Malgré le marasme qui plane au-dessus des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) depuis le passage d’un budget 2025 qui taille allégrement dans les dotations aux collectivités territoriales et dans les emplois aidés, le gouvernement semble avoir acté le principe d’un plan de sauvetage d’urgence. Pas forcément de quoi préserver totalement un secteur qui risque de subir 186 000 destructions d’emplois à court terme, selon les calculs de ses principales têtes de réseau.
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Les premières conséquences de cette casse économique et sociale se font d'ailleurs sentir : « Dans les Pays de la Loire, les structures associatives ont déjà renoncé à 26 % des recrutements prévus. En Seine-et-Marne, le conseil départemental a déjà tiré un trait sur l’ensemble de ses aides à l’éducation populaire. Partout, on assiste à un véritable PSE à bas bruit », énumérait David Cluzeau, président de l’Udes, l’union des employeurs de l’ESS, le 7 mars à l’occasion d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis).
Déjà mises à mal par les dotations en baisse de ces dernières années, mais aussi par le gel des budgets départementaux ayant suivi les législatives anticipées du mois de juin 2024, puis la censure du gouvernement Barnier, les premières séries de défaillances d'entreprises pourraient survenir dès la fin du printemps. Que ce soit dans les secteurs de l'animation sociale, du sport associatif ou même dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, avertit l'organisation patronale.
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Projet de loi "simplification"
Face à une telle crise, Bercy a commencé à dessiner les grandes lignes de ce plan de sauvetage. Le 3 mars dernier, Véronique Louwagie, la ministre de tutelle du secteur, en avait déjà présenté les contours à l’occasion d’une réunion du Conseil national de l’ESS. Quelques jours plus tard, elle en a détaillé les principaux points face à un parterre de journalistes économiques. Premier volet de cette feuille de route : l’ESS devrait se voir intégrée au futur projet de loi sur la simplification de la vie économique, qui doit être présentée devant le Parlement au printemps prochain.
Ce texte, qui ne visait initialement que les PME, pourrait contenir plusieurs éléments en direction des structures de l’économie sociale et solidaire :
- Faciliter leur accès au label Esus (« Entreprise solidaire d’utilité sociale ») et à ses financements associés,
- Réorienter une partie des crédits du dispositif local d’accompagnement (DLA) déployés en appui des employeurs de l’ESS vers ceux qui sont le plus en difficulté économique,
- Acter le principe d’établir, chaque année, un « orange budgétaire » propre à l’ESS dans chaque projet de loi de finances (PLF) afin de connaître le fléchage exact des crédits impactant l’économie sociale et solidaire, ministère par ministère. Le principe en avait d’ailleurs été intégré cette année au PLF 2025 avant d’être retoqué par le Conseil constitutionnel.
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Cellule de veille économique
Mais sans attendre le printemps, Bercy devrait également lancer plusieurs chantiers. A commencer par la réactivation de la « cellule de veille économique » sur la situation de l’ESS. L’instance, que devrait présider Maxime Baduel, délégué interministériel à l’économie sociale et solidaire, avait initialement été créée pour offrir à ses acteurs un panorama du secteur, lors de la pandémie de Covid-19. Mise en sommeil, sa réactivation avait été demandée début mars par ESS France.
Pour David Cluzeau, toutefois, le périmètre de la cellule doit dépasser le simple rôle d’observatoire. « Elle doit être adossée à un outillage d’accompagnement des structures en difficulté mais aussi servir à établir la plus-value en termes économiques des entreprises de l’ESS sur les territoires sur lesquels elles sont implantées », précise le président de l’Udes.
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Conférence des financeurs
Véronique Louwagie a également annoncé l’organisation d’une « conférence des financeurs » de l’ESS, celle-ci devant se tenir courant juin. Une grande table ronde où les collectivités territoriales, mais aussi d’autres acteurs comme BPI France ou la Caisse des dépôts devraient se réunir pour dresser un état des lieux des besoins des structures de l’économie sociale et solidaire et apporter les réponses financières adaptées.
L’idée avait déjà été lancée par sa prédécesseure, Marie-Agnès Poussier-Winsback, mais mise en stand-by pour cause de censure du gouvernement Barnier. L’initiative est plutôt bien accueillie sur le principe, mais « juin, c’est trop tard alors que l’on s’attend aux premiers chocs pour nos structures dès le début de l’été », objecte David Cluzeau. L’Udes, de son côté, a déjà prévu de travailler en amont avec les représentants des collectivités financeuses, mais aussi avec les différentes caisses nationales impliquées dans le financement des structures solidaires et sociales (CNAF, CNSA…) pour élaborer l’ébauche d’un programme d’action.
Activité partielle de longue durée
Une piste d’aide aux entreprises de l’ESS touchées par la crise pourrait passer par leur éligibilité à l’activité partielle de longue durée (APLD). Alors que le gouvernement vient de présenter en conseil des ministres un décret visant à remettre en selle ce dispositif – qui avait permis aux entreprises du secteur marchand de passer le cap de la crise Covid, en permettant la prise en charge par l’Etat et l’Unedic de la rémunération des salariés de structures mises à l’arrêt ou condamnées à l’activité ralentie –, l’économie sociale et solidaire qui en avait été exclue pendant la séquence pandémique souhaiterait cette fois-ci pouvoir en bénéficier.
« Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise de l’ESS sollicite une DREETS [direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités] pour mettre en place un dispositif de chômage partiel, on lui répond par la négative sous prétexte que les difficultés du secteur sont structurelles. Il faudrait que ça change », ajoute le président de l’Udes.