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Le 5e plan de lutte contre les violences faites aux femmes

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Au menu de ce nouveau plan, des mesures pour aider les femmes victimes à sortir de la spirale des violences, par exemple en facilitant la révélation des faits ou en augmentant l’offre d’hébergement. Mais aussi pour faciliter l’accès aux droits des publics les plus vulnérables, tels que les femmes en milieu rural ou celles âgées de 18 à 25 ans.

Malgré le renforcement de l’arsenal législatif, des dispositifs de prise en charge ou encore de la formation des professionnels au repérage des violences, « les faits de violences et le nombre de victimes restent dramatiquement stables », a reconnu la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, lors de la présentation, le 23 novembre dernier, du cinquième plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes : « En France, toutes les 7 minutes, une femme est violée ; tous les 2 jours et demi, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou ex-conjoint, 223 000 femmes sont victimes chaque année de violences dans le couple » et seulement 14 % d’entre elles portent plainte… Des chiffres qui ont été affinés, en ce qui concerne les violences sexuelles, par les premiers résultats de l’enquête « Virage » de l’Institut national d’études démographiques, présentée le même jour (voir encadré, page 61).

Certaines des 134 mesures du nouveau plan, qui porte sur la période 2017-2019, sont inspirées du rapport d’évaluation du précédent plan – jugé « globalement satisfaisant »(1) – élaboré par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) et rendu public le 22 novembre(2).

Plusieurs des mesures du plan sont d’ores et déjà prévues par des lois récemment adoptées, telles que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (création du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, répression des clients de la prostitution…)(3) ou la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (interdiction de la médiation pénale dans le cadre d’une procédure sur l’exercice de l’autorité parentale en cas de violences conjugales…)(4). D’autres encore seront mises en œuvre dans le cadre de futures lois, comme celle relative à l’égalité et à la citoyenneté, toujours en discussion au Parlement (reconnaissance du sexisme comme circonstance aggravante de tous les crimes et délits, renouvellement de plein droit de la carte de séjour « vie privée et familiale » pour les femmes étrangères victimes de violences conjugales…)(5). Toutes ces mesures ne seront donc pas détaillées dans ce dossier qui ne présente que celles réellement nouvelles.

Comme l’a préconisé le HCEFH dans son rapport d’évaluation, l’Etat engagera 125 millions d’euro s pour la mise en œuvre de ce nouveau plan, soit le double du montant prévu pour la période 2014-2016.

I. Assurer une sortie définitive des violences

Afin de consolider le parcours de sortie des violences des femmes victimes, le gouvernement entend faciliter la révélation des faits et l’orientation des victimes, mieux les accompagner pendant la phase judiciaire, mieux les protéger et, pour cela, amplifier l’offre d’hébergement d’urgence.

A. La révélation des faits et l’orientation des victimes

1. Renforcer les dispositifs d’écoute et d’accompagnement

A Sécurisation du « 3919 »

Pour favoriser la révélation des faits, le plan entend renforcer et rendre plus visibles les dispositifs d’écoute et d’accompagnement des femmes victimes de violences. Ainsi, le financement de la plateforme nationale d’écoute et d’orientation « 3919-Violences femmes info », gérée par la Fédération nationale solidarité femmes(6), sera sécurisé via le projet de loi de finances pour 2017 qui prévoit de lui allouer 1,57 million d’euros l’année prochaine(7). Le dispositif devrait aussi être consolidé et étendu grâce au renouvellement de la convention d’objectifs et de moyens liant la fédération et le ministère de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes.

B Plus de visibilité pour les structures accompagnatrices

Le ministère des Droits des femmes élaborera un annuaire national informatisé des structures accompagnant les femmes victimes de violences à destination des partenaires concernés, qui pourra être actualisé à tout moment. En pratique, « les dispositifs portés par les structures figureront dans une base de données sécurisée, notamment en matière d’accessibilité pour les femmes victimes de violences en situation de handicap ». Quant aux informations ne mettant pas en cause la sécurité des femmes prises en charge par ces dispositifs, elles pourront être publiées sur www.stop-violences-femmes.gouv.fr.

C Consolidation des LEAO et des accueils de jour

Les 121 accueils de jour et les 206 lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO), recensés dans 99 départements, constituent, pour le gouvernent, des dispositifs d’accompagnement « indispensables » pour les femmes victimes de violences, leur garantissant une prise en charge plus précoce, une plus grande fluidité dans leur parcours pour s’en sortir et une meilleure coordination des actions mises en place à cet effet. Aussi a-t-il décidé de pérenniser ces dispositifs en leur assurant un financement sur toute la durée du plan 2017-2019. Pour l’année prochaine, ils devraient bénéficier de 5,27 millions d’euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017(8). Parallèlement, l’impact de leur activité sera mesuré sur les territoires au moyen d’enquêtes annuelles diligentées par les équipes territoriales aux droits des femmes, confortées par les bilans des associations nationales.

Par ailleurs, un groupe de travail, composé de représentants des équipes territoriales aux droits des femmes, sera mis en place en 2018 pour réfléchir à la façon de mieux articuler l’action des LEAO et des accueils de jour avec celle des autres dispositifs (intervenants sociaux en commissariats de police ou en gendarmeries, référents « violences au sein du couple », structures d’hébergement…) et de leur garantir un meilleur maillage territorial. I l devra aussi plancher sur l’engagement d’actions de promotion de ces dispositifs, « encore insuffisamment connus des femmes victimes de violences », selon le plan. Ses recommandations sont attendues pour 2019.

2. Faciliter l’orientation des victimes

« La révélation des violences doit entraîner une orientation rapide et adaptée vers un accompagnement spécialisé », estime le gouvernement, qui souhaite donc consolider le nombre de professionnels en contact avec les victimes.

A Création de postes pour les intervenants sociaux en commissariats

Le plan présenté par Laurence Rossignol entend consolider le dispositif des intervenants sociaux en commissariats et gendarmeries – au nombre de 260 en novembre dernier –, dont « la pertinence et l’efficacité sont reconnues ». Selon le HCEFH, 13 départements en étaient dépourvus à cette même date(9). L’objectif est qu’il y en ait au total 358 d’ici à 2019. Et c’est le Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) qui contribuera à leur financement. Ce qui n’est pas sans inquiéter le HCEFH, qui estime que les financements du fonds « ne sont pas appelés à être pérennes » en la matière. Pour preuve, ses crédits « s’orientent aujourd’hui davantage vers la prévention de la radicalisation »(10). Sur sa recommandation, le gouvernement a donc prévu qu’« un soutien financier plus important des partenaires locaux sera recherché ».

B Pérennisation des référents « violences faites aux femmes »

En 2015, on dénombrait 74 référents pour les femmes victimes de violences au sein du couple qui exerçaient dans 52 départements. Un dispositif « bien ancré dans les territoires et jugé pertinent, notamment dans les territoires ruraux », souligne le plan, indiquant que la prochaine circulaire annuelle d’orientation des crédits du FIPDR demandera aux préfets « de maintenir leur soutien à ce dispositif et d’encourager l’ensemble des acteurs et financeurs locaux (FIPDR, collectivités locales…) à faire de même ». Mais là encore, le HCEFH ne cache pas son inquiétude, déplorant cette modalité de financement non pérenne.

Le gouvernement souhaite aussi consolider le dispositif des référents « violences faites aux femmes » au sein des services d’urgence, chargés de former leurs personnels, ainsi que ceux du SAMU et du SMUR, au repérage, à la prise en charge et à l’orientation de ces victimes. Au 25 novembre dernier, on en dénombrait 575, répartis dans 483 établissements de soins de 91 départements. Parmi ces référents, 222 ont déjà bénéficié d’une journée de formation, une démarche qui « sera poursuivie pendant toute la durée du plan ». Prochaine session : janvier 2017.

B. L’amplification de l’offre d’hébergement

Sur les 1 650 nouvelles places d’hébergement d’urgence annoncées en 2013 dans le cadre du plan « pauvreté », 1 550 sont d’ores et déjà créées et leur taux d’occupation s’élève à 95 %, indique le gouvernement qui entend pérenniser ces places. Le plan prévoit en outre d’amplifier cette offre d’hébergement, en ouvrant 350 autres places, dont 100 seront dédiées aux jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans sans enfant (voir page 65). Parallèlement, « des appels à projets régionaux permettront de répondre localement aux besoins identifiés dans le cadre des “diagnostics à 360 °” menés chaque année, qui permettent de recenser l’offre et les besoins existants ».

Par ailleurs, la formation des professionnels du secteur de l’hébergement (service intégré d’accueil et d’orientation [SIAO], 115, principales têtes de réseaux de l’hébergement…) sera développée. Et le partenariat entre les SIAO et les associations spécialisées – qui permet de proposer des réponses adaptées aux femmes victimes de violences – sera poursuivi. Les bonnes pratiques sur les territoires seront recensées, notamment dans le cadre des « diagnostics à 360 ° », pour une capitalisation et une diffusion au niveau national.

C. Un meilleur accompagnement des victimes

Pour le gouvernement, il convient de mieux accompagner les femmes victimes de violences pendant la phase judiciaire et au-delà, de façon à s’assurer qu’elles sortent de la spirale des violences.

1. Pendant la phase judiciaire…

En 2015, seules 14 % des femmes victimes de violences ont porté plainte (contre 10 % en 2013), un taux qui, pour le ministère des Droits des femmes, reste « faible ». En cause, selon les enquêtes de victimation et les études sur ce champ, des difficultés liées « à un phénomène d’emprise, de culpabilité ou bien encore la peur de représailles ». Sans compter l’absence ou l’insuffisance de preuves des violences subies au moment où les femmes décident de porter plainte.

Pour faciliter le dépôt de plainte, le gouvernement veut donc poursuivre la mise en œuvre duprotocole national de traitement des mains courantes et des procès-verbaux (PV) de renseignements judiciaires en matière de violences conjugales, signé en 2013 par les ministres chargés de la justice, de l’intérieur et des droits des femmes. Un texte qui réaffirme avant tout le principe selon lequel une victime qui se présente à la police en raison de violences conjugales doit pouvoir déposer une plainte – et non une simple main courante – qui sera suivie d’une enquête judiciaire. En cas de recours à une main courante – sans conséquence sur les plans judiciaire et juridique – ou à un PV de renseignements judiciaires, la victime, après avoir expressément refusé de porter plainte, doit être systématiquement informée sur les conséquences de son refus, sur ses droits, sur les procédures à engager pour les faire valoir et sur l’aide dont elle peut bénéficier. Il doit aussi lui être proposé d’être mise en relation avec une structure d’accompagnement partenaire (intervenant social, psychologue, permanence d’association…). A ce jour, le protocole a été décliné dans 90 parquets et 5 autres s’apprêtent à en élaborer un, indique le plan, soulignant « une augmentation sensible du nombre de procédures traitées » grâce à ce protocole. En tout état de cause, les ministères de l’Intérieur et de la Justice évalueront en 2018 et 2019 l’impact de ces protocoles locaux grâce à des remontées quantitatives et qualitatives.

En outre, au-delà du récépissé de dépôt de plainte, les victimes se verront systématiquement délivrer le procès-verbal de plainte pour violences conjugales ou sexuelles à compter de 2018. Et ce, même si elles ne le demandent pas.

2. … et jusqu’à la sortie effective et durable des violences

A Offrir une prise en charge psychologique

« Développer une prise en charge psychologique adaptée en direction des femmes victimes de violences, première étape incontournable du processus de reconstruction, est un enjeu majeur de santé publique », affirme le plan gouvernemental. Ces femmes doivent donc pouvoir bénéficier d’une prise en charge par un professionnel « formé à la spécificité de ce type de psychotraumatisme » et « privilégiant l’unité de lieu avec la prise en charge somatique ». La prochaine feuille de route de santé mentale déterminera donc la stratégie et les moyens nécessaires à un maillage national de structures, de professionnels et de services formés à cette prise en charge. Au plan territorial, le déploiement de cette prise en charge s’appuiera notamment sur les diagnostics et les projets territoriaux de santé mentale prévus par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé(11). Au final, une cartographie nationale de l’offre de prise en charge spécialisée sera établie.

L’inspection générale des affaires sociales sera, quant à elle, missionnée pour « examiner les bonnes pratiques existantes, pour modéliser une action et la diffuser aux agences régionales de santé fin 2017 pour une mise en œuvre sur les territoires », indique le plan.

B Garantir un logement sûr et pérenne

Une circulaire à l’attention des préfets sera diffusée en 2017 afin de « promouvoir l’attribution de logements sociaux du contingent préfectoral aux femmes victimes de violences », indique le plan. Plus précisément, les représentants de l’Etat seront notamment invités à :

→ mettre l’accent sur les besoins de ce public dans le cadre des plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées révisés ;

→ prendre en compte le besoin de « traitement particulier de situations d’urgence des femmes victimes de violences, attestées par une décision judiciaire (par exemple bénéficiant d’une ordonnance de protection et/ou d’un “téléphone grave danger”) pour procéder à l’attribution, en urgence, d’un logement sur le contingent préfectoral ».

Le ministère en charge du logement devra réaliser un bilan des actions développées dans ce cadre.

D. L’amélioration de la protection judiciaire

Ces dernières années, des textes législatifs ont permis l’adoption ou la consolidation de mesures de protection judiciaire en faveur des femmes victimes de violences (ordonnance de protection, éviction du conjoint violent du domicile conjugal…). « Afin de garantir leur pleine mobilisation, il convient aujourd’hui de mieux évaluer leur recours et leur impact, d’identifier les éventuels freins à leur développement et des pistes d’amélioration », soulignent les services de Laurence Rossignol.

1. Renforcement de l’ordonnance de protection

L’ordonnance de protection vise à stabiliser pour une durée de 6 mois, ou pendant toute la procédure de divorce ou de séparation de corps, la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation d’avec l’auteur des violences. D’après le HCEFH, en 2015, les juridictions en ont prononcé 2 958 (+ 43 % par rapport à 2011), dans un délai moyen de 1,3 mois (contre 1,2 mois en 2013). Malgré tout, il s’agit d’un « outil encore insuffisamment utilisé parce qu’insuffisamment connu », soulignait la Commission nationale consultative des droits de l’Homme dans un avis de juin dernier(12), malgré les directives diffusées par le ministère de la Justice dans une circulaire du 7 août 2014(13). Un récent rapport parlementaire s’interrogeait même sur l’adaptation du droit pénal à la spécificité des violences conjugales(14).

Dans ce contexte, le plan prévoit que le ministère de la Justice lancera, l’année prochaine, une enquête pour analyser les décisions rendues en la matière en vue de :

→ disposer d’une « vision plus fine » de l’appropriation par les avocats de l’intérêt de l’ordonnance de protection et de l’appréhension qui en est faite par les juges ;

→ mieux cerner les caractéristiques sociodémographiques des parties et les facteurs susceptibles d’augmenter l’exposition aux violences ;

→ fournir des données plus précises sur les mesures ordonnées par les juges quant au maintien des liens entre l’enfant et l’auteur des violences.

Sur cette base, la chancellerie réalisera un guide à l’attention des juridictions et des autres professionnels concernés afin d’améliorer l’orientation des victimes en amont de la procédure judiciaire. Ce guide regroupera les éléments suivants :

→ des bonnes pratiques recensées dans les juridictions (permanence « juges aux affaires familiales », organisation optimale des parquets, protocole avec les huissiers relatif aux assignations…) ;

→ les critères retenus par les juges s’agissant de la charge de la preuve ;

→ une aide à l’identification des différentes formes de violences et seuils de danger (point de vigilance sur les stratégies de domination qui peuvent se déployer au moment même de la séparation et en post-séparation).

(A noter) L’article 59 du projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté – en cours de discussion au Parlement – prévoit l’inscription des interdictions prononcées à l’encontre du conjoint violent dans le cadre d’une ordonnance de protection au fichier des personnes recherchées. Une disposition qui, selon le plan, devrait en permettre un meilleur respect.

2. Mobilisation autour de la mesure d’éviction du conjoint violent du domicile

La mesure d’éviction du conjoint violent du domicile conjugal peut être sollicitée à tous les stades de la procédure pénale, y compris dans le cadre d’une ordonnance de protection. « Cette diversité des configurations rend complexe l’évaluation de sa mobilisation », explique le plan. C’est pourquoi le ministère de la Justice sera chargé, en 2017, de réaliser une étude statistique relative aux évictions du conjoint violent dont « les enseignements pourront donner lieu à d’éventuelles orientations de politique pénale complémentaires, pour en favoriser la pleine mise en œuvre ».

A l’avenir, la chancellerie devra aussi, chaque année, identifier des bonnes pratiques dans le cadre de l’exploitation de son rapport de politique pénale, qui seront ensuite diffusées sur son site Internet.

3. Déploiement du « téléphone grave danger »

Pour le ministère des Droits des femmes, la preuve de l’efficacité du « téléphone grave danger » n’est plus à faire : « entre septembre 2015 et septembre 2016, 73 % des téléphones disponibles ont été attribués, pour 3 à 6 mois. 89 % des alertes correspondaient à une demande d’intervention et, dans 28 % des cas, l’alerte a conduit à l’interpellation de l’agresseur ». Au final, a précisé le garde des Sceaux dans un communiqué du 25 novembre, 531 téléphones auront été déployés en métropole d’ici à la fin de l’année. Et 24 téléphones supplémentaires devraient être financés par une contribution des collectivités territoriales (dont la moitié par le conseil départemental du Haut-Rhin), avait indiqué Bercy lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2017(15).

Par ailleurs, le dispositif est actuellement expérimenté à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. Et, selon le plan gouvernemental, une seconde tranche d’expérimentations devrait être lancée « dans le courant du second semestre 2016 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et en Guyane ».

II. Faciliter l’accès aux droits

Le plan prévoit des mesures visant à faciliter l’accès aux droits et aux dispositifs d’information et d’orientation pour les femmes victimes de violences. D’autres devraient non seulement permettre de mieux protéger les enfants de ces femmes, victimes collatérales des violences intrafamiliales, mais aussi de mieux prendre en compte les femmes âgées de 18 à 25 ans, un public dit « hors radar ».

A. Pour les femmes en milieu rural

1. Expérimentation de « bons taxis »

Le ministère des Droits des femmes lancera, en 2017, une expérimentation de « bons taxis » avec 25 départements. Il s’agira de prendre en charge les frais de transport des femmes victimes de violences pour leur « acheminement vers un lieu d’hébergement d’urgence, vers des lieux d’expertises médicales ou d’audiences judiciaires (par exemple, audience pour la délivrance d’une ordonnance de protection ou d’un “téléphone grave danger”), ou tout autre cas d’urgence en lien avec les violences ». Les départements pourront s’inspirer des bonnes pratiques identifiées dans le Tarn-et-Garonne ou encore les Pyrénées-Orientales, souligne le plan.

2. Des permanences dans les maisons de service public

Pour pallier l’absence ou la rareté en milieu rural des associations d’aide aux femmes victimes de violences, certaines d’entre elles ont noué des partenariats avec des maisons de service au public labellisées(16). Le plan prévoit que de nouveaux partenariats – qui « pourront prendre la forme de permanences d’associations d’accès aux droits sur place ou par visio-conférence » – y seront développés l’année prochaine à partir des besoins identifiés et des dispositifs déjà présents. Dans ce cadre, une cartographie des maisons de service au public et des centres d’information sur les droits des femmes et des familles sera partagée entre les réseaux respectifs, et un travail de sensibilisation sur les objectifs et les modalités de mise en œuvre de ces partenariats sera mené.

B. Pour les victimes de viol et d’agressions sexuelles

Selon l’Institut national d’études démographiques, 62 000 femmes majeures en moyenne sont, chaque année, victimes de viol ou de tentative de viol (voir encadré, page 61). Et, dans 90 % des cas, ces agressions sont perpétrées par une personne connue de la victime. Toutefois, 10 % seulement des victimes portent plainte… et seule une plainte sur 10 aboutit à une condamnation. L’ampleur de ces violences appelle donc une « réponse forte qui doit se concentrer sur chaque étape du parcours des victimes afin d’améliorer la révélation des violences, la première prise en charge (dont la prise en charge psycho-médicale) et le parcours judiciaire », énonce le plan gouvernemental.

1. Faciliter le dépôt de plainte

L’année prochaine, indique le plan, le ministère de l’Intérieur constituera un groupe de travail afin de recueillir les bonnes pratiques existantes sur le territoire qui facilitent le dépôt de plainte des victimes de violences sexuelles et d’identifier les moyens de les généraliser.

2. Permettre le recueil de preuves en l’absence de plainte

Afin de laisser aux femmes victimes de violences le temps de déposer plainte, sans que cela ait de conséquences sur une procédure ultérieure, le ministère de la Santé, en lien avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, lancera dès l’année prochaine une réflexion « pour envisager le recueil de preuves de ces violences en l’absence de plainte et leur conservation pendant une période raisonnable »(17). Réflexion qui, d’après le plan, « s’appuiera notamment sur l’évaluation d’initiatives locales déjà engagées (par exemple avec des unités médico-judiciaires), de manière à définir les solutions possibles et les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre (évolution réglementaire…) ». Les agences régionales de santé pourront d’ailleurs être sollicitées.

3. Réfléchir au délai de prescription

Dans le droit fil de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale des députés Alain Tourret (Parti radical de gauche) et Georges Fenech (LR) – actuellement examinée au Parlement –, le plan propose de porter les délais de prescription de 10 à 20 ans pour les crimes sexuels et de 3 à 6 ans pour les délits sexuels.

La ministre des Droits des femmes a confié, par ailleurs, à l’animatrice Flavie Flament, victime de viol dans son enfance, et à un avocat pénaliste, une mission sur les délais de prescription du viol pour les mineurs(18). Leur objectif : mettre en présence les positions, comprendre et faire avancer un consensus sur l’allongement ou pas de la durée de prescription.

C. Pour les femmes âgées de 18 à 25 ans

Le plan entend mieux repérer les femmes âgées de 18 à 25 ans victimes de violences, en particulier celles en couple dit « non cohabitant », « insuffisamment repérées par les structures “jeunesse” ». Un public qui échappe aussi aux dispositifs spécialisés de prise en charge des femmes victimes de violences – à l’exception des associations spécialisées sur les mariages forcés et les mutilations sexuelles féminines – au motif que le marqueur pris en compte est celui de la cohabitation et que les violences sont reconnues par le droit dans le cadre du mariage, du pacte civil de solidarité ou du concubinage, explique le HCEFH. Pour faciliter le repérage de ces jeunes femmes et la révélation des violences dont elles sont victimes, le plan prévoit, par exemple, de développer une application tchat du 3919, de mobiliser les réseaux sociaux pour les informer sur les dispositifs d’écoute et d’orientation et de développer des partenariats entre les lieux d’écoute et des structures accueillant localement des jeunes femmes.

Le gouvernement veut aussi créer, d’ici à 2019, 100 solutions d’hébergement spécialisées dans la prise en charge des 18-25 ans sans enfant. Et la mise en œuvre des conventions « CROUS », qui permettent le logement des étudiantes victimes de violences et en danger de mariage forcé, sera poursuivie(19).

Par ailleurs, afin de renforcer l’autonomie des jeunes femmes victimes de violences, en particulier celles en couple, une expérimentation sera lancée en 2017 avec 20 missions locales en vue de les former aux problématiques spécifiques de ces femmes pour accéder aux formations et à l’emploi.

D. Pour les mères et leurs enfants

Le plan prévoit de mieux « protéger les mères et leurs enfants(20) dans l’exercice de l’autorité parentale, pendant et après la séparation » avec le conjoint violent. Comment ? En renforçant les espaces de rencontre parents-enfants ou encore en garantissant l’intermédiation de l’agence de recouvrement des pensions alimentaires(21). Pour aller plus loin, il propose aussi d’expérimenter des espaces de rencontre protégés, une mesure d’accompagnement protégé et une prise en charge hospitalière des enfants dont l’un des parents a tué l’autre.

1. Espaces de rencontre protégés

Le gouvernement va expérimenter en 2017, en Seine-Saint-Denis, des espaces de rencontre protégés développant des modalités spécifiques d’intervention en cas de violences conjugales. Ce dispositif permettra d’accueillir les pères auteurs de violences et leurs enfants dans un lieu dédié, où leur rencontre sera organisée en présence d’un référent formé à ces questions, tout en privilégiant l’intérêt et la sécurité de l’enfant et en protégeant la mère qui l’accompagne. En pratique, c’est le juge aux affaires familiales (JAF) qui décidera ou non d’accorder cette mesure pour une durée de 6 mois, renouvelable. Le référent rédigera un compte-rendu de visites à l’issue de chaque rencontre, puis un rapport de fin de mesure à l’attention du magistrat.

2. Mesure d’accompagnement protégé

La loi du 10 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants prévoit que, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux, le JAF peut prévoir qu’elle s’effectue avec l’assistance d’un tiers de confiance. Dans ce cadre, le gouvernement met en avant l’expérimentation de la mesure d’accompagnement protégé menée en Seine-Saint-Denis depuis 2012, qui consiste en un accompagnement de l’enfant par un adulte tiers lors des déplacements entre le domicile de la mère et le lieu d’exercice du droit de visite du père. Après une évaluation de cette expérimentation, une convention type pourrait être formalisée et mise à disposition des territoires souhaitant mettre en œuvre de ce dispositif. Ce, « dans les mois à venir », a précisé le ministre de la Justice.

(A noter) D’après le HCEFH, depuis 2012, 55 mesures ont été prononcées par les juges aux affaires familiales pour l’accompagnement protégé de 81 enfants mineurs. Parmi elles, 17 l’ont été dans le cadre d’une ordonnance de protection et 20 dans le cadre d’un jugement. Seules 13 notes d’incident ont été envoyées au juge, dont 8 à la suite d’une situation de danger concernant directement l’enfant.

3. Prise en charge hospitalière des enfants

« Après le meurtre d’un parent par l’autre parent, les enfants sont souvent confiés à un proche dans l’urgence, sans qu’un accompagnement spécifique ne soit proposé », alors même qu’ils font face à de « grandes difficultés ». C’est pourquoi le plan entend déployer une expérimentation, actuellement menée en Seine-Saint-Denis, qui prévoit une prise en charge hospitalière de l’enfant de 3 jours à 1 semaine dans un service de pédiatrie et de pédopsychiatrie. Une hospitalisation possible sur ordonnance de placement provisoire du procureur de la République. Durant cette période, les droits de visite des membres

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