004, NOR : JUSF0450113C]
La loi du 9 septembre 2002 avait créé le stage de formation civique exclusivement sous forme de sanction éducative. Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il peut être prononcé dans d’autres cadres juridiques (cf. supra, section 1, § 6). La circulaire d’application du 28 septembre 2004 invite toutefois les parquets, « dans un souci de cohérence et de gradation dans la réponse pénale », à ne pas requérir la sanction éducative de stage de formation civique si le mineur prévenu a déjà bénéficié d’une mesure de réparation antérieurement.
Toutefois, lorsque le stage de formation civique est ordonné en tant que sanction éducative, l’administration rappelle son caractère contraignant et la « sanction juridique » du placement encourue en cas d’inexécution.


(1)
Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, préc.


(2)
Cesse à la majorité.


(3)
A titre complémentaire.


(4)
Réponse incertaine (contradiction entre les articles 12-1 et 20 de l’ordonnance de 1945).


(5)
Réponse incertaine (contradiction entre les articles 16 ter et 20 de l’ordonnance de 1945).


(6)
Exclusivement dans le cadre des obligations du contrôle judiciaire.


(7)
Sauf dans le cadre d’une sanction éducative.


(8)
Sauf dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve.


(9)
Sauf en cas de non-respect de la sanction éducative.


(10)
Sauf par le JLD.


(11)
Tel est le cas par exemple des travaux scolaires, de l’internat scolaire ou des structures d’accueil intégrant des programmes spécifiques.


(12)
Commission de propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants, préc.


(13)
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, préc.


(14)
La loi du 5 mars 2007 n’ayant pas modifié en ce sens les articles 8, 15 et 16 de l’ordonnance de 1945, le placement judiciaire de l’enfant dans un internat scolaire n’est pas possible au stade des mesures éducatives provisoires en cours d’instruction, ni au stade du jugement à titre de mesure éducative principale. Cette disposition nouvelle ne doit en tout cas pas être confondue avec la possibilité existant déjà depuis longtemps pour le juge des enfants ou le tribunal pour enfants de confier le mineur de moins de 13 ans à « un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire » (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 15, 5°). Cet article ne concernait pas les établissements scolaires de droit commun mais bien des établissements éducatifs habilités pour proposer aux plus jeunes enfants qui leur étaient confiés une scolarité en interne avec le concours le plus souvent d’instituteurs spécialisés de l’Education nationale.


(15)
Rap. sén. n° 476, Lecerf, septembre 2006, p. 172.


(16)
Le juge n’est tenu de respecter aucune distance minimale. Lors des débats parlementaires, des députés avaient pourtant proposé un éloignement d’au moins 300 km, voire même 500 km.


(17)
Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, dernièrement modifiée par l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012, JO du 13-03-12. Cette sanction éducative applicable aux mineurs de moins de 13 ans est le pendant de l’introduction dans la loi des « couvre-feu » préfectoraux pour les mineurs de plus de 13 ans. Le même article 43 de la loi LOPPSI 2 disposait en effet que : « Le représentant de l‘Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut décider, dans leur intérêt, une mesure tendant à restreindre la liberté d‘aller et de venir des mineurs de 13 ans lorsque le fait, pour ceux-ci, de circuler ou de stationner sur la voie publique entre 23 heures et 6 heures sans être accompagnés de l’un de leurs parents ou du titulaire de l’autorité parentale les expose à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité. La décision énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent ainsi que le territoire sur lequel elle s‘applique. »

SECTION 2 - LES SANCTIONS ÉDUCATIVES

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