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LES JURIDICTIONS D’APPEL

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[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, articles 23 et 24]
Atout stade de la procédure (instruction ou jugement), les décisions rendues par les juridictions pour mineurs sont susceptibles d’appel par le mineur, ses représentants légaux, le procureur de la République ou la partie civile. La spécialisation de juridiction pour les mineurs peut se prolonger au stade de l’appel (cf. supra, chapitre II, section 1, § 1, C, 2). Deux formations de la cour d’appel peuvent alors être compétentes :
  • la chambre de l’instruction, qui comprend le magistrat délégué à la protection de l’enfance, est compétente pour statuer notamment sur l’appel des décisions prises en matière de contrôle judiciaire et de détention provisoire, ainsi que sur les nullités éventuelles de la procédure d’instruction (contrôle de la régularité de la procédure) ;
  • la chambre spéciale des mineurs, qui inclut le délégué à la protection de l’enfance en tant que président ou rapporteur (C. org. jud., art. L. 312-6), est compétente pour statuer sur l’appel rendu contre toutes les autres décisions : mesures éducatives provisoires, jugements rendus par le juge des enfants, le tribunal de police ou le tribunal pour enfants. C’est la même chambre qui est par ailleurs compétente en matière d’assistance éducative et d’appel des mesures d’accompagnement budgétaire pour la gestion du budget familial (anciennement tutelle aux prestations familiales) ordonnées par le juge des enfants.
Le délai d’appel est de dix jours à compter du prononcé ou de la signification de la décision.
Enfin, le pourvoi en cassation est ouvert au mineur et à son représentant légal selon les voies de droit commun.
ET LA CÉSURE DU PROCÈS ?
Aux termes des articles 132-58 et suivants du code pénal, le tribunal correctionnel peut, après avoir déclaré le prévenu coupable et statué, s’il y a lieu, sur la confiscation des objets dangereux ou nuisibles ainsi que sur l’action civile, ajourner le prononcé de la peine lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est en voie d’être acquis, que le dommage causé est en voie d’être réparé et que le trouble résultant de l’infraction va cesser. La décision sur la peine doit alors intervenir au plus tard un an après la première décision d’ajournement.
Dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 août 2011, l’article 20-7 de l’ordonnance de 1945 étendait cette disposition au tribunal pour enfants avec quelques particularités :
  • l’ajournement pouvait porter sur le prononcé de la peine, comme pour les majeurs, mais aussi sur une mesure éducative ;
  • il pouvait être également prononcé lorsque le tribunal considérait que « les perspectives d’évolution de la personnalité du mineur le justifient » ;
  • l’audience de renvoi devait intervenir dans les six mois, avec possibilité dans ce délai d’ordonner à l’égard du mineur, à titre provisoire, son placement dans un établissement éducatif, une mesure de liberté surveillée préjudicielle, une mesure ou une activité d’aide ou de réparation ou une mesure d’activité de jour.
Comme pour les majeurs, l’intérêt de l’ajournement était de permettre une indemnisation rapide de la victime, tout en permettant au prévenu de tirer parti du report de la décision définitive pour justifier d’une démarche personnelle de réhabilitation dont la juridiction pourrait tenir compte lors de l’audience de renvoi.
LES CONDITIONS DE LA CÉSURE
S’inspirant de cette démarche, la loi du 10 août 2011 a poussé la logique plus avant en créant le mécanisme dit de « la césure du procès pénal des mineurs » (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 24-5 à 24-8). Désormais, l’ajournement du prononcé de la peine, de la mesure éducative, mais aussi de la sanction éducative, peut être prononcé non seulement par le tribunal pour enfants, mais également par le juge des enfants statuant en chambre du conseil ainsi que par le tribunal correctionnel pour mineurs.
Les conditions de son prononcé sont encore élargies, l’ajournement pouvant être ordonné – outre les conditions antérieures – « lorsque des investigations supplémentaires sur la personnalité du mineur sont nécessaires ».
La loi du 26 décembre 2011 a rajouté, pour les mineurs de plus de 16 ans, la possibilité de prévoir, pendant le délai d’ajournement, l’accomplissement d’un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) (cf. encadré, p. 80).
Enfin, lorsque l’ajournement est prononcé par le juge des enfants statuant en chambre du conseil, celui-ci peut renvoyer l’affaire devant le tribunal pour enfants.
UN MÉCANISME DÉTOURNÉ DE SON OBJECTIF...
L’ensemble de ces dispositions nouvelles laissait entrevoir, à l’instar de ce qu’avait souhaité l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (1), l’adaptation de la justice des mineurs aux nouveaux paramètres de notre temps. L’idée directrice de la césure était en effet de pouvoir ainsi concilier plusieurs exigences, à savoir la prise en compte rapide de l’acte de délinquance et des intérêts de la victime, tout en ne précipitant pas le prononcé de la décision définitive et en laissant le temps aux mesures éducatives de produire leurs effets.
La loi du 10 août 2011 a toutefois introduit un grain de sable dans cette logique éducative et réparatrice en faisant de la césure le palliatif à l’absence d’éléments de personnalité dans le dossier du procureur qui entend faire application des procédures de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 14-2) ou de COPJ devant le tribunal pour enfants (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 8-3). Ainsi, le recours au mécanisme de césure du procès pénal permet de cautionner le recours à des procédures dérogatoires et à vocation répressive pour des mineurs peu ou pas connus de la juridiction pour mineurs.
... QUI NÉCESSITE D’ÊTRE RÉAJUSTÉ
Enfin, quelques mois après l’entrée en vigueur de cette disposition, force est de constater qu’elle est loin de répondre aux attentes de ses concepteurs, tant pour des motifs d’ordre pratique que juridique, et qu’un réajustement devra être opéré pour lui permettre de produire les effets escomptés.
En effet, le mécanisme de césure ne présente d’intérêt que si la décision de culpabilité peut intervenir très en amont dans le processus de décision. Tel aurait été le cas, notamment si la COPJ aux fins de jugement n’avait pas été supprimée par la loi du 10 août 2011 : la victime étant alors convoquée en même temps que le mineur pour un jugement rapide de l’affaire, il aurait alors été pertinent, lorsque aucune investigation sur les faits n’était nécessaire, de pouvoir se prononcer immédiatement sur la culpabilité du mineur, de statuer sur les intérêts civils puis de décaler le processus éducatif en aval, afin de prendre en compte l’évolution du mineur avant de prononcer la mesure éducative ou la sanction définitive.
Depuis la loi du 10 août 2011, et sauf recours aux procédures dérogatoires des articles 8-3 et 14-2 de l’ordonnance de 1945 qui doivent rester exceptionnelles, le juge des enfants, qu’il soit saisi par COPJ aux fins de mise en examen ou par requête, est toujours tenu de procéder en deux temps : dans un premier temps, la première comparution du mineur et sa mise en examen, la victime n’étant alors pas présente ; dans un second temps, et généralement plusieurs mois plus tard, le jugement en chambre du conseil, devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs, où la victime est cette fois convoquée. Compte tenu des délais écoulés, et du fait que les investigations et mesures éducatives ont déjà été ordonnées avant l’audience, l’intérêt de prononcer une césure devient très limité.
En conséquence, il est manifeste que ce mécanisme de césure doit être repensé pour lui permettre de donner sa pleine mesure : après tout, pourquoi ne pas réfléchir à une autre logique du procès des mineurs consistant, lorsque la question de la culpabilité n’est pas discutée, à décaler le processus éducatif et d’investigation sur la personnalité en aval, après le prononcé de culpabilité, permettant ainsi une prise en compte rapide des intérêts de la victime sans pour autant sacrifier le temps de l’éducatif ?
Au surplus, la césure permet de contourner la rigueur du nouvel article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire (2), et au juge qui connaît le mineur de conserver la connaissance de l’affaire jusqu’à son terme puisque l’incompatibilité ne concerne que les fonctions d’instruction et de jugement. Ce n’est que lorsque les faits seraient contestés, et qu’une instruction préalable aurait été conduite, que le principe de séparation des fonctions reprendrait alors ses effets.


(1)
« Pour une justice des mineurs rénovée, ce que l’AFMJF propose » consultable sur www.afmjf.fr


(2)
Cet article interdit au juge qui a rendu l’ordonnance de renvoi de présider ensuite le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs (sur la question de l’impartialité du juge des enfants, cf. supra, chapitre II, section 1, § 1, A, 2).

SECTION 3 - LES JURIDICTIONS DE JUGEMENT

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