Au regard des enjeux politico-institutionnels et des évolutions législatives dans les secteurs social et médico-social, le Carrefour national de l’action éducative en milieu ouvert (Cnaemo) s’est toujours imprégné des avancées nouvelles pour promouvoir l’expertise des associations en protection de l’enfance, particulièrement en milieu ouvert.
Depuis plusieurs années, le dispositif de protection de l’enfance est en pleine mutation et nous assistons à une diversification des modes d’intervention auprès des familles, en protection de l’enfance en général et en assistance éducative en milieu ouvert en particulier.
Le nombre variable de mesures exercées par un travailleur social en fonction des territoires et de leur spécificité, l’arrivée de nouvelles professions comme les techniciens d’intervention sociale et familiale, conseillers en économie sociale et familiale, les médiateurs familiaux, les animateurs, ainsi que les dispositifs particuliers qui se déploient de part et d’autre sur notre territoire national dans les actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) et aides éducatives à domicile (AED) dites « classiques » témoignent d’une diversité déjà à l’œuvre et qui n’est pourtant pas si nouvelle si l’on y regarde de près.
Déjà, depuis les années 1970, des associations proposaient des accompagnements spécifiques à des adolescents en grande difficulté et où le tout milieu ouvert ou l’accueil en internat ne suffisaient pas. Des solutions intermédiaires ont émergé tout d’abord à travers le service éducatif en milieu ouvert (Semo) du Calvados de l’Acsea(1) et le service d’adaptation progressive en milieu naturel (SAPMN) du Gard(2). Ces dispositifs sont souples et réactifs mais se caractérisent toutefois par une porte d’entrée différente. Pour le Semo, l’accueil se fait au départ d’une mesure en milieu ouvert sur un dispositif d’hébergement ou autre, en accord avec le jeune et sa famille. A contrario, pour le SAPMN, la mesure s’effectue à partir de l’internat, avec pour visée de travailler sur un retour définitif dans la famille. Cette nouvelle approche que constitue l’hébergement questionne encore à ce jour les contours et limites de ces nouvelles expérimentations.
Il faudra attendre les lois n° 2007-293 du 5 mars 2007 et n° 2016-297 du 14 mars 2016 pour venir instituer et reconnaître ces innovations soutenues dans le rapport « Naves » de 2003 ou encore le rapport « Broissia » de 2005 exprimant le grand intérêt d’apporter des réponses nouvelles auprès des familles et des enfants tout en sortant du cadre expérimental et ceci, afin de sécuriser les dispositifs proposés. Ces nouvelles modalités de prise en charge, qui s’expriment soit par l’ouverture de nouveaux services, soit par la création de dispositifs dans le cadre d’un même service ou établissement, font émerger de nouveaux termes : « renforcé », « intensif », « spécifique », « renforcée avec ou sans hébergement », « action éducative renforcée », « placement éducatif à domicile ». C’est d’ailleurs dans ce contexte que le Cnaemo s’est ouvert en mars 2014 aux professionnels intervenant dans cet espace entre placement et milieu ouvert, ceux-là mêmes qui interviennent dans le cadre du placement externalisé ou dans celui de l’AEMO avec hébergement. Et si le fondement juridique d’intervention n’est pas le même, l’un étant réalisé par le prisme du placement et son fondement juridique et l’autre par le prisme du milieu ouvert et son fondement juridique, pour le Cnaemo, il était plus que nécessaire de croiser les regards et de jeter des ponts afin de véritablement sortir d’un mode binaire entre placement et milieu ouvert.
A l’instar des nouvelles interrogations que pose ce rapprochement entre milieu ouvert et placement mais aussi au regard d’un contexte questionnant de nouveau l’efficience du dispositif de protection de l’enfance, pour le Cnaemo, il est plus que nécessaire de contribuer à une certaine lisibilité et compréhension de cette modulation des interventions sur le plan juridique afin de contribuer à une meilleure interconnaissance des pratiques professionnelles.
L’intervention sociale au sein de la famille est passée progressivement d’une disposition visant à prolonger la puissance paternelle (lettres de cachets de l’Ancien régime, correction paternelle…) à une conception centrée sur la protection des enfants dits « en danger ». Nous sommes donc passés « de la logique de protection de la famille à celle de protection de l’enfance »(1) où l’Etat est le garant de la politique d’action sociale en général et de la protection de l’enfant en particulier.
L’ordonnance du 23 décembre 1958 a fondé l’action éducative en milieu ouvert, en lien avec l’émergence d’un nouveau regard posé sur l’enfance qui devient à cette période de l’histoire « un sujet inscrit dans une histoire personnelle et familiale ». Cette ordonnance a inséré également la première formulation de la situation de danger encouru par l’enfant – qui demeure encore à l’heure actuelle dans l’article 375 du code civil – puisque sont déjà présents les aspects relatifs à la santé, la sécurité, la moralité de l’enfant.
La loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale a remplacé la puissance paternelle, qui assurait l’exclusivité de l’autorité du père sur les enfants, par l’autorité parentale consacrant ainsi l’égalité des droits et devoirs du père et de la mère. Productrice de droits, celle-ci devient explicitement une mission éducative, « une responsabilité à assumer » ayant pour finalité la protection de l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité.
Ainsi, en cas de difficultés, le juge des enfants ordonne des mesures éducatives à l’égard de l’enfant, tout en privilégiant si possible son maintien dans son milieu naturel, c’est-à-dire au sein de sa famille, dont il doit de surcroît s’efforcer de recueillir l’adhésion aux mesures qu’il prononce.
Dès son origine, l’assistance éducative, et par extension l’AEMO, est donc enserrée entre deux pôles : protéger l’enfant contre le dysfonctionnement familial et faire perdurer un système familial. L’AEMO ne saurait donc avoir à choisir entre une intervention en direction de l’enfant et une intervention d’accompagnement de la famille, entendue ici comme l’accompagnement des parents.
En effet, protéger l’enfant nécessite d’accompagner ses parents car ils sont les premiers responsables des conditions de son éducation. Si ces dernières sont productives de danger, de carences, voire de maltraitances, les parents doivent être mobilisés et accompagnés pour qu’ils tentent de les modifier, de les infléchir, de les réaménager.
Dans les années 1970-1980, l’AEMO est devenue progressivement la mesure phare mais a été bousculée au travers de la mise en œuvre progressive de la décentralisation introduite par les lois du 22 juillet 1983(2), du 6 juin 1984 et du 6 janvier 1986(3) organisant un transfert de compétences de l’aide et de l’action sociale et particulièrement de la protection de l’enfance, de l’Etat vers les départements, ce qui est venu indéniablement modifier la nature de l’aide mise en œuvre au titre de la protection de l’enfance.
La politique de protection de l’enfance décentralisée a été confirmée en 1989 et une nouvelle notion a été introduite par la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989, celle des mauvais traitements commis à l’égard des enfants et où la maltraitance est devenue un critère pour saisir le juge des enfants.
L’action éducative a évolué au fil des années à travers un contexte très mouvant, où les articulations entre les départements financeurs et l’autorité judiciaire se sont complexifiées, les budgets alloués ont été de plus en plus questionnés, l’efficience du dispositif de protection de l’enfance recherchée.
Les années 2000 en sont le témoignage. La protection de l’enfance a commencé à être fortement interrogée, notamment à la suite de plusieurs faits divers et mettant en cause l’exercice des professionnels.
Une première avancée a été induite par la loi 2002-2 venant rénover l’action sociale et médico-sociale(4). La participation de l’usager dans les décisions qui le concernent a été renforcée. La place des familles et des enfants a été affirmée au cœur des dispositifs de prise en charge en leur reconnaissant des droits en tant qu’usagers des services notamment en fondant le projet personnalisé (livret d’accueil, règlement de fonctionnement, individualisation de l’accompagnement, démarche qualité, conseil de la vie sociale ou autres formes de participation …). La qualité des prises en charge est donc ici recherchée à travers la mise en place d’évaluation interne et externe.
Cinq ans plus tard, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 est venue réformer la protection de l’enfance et a introduit de nouvelles perspectives. Nous sommes passés de l’enfance maltraitée à l’enfance en danger qui a amené à un changement de paradigme important où les professionnels doivent créer les conditions de la participation des familles au projet de vie de leur enfant. C’est par une approche préventive avec la volonté de donner une place plus importante aux titulaires de l’autorité parentale que cette loi est venue opérer en privilégiant les liens entre l’enfant et sa famille. La mesure judiciaire devient donc subsidiaire à la mesure administrative. Les départements deviennent alors chefs de file de la protection de l’enfance et ont renforcé leur cellule de recueil d’informations préoccupantes (Crip). Les places des institutions ont ainsi été réaffirmées, induisant par ailleurs de nouvelles réflexions tant sur la réorganisation des services que sur le plan des pratiques professionnelles. Au titre de la protection de l’enfance, la loi insiste sur le développement de données qualitatives et quantitatives pour une meilleure connaissance des publics accompagnées d’où la création des observatoires départementaux en protection de l’enfance (ODPE). A ce titre, le Cnaemo déplore une mise en œuvre très partielle sur le plan national même si, pour certains départements, il n’y a aucun doute, ils ont su se saisir de cet outil pour redéployer sur leur territoire une offre adaptée en protection de l’enfance. Au même titre que le projet pour l’enfant créé par cette disposition et renforcé par la loi du 14 mars 2016(1) relative à la protection de l’enfance pour une meilleure vigilance du parcours de l’enfant, cet outil est encore très peu mis en œuvre sur notre territoire national ou mis en œuvre dans une déclinaison très administrative.
Alors que les dispositifs de prise en charge des enfants en danger ne proposaient en droit que deux solutions avant 2007 : d’une part, les mesures éducatives au domicile familial intitulées « aide éducative à domicile » dans le cadre d’une décision administrative et « action éducative en milieu ouvert » dans le cadre d’une décision judiciaire, et, d’autre part, ou le placement en famille d’accueil ou en internant, la loi de mars 2007 a introduit une directive fondamentale permettant de généraliser les différents modes de prise en charge intermédiaires entre les interventions à domicile et l’hébergement afin de sortir d’un mode binaire entre action à domicile et placement. Une diversification s’est alors mise en œuvre.
Mais depuis, plusieurs rapports sont venus questionner le contenu et la mise en œuvre des mesures de milieu ouvert.
Se posent deux grandes questions : les enfants sont-ils suffisamment protégés en milieu ouvert ? Quelles sont les suites de l’intervention sur la situation familiale ? Et quelle est la place du milieu ouvert par rapport au placement ? Ces questions demeurent récurrentes encore à ce jour de la part des pouvoirs publics.
Depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance, la mission de protection de l’enfance est redéfinie par l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF) : « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. »
Cette nouvelle disposition succède à une définition plus succincte et met l’accent sur la promotion des droits de l’enfant, sur son « meilleur » intérêt et sur la « perspective de bientraitance comme moteur de chaque action ».
Depuis cette dernière disposition, nous assistons à un nouvel effet de balancier axé sur les besoins fondamentaux et les droits de l’enfant. Cependant, le Cnaemo rappelle à juste titre que les droits de l’enfant et le droit des familles ne sont pas nécessairement opposables.
Au fil de l’histoire, cette diversité de réformes, axées tantôt sur la protection de l’enfance, tantôt plus largement sur le secteur social et médico-social est donc venue impacter et réinterroger considérablement les organisations, les projets de service, les fonctionnements et particulièrement le milieu ouvert de sa capacité à toujours innover et créer au regard d’enjeux politiques et de contraintes administratives forts.
Les nouvelles dispositions de la loi de mars 2016 impliquent :
• de veiller au « renforcement du respect de ses droits » tels que définis par la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide) dont nous fêtons les 30 ans cette année ;
• de définir « ses besoins » ;
• de veiller au « développement de ses capacités » ;
• d’associer les parents en tant que « ressources » mobilisables, détenteurs de « responsabilités éducatives » ;
• de développer des réponses adaptées, propres à garantir une continuité de parcours.
Ces nouvelles dispositions légales renforcent donc la place importante consacrée depuis 2007 à l’évaluation des besoins de l’enfant, dans un souci affiché de sécurisation de parcours, notamment en matière de cohérence et de continuité, à travers l’outil phare qu’est le « projet pour l’enfant » (PPE). Le statut juridique de l’enfant tend à être renforcé.
La protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge. Il est institué auprès du Premier ministre un Conseil national de la protection de l’enfance, chargé de proposer au gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l’enfance, de formuler des avis sur toute question s’y rattachant et d’en évaluer la mise en œuvre. Ce conseil promeut la convergence des politiques menées au niveau local, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales. Ses missions, sa composition et ses modalités de fonctionnement sont définies par décret.
C’est dans cette nouvelle visée que la protection administrative et judiciaire doit pouvoir s’exercer.
L’aide éducative à domicile est une intervention dans le cadre administratif qui intervient à la demande des parents (ou des détenteurs de l’autorité parentale) ou avec leur accord et celui du conseil départemental.
Selon l’article L. 222-2 du CASF : « L’aide à domicile est attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou, à défaut, à la personne qui assume la charge effective de l’enfant, lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l’exigent et, pour les prestations financières, lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes. »
« L’aide éducative à domicile comporte, ensemble ou séparément […] l’intervention d’un service d’action éducative » (CASF, art L. 222-3).
Ainsi, le service de l’aide sociale l’enfance (ASE) des conseils départementaux (la direction de l’enfance et de la famille) signe avec les parents ou les détenteurs de l’autorité parentale les mesures d’AED, au bénéfice de leur famille.
Le cadre administratif se caractérise ainsi par une demande d’intervention éducative ou par un accord, des parents ou des détenteurs de l’autorité parentale ou d’un majeur de moins de 21 ans, signifiée au service de l’ASE du conseil départemental.
L’AED intervient si les parents rencontrent des difficultés dans la prise en charge éducative de leur enfant et si le conseil départemental est d’accord pour mettre en œuvre cette intervention et la financer. L’aide doit permettre de résoudre les problèmes qui ont été identifiés avec la famille.
S’appuyant sur les ressources et les compétences familiales, il s’agit de viser à des changements afin de résoudre les difficultés qui risquent de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité des mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social. L’AED permet au jeune accompagné de développer ses potentialités dans son milieu naturel.
Cette mesure fait l’objet d’un contrat signé entre les parents (ou les détenteurs de l’autorité parentale) et le service de l’ASE. Le mineur concerné par la mesure est nommé par le contrat.
Le CASF limite la durée de l’AED à 1 an renouvelable. En tant que détenteurs de l’autorité parentale, les deux parents doivent donner leur accord. Si la mesure est mise en place à la demande ou avec l’accord d’un seul des deux parents, le second sera sollicité pour manifester sa position à l’égard de l’AED. Une opposition de l’un des deux parents ne permet pas que l’AED se mette en place.
L’action éducative en milieu ouvert est une intervention dans le cadre judiciaire qui s’impose aux parents (ou aux détenteurs de l’autorité parentale).
La mesure éducative dans le cadre judiciaire est une mesure d’assistance éducative définie par l’article 375-2 du code civil. Elle intervient dans le cadre judiciaire. Elle est la première mesure énoncée par le code civil que peut ordonner le juge pour enfants. Selon l’article 375 du code civil, une mesure d’assistance éducative est ordonnée « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».
Un seul de ces critères est suffisant mais nécessaire. L’appréciation du juge pour enfants doit reposer sur une analyse fine des faits. Le danger doit être certain ou prévisible et imminent. Le danger doit aussi être en lien avec une défaillance ou une carence dans l’exercice de l’autorité parentale, que les parents soient directement à l’origine du danger par leur action ou qu’ils ne soient simplement pas en mesure de le limiter et de le résorber.
« Cette décision judiciaire peut intervenir à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel. Elles [les mesures] peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale » (code civil [C. civ.], art. 375). « La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu’il s’agit d’une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder 2 ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée » (C. civ., art. 375).
L’intervention du juge des enfants ne s’envisage que si elle permet de mettre un terme à la situation de danger ou d’en limiter les effets. L’évolution possible de la situation d’un mineur et d’une famille constitue le sens de l’assistance éducative et se matérialise par un dossier qui reste ouvert et des décisions à échéance. Par ailleurs, la durée limitée dans le temps de l’intervention éducative situe bien l’assistance éducative comme une procédure d’accompagnement de l’autorité parentale et de la relation parent-enfant et non comme une procédure de substitution. Cette mesure est ordonnée par le juge des enfants dans le cadre de l’audience et à l’issue d’un débat contradictoire. La décision prend la forme d’un jugement, rarement d’une ordonnance (décision provisoire d’une « affaire non jugée au fond » et pour laquelle le juge a besoin d’éléments supplémentaires).
A la lecture des textes législatifs relatifs à l’AED et à l’AEMO, il en ressort qu’une intervention en protection de l’enfance, et notamment en milieu ouvert, est fonction d’une situation de danger ou de risque de danger d’un mineur et de l’accord ou non des parents pour une intervention éducative auprès d’eux. Le cadre administratif intervient en premier ressort pour les mesures (AED) mises en place à la demande ou avec l’accord des parents, que le mineur soit en situation de risque de danger ou de danger. Le cadre judiciaire (AEMO) concerne les situations de danger assorties d’un refus des parents de l’intervention éducative ou bien d’un constat d’échec des mesures mises en œuvre dans le cadre administratif. La loi de mars 2007 a affirmé le principe de la subsidiarité de l’intervention judiciaire. L’intervention du juge des enfants dans les situations familiales est ainsi réservée à la nécessité de contraindre l’autorité parentale.
Quel que soit le cadre d’intervention (administratif ou judiciaire), l’objectif de la mesure éducative est de protéger l’enfant. La mise en place d’une AED ou d’une AEMO suppose une situation de risque de danger ou de danger avéré au sens de l’article 221-1 du CASF et de l’article 375 du code civil.
Pour qualifier une situation de risque de danger ou de danger d’un mineur, le code de l’action sociale et des familles et le code civil font référence aux droits et devoirs qui incombent aux détenteurs de l’autorité parentale définis par le code civil (C. civ., art. 371-1) : « Intérêt de l’enfant, le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, assurer son éducation et permettre son développement… Lorsque ces devoirs ne sont pas assurés par les parents ou les détenteurs de l’autorité parentale, des mesures de protection de l’enfant peuvent être mises en place. »
Le CASF énonce ainsi que le risque de danger ou le danger réside dans « des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de 21 ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ».
Le code civil parle de danger « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».
En associant ces trois articles du code civil et du CASF, se dégagent les obligations de protection faites aux parents ou aux détenteurs de l’autorité parentale, à l’égard de leurs enfants : agir dans l’intérêt de son enfant et le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa moralité, assurer son éducation et permettre son développement physique (grandir grâce à la satisfaction des besoins fondamentaux), affectif (se construire en créant des liens affectifs sécurisants), intellectuel (possibilité de développer ses capacités cognitives) et développement social (favoriser l’intégration de l’enfant dans son environnement et favoriser son devenir dans la société). Le mineur doit être associé aux décisions qui le concernent. L’évaluation faite pour qu’une AED ou une AEMO soit mise en place ou renouvelée doit mettre en lumière les difficultés ou carences constatées dans l’exercice de l’autorité parentale, en analyser les raisons et les effets, au regard de ces besoins. Cette évaluation définit ainsi une situation de risque de danger ou de danger.
Dans l’intervention auprès de la famille, l’accompagnement éducatif mis en œuvre par les professionnels doit veiller à faire cesser le risque de danger ou le danger, c’est-à-dire à accompagner les parents (les détenteurs de l’autorité parentale) et les enfants pour que les besoins de ces derniers, décrits précédemment, soient à nouveau satisfaits.
L’AED doit « apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique […] » (CASF, art. 221-1).
L’article 375-2 du code civil relatif à l’AEMO énonce les objectifs de la mesure éducative :
« Chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d’apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre […] »
La mission du service est ainsi clairement énoncée dans les textes : apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs et à leurs familles (CASF) et leur apporter de l’aide et des conseils dans le but de surmonter les difficultés matérielles ou morales rencontrées (code civil).
Le CASF parle « d’un soutien éducatif tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale […] qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de 21 ans ». Le code civil évoque la nécessité « d’apporter aide et conseil à la famille ».
Ces deux textes désignent clairement nos interlocuteurs : la famille dans sa globalité composée des mineurs ou jeunes majeurs (désignés par le jugement ou le contrat d’AED), des parents (ou détenteurs de l’autorité parentale) et aussi les autres membres de la famille ou adultes signifiants dans la vie de l’enfant.
Agé de 13 à 21 ans, le jeune accompagné est en âge de réfléchir et d’analyser sa situation familiale et sa place dans le fonctionnement familial. La mesure qui s’exerce auprès de lui vise à ouvrir des espaces d’élaboration et de transformation de sa propre situation. L’adolescent ou le jeune adulte est partie prenante et acteur de cette réflexion et de l’évolution nécessaire de sa situation.
« Le service élabore au moins une fois par an un rapport, établi après une évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative » (CASF, art. 22 3-5).
« Cette personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l’enfant et d’en faire rapport au juge périodiquement » (C. civ., art. 375-2).
Au-delà de la mission d’aide et de conseil à la famille, les professionnels en milieu ouvert ont en charge le suivi du développement du jeune. Ils doivent ainsi s’attacher à vérifier si le développement de l’adolescent est conforme à ses besoins et doit en rendre compte soit à l’autorité administrative soit à l’autorité judiciaire. Dans ce sens, la mesure éducative comporte une dimension de « contrôle » que nous devons exercer, afin de vérifier :
• si les conditions d’éducation et de développement de l’adolescent lui sont favorables ;
• si la fonction parentale s’exerce dans son intérêt ;
• si la mesure est suffisante pour le protéger ;
• si la mesure s’avère pertinente pour permettre à la famille de surmonter ses difficultés.
Cette évaluation de la situation fait l’objet d’un rapport au conseil départemental ou au juge pour enfants.
« L’aide éducative à domicile comporte, ensemble ou séparément […] l’intervention d’un service d’action éducative » (CASF, art. L222-3).
« Chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel… » (C. civ., art. 375).
L’AED et l’AEMO sont des mesures de milieu ouvert ; elles se déroulent à partir du milieu « naturel » de la famille et du jeune. Le juge pour enfants doit instaurer en priorité des mesures qui permettent « le maintien de l’enfant dans son milieu naturel » en référence :
• à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à la vie familiale et prévoit les conditions de l’intervention de l’Etat ;
• et à la Convention internationale des droits de l’enfant, qui garantit le droit à la vie de famille, mais qui admet son retrait lorsque son intérêt supérieur le commande.
Les associations habilitées dans l’exercice de ces mesures concourent au maintien de l’adolescent dans son environnement. Intervenir « à domicile » ou « en milieu ouvert » suppose de s’intéresser à toutes les personnes et institutions en contact avec le jeune et sa famille (professeurs et professionnels de la formation et de l’insertion, professionnels de santé, de l’animation, autres services sociaux…).
L’intervention à domicile ou en milieu ouvert suppose :
• que l’adolescent vive auprès de ses parents, ou auprès de l’un de ses parents, de détenteurs de l’autorité parentale, d’un membre de la famille, d’un proche ou d’un tiers digne de confiance. Si l’enfant ne vit pas auprès de ses parents, ceux-ci restent des interlocuteurs du service qui a en charge la mesure ;
• que les conditions de son maintien à domicile sont réunies ; autrement dit, que les éléments de danger ou de risque de danger sont compatibles avec un maintien à domicile du mineur ;
• que le service peut avoir accès au domicile par le biais des visites à domicile ;
• de prendre en considération l’environnement, le contexte de vie du jeune et de sa famille. L’intervention éducative en milieu ouvert doit prendre en compte tout l’environnement des intéressés.
Par exemple, dans le Semo du Calvados, l’intervention en milieu ouvert fonctionne de façon permanente. L’organisation des cinq secteurs Semo, caractérisée par une possibilité d’intervention 7 jours sur 7, toute l’année, de l’équipe éducative garantit cette permanence. En plus de l’accompagnement éducatif, chaque jeune, chaque parent ou membre de la famille et les partenaires peuvent, dans les plages horaires de l’accueil (9 heures-18 heures), contacter ou rencontrer, sans rendez-vous, le membre de l’équipe qui assure l’accueil dans les locaux du secteur.
Une astreinte en place à partir de 18 heures en semaine, les week-ends et jours fériés, assurée par les chefs de service, permet à un jeune ou à sa famille, aux partenaires, de solliciter le service en cas d’urgence.
L’article 375-2 du code civil permet aux services de milieu ouvert d’héberger des jeunes qu’il accompagne : « Lorsqu’il [le juge] confie un mineur à un service mentionné au premier alinéa, il peut autoriser ce dernier à lui assurer un hébergement exceptionnel ou périodique à condition que ce service soit spécifiquement habilité à cet effet. Chaque fois qu’il héberge le mineur en vertu de cette autorisation, le service en informe sans délai ses parents ou ses représentants légaux ainsi que le juge des enfants et le prés