Présenté le 15 octobre dernier en conseil des ministres, le projet de loi relatif à la santé vient seulement de commencer son parcours parlementaire. Après avoir été examiné du 17 au 19 mars par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, il doit être débattu par les députés en séance publique à partir du 31 mars. Un débat initialement prévu en janvier, mais qui a été repoussé à plusieurs reprises en raison du bras de fer engagé entre le gouvernement et les professionnels de santé, en particulier sur la question de la généralisation du tiers payant qui doit permettre de dispenser totalement les patients d’avancer les frais de consultation ou de soins. Fermeture des cabinets médicaux, grève des gardes, refus d’utiliser la carte Vitale et, tout dernièrement encore, manifestation devant le ministère de la Santé le 15 mars… les différents acteurs du monde médical sont en effet très remontés contre ce texte. Au cœur de leurs critiques, donc, la généralisation du tiers payant à tous les Français, promesse de campagne du candidat « Hollande » à la présidentielle. Un dispositif qu’ils jugent complexe à mettre en œuvre et qui va, selon eux, entraîner des retards de paiement compte tenu de la multiplicité des acteurs (assurance maladie et des centaines de mutuelles) à solliciter pour se faire rembourser. Mais les professionnels de santé contestent aussi, notamment, le mode d’organisation territoriale des soins de proximité retenu par le projet de loi ainsi que la nouvelle définition du service public hospitalier et la place en son sein du secteur privé lucratif. Pour répondre à leurs inquiétudes, Marisol Touraine a mis en place, le 20 janvier dernier, des groupes de travail sur ces thématiques et, après avoir reçu leurs conclusions, a annoncé le 9 mars, tout en réaffirmant les grandes orientations du texte, que des amendements seront présentés par le gouvernement lors du débat parlementaire pour répondre aux inquiétudes du monde médical.
Le projet de loi relatif à la santé, qui s’inscrit dans le prolongement de la stratégie nationale de santé lancée en septembre 2013 et à l’élaboration de laquelle près de 25 000 personnes ont participé au cours de 160 débats régionaux, est « destiné à changer le quotidien des patients et des professionnels de santé, tout en réformant profondément notre système », a affirmé le ministère de la Santé lors de la présentation du texte en conseil des ministres. Il « procède d’une vision globale et innovante du système de santé qui a atteint un degré de complexité préjudiciable aux patients et aux professionnels eux-mêmes, et appelle une prise en charge globale des déterminants de santé donnant toute sa place à la prévention », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs du texte. Au-delà de la redéfinition de la politique de santé (voir encadré ci-dessous), le projet de loi entend donc « améliorer l’accès de tous à la santé et à des soins de qualité », un accès aux soins « qui pose aussi la question de la proximité, de la permanence des soins et de la répartition territoriale non seulement des services de soins et médico-sociaux, mais également de tous les dispositifs de prévention et de promotion de la santé ». Il s’articule ainsi, selon le ministère, autour de trois axes d’intervention prioritaires :
→ « prévenir avant d’avoir à guérir » avec, par exemple, un accès facilité à la contraception d’urgence dans les collèges et lycées, la possibilité de désigner un médecin traitant pour les enfants, le développement des tests rapides d’orientation diagnostique et des autotests pour le dépistage des maladies infectieuses transmissibles ou encore l’expérimentation des « salles de consommation à moindre risque » pour les usagers de drogues ;
« faciliter la santé au quotidien », grâce notamment à la généralisation du tiers payant, l’encadrement des tarifs des soins dentaires, des prothèses auditives et des lunettes pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé, le renforcement de la lutte contre les refus de soins, la création d’un service public d’information en santé ou encore la représentation obligatoire des usagers dans les instances de gouvernance de toute agence sanitaire nationale ;
« innover pour consolider l’excellence de notre système de santé ». Il s’agit de placer le patient au centre du système de prise en charge via le « parcours de santé », au cœur duquel se situeront les professionnels des soins primaires de premiers recours. Dans cette perspective, le projet de loi prévoit, entre autres, de créer un service public territorial de santé qui, a annoncé la ministre de la Santé le 9 mars, sera rebaptisé « communautés professionnelles territoriales de santé », de renforcer l’organisation territoriale de la santé mentale, de mettre en place des plateformes territoriales d’appui afin d’aider les professionnels pour les parcours de santé complexes et de relancer le dossier médical partagé.
Le projet de loi sera examiné par le Parlement en procédure accélérée, a annoncé Marisol Touraine le 16 mars, c’est-à-dire qu’il ne sera débattu qu’une seule fois dans chaque chambre (Assemblée nationale et Sénat), au lieu de deux. Nul doute qu’il fera l’objet de nombreux amendements au vu non seulement du mécontentement du monde médical, mais aussi des demandes d’aménagements portées tout au long des dernières semaines par de nombreuses associations(1). Tour d’horizon des dispositions du texte pouvant intéresser le secteur social et médico-social, telles qu’elles ont été présentées en conseil des ministres en octobre dernier et en tenant compte des amendements gouvernementaux d’ores et déjà annoncés par la ministre de la Santé.
« Assurer à chaque citoyen des modes de vie favorables à la santé et lui permettre d’exercer un meilleur contrôle sur sa propre santé. » C’est l’un des objectifs du projet de loi, qui aborde notamment la promotion de la santé et l’accès à la contraception d’urgence en milieu scolaire, le suivi des enfants par un médecin traitant, la mise en place de stratégies de prévention innovantes en matière de dépistage des maladies infectieuses ou de réduction des risques pour les usagers de drogues, ou encore l’information et l’accompagnement de l’usager du système de santé.
« En matière de santé, […], tout se joue dès le plus jeune âge », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs. C’est pourquoi, dans le projet de loi, il s’est intéressé à l’école, « lieu essentiel de la promotion de la santé à destination des plus jeunes ». Le texte précise ainsi que les actions de promotion de la santé en milieu scolaire sont conduites par les autorités académiques – en lien avec les agences régionales de santé (ARS) – dans tous les établissements d’enseignement, conformément aux orientations nationales de la politique de santé. « Partant du constat que les inégalités de santé sont influencées par des facteurs multisectoriels, la promotion de la santé se développera ainsi pour tous les enfants et adolescents, quel que soit le lieu de leur scolarisation ou leur état de santé. » Ces actions de promotion de la santé – qui « doivent débuter dès le plus jeune âge et s’échelonner tout au long de la vie scolaire, constituant ainsi un réel “parcours éducatif en santé” » – ont pour objectif de permettre à tous les enfants et adolescents « d’apprendre à prendre soin » de soi et des autres et d’éviter les conduites à risque, explique encore l’exposé des motifs.
Le projet de loi lève les restrictions existantes sur l’accès à la contraception d’urgence des élèves du second degré auprès de l’infirmerie scolaire. Plus précisément, il propose de supprimer la condition de « détresse caractérisée » ainsi que le principe d’une consultation préalable impossible auprès d’un médecin, d’une sage-femme ou d’un centre de planification familiale, aujourd’hui exigés par les textes pour la délivrance de la contraception d’urgence.
« Ces conditions apparaissent à l’usage trop restrictives et créent en pratique des situations fortement inéquitables entre territoires », explique l’exposé des motifs. « Elles sont de nature à retarder l’accès à ce type de contraception, alors même que son efficacité pour prévenir une grossesse non désirée est liée à la rapidité de la prise du médicament. »
La levée de ces restrictions s’inscrit « en pleine cohérence » avec la levée de celles en matière d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) prévue par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité entre les femmes et les hommes(2).
Le projet de loi permet la désignation par les parents d’un médecin traitant pour leurs enfants.
« Aujourd’hui, explique l’exposé des motifs, le suivi de la santé des enfants repose sur les médecins de famille et les pédiatres, mais trop d’enfants, souvent issus des milieux les plus modestes, ne bénéficient d’aucune coordination de leurs soins. » Ainsi, en dehors des assurés et ayants droit âgés de plus de 16 ans, les enfants ne sont actuellement pas incités à être suivis régulièrement par un médecin traitant. Leur parcours de soins n’est organisé qu’autour des examens obligatoires du nourrisson, du calendrier des vaccinations et des examens de médecine scolaire aux âges clés. Pour le gouvernement, « ce constat explique aussi la difficulté à cibler les enfants pour mettre en œuvre les mesures de prévention et les priorités de santé publique qui peuvent les concerner » (prévention de l’obésité, amélioration du suivi vaccinal, lutte contre l’alcool ou la consommation de drogues, etc.).
« En 10 ans, poursuit l’exposé des motifs, pour les adultes, le parcours de soins coordonné, conçu pour renforcer le suivi médical des patients autour d’un médecin traitant, est entré dans les habitudes et a montré son efficacité. » Le projet de loi propose donc d’étendre le dispositif aux enfants de moins de 16 ans pour permettre à un médecin traitant, généraliste ou pédiatre, désigné par les parents ou tuteurs légaux, de suivre régulièrement l’état de santé de ces enfants et de coordonner l’action des autres professionnels de santé chargés de leur prise en charge.
Les obligations et sanctions liées au respect du parcours de soins coordonné pour les adultes ne devraient en revanche pas être transposées (consultation du médecin traitant avant celle d’un autre médecin, moindre remboursement et risque de dépassement en cas de non-respect du parcours). En effet, explique l’exposé des motifs, « la mesure n’a pas vocation à responsabiliser davantage les parents ou tuteurs légaux, mais à renforcer le rôle pivot du médecin traitant, médecin généraliste ou pédiatre ».
Le gouvernement en est convaincu : cette mesure « permettra par exemple de renforcer le dépistage précoce de l’obésité, des troubles de l’apprentissage ou, plus tard, des conduites addictives ». Elle sera complétée par le renforcement de la formation pédiatrique des médecins généralistes qui prendra la forme de stages obligatoires (pédiatrie hospitalière, pédiatrie ambulatoire, protection maternelle et infantile…) pour les internes de médecine générale, assure-t-il.
« Engager une politique de prévention résolue, c’est aussi agir en faveur de ceux qui sont le plus éloignés des soins », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs. Dans cette optique, le projet de loi prévoit de favoriser des « stratégies et outils innovants » permettant aux acteurs de la prévention et de la promotion de la santé d’aller vers tous les publics.
Concrètement, il s’agit en premier lieu de faciliter l’accès au dépistage des personnes les plus exposées et, pour ce faire, de développer la pratique des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et des autotests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH-sida.
Il s’agit également de poursuivre la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogues, et notamment à l’attention des détenus. En effet, « dans les prisons françaises, la prévalence du VIH est de 2 % » (soit 10 fois celle de la population générale) et celle du VHC-hépatite C de 4,8 % (soit 6 fois celle de la population générale).
Enfin, en parallèle, le projet de loi propose de donner une base légale à l’expérimentation d’un nouveau dispositif de réduction des risques auxquels s’exposent les toxicomanes : les « salles de consommation à moindre risque ».
Le projet de loi tend à conforter la pratique des tests rapides d’orientation diagnostique et des autotests pour le dépistage de maladies infectieuses transmissibles.
De plus en plus utilisés pour le dépistage des maladies infectieuses (VIH et VHC), les TROD permettent d’aller au-devant des usagers en délocalisant complètement la biologie dans les lieux qu’ils fréquentent. Ce sont en effet des tests utilisant des dispositifs légers sur carte ou sur bandelettes et qui peuvent être réalisés sur salive. Ils donnent un résultat en moins d’une demi-heure. Le projet de loi ouvre la possibilité qu’ils soient pratiqués par des professionnels de santé ou par du personnel relevant de structures de prévention ou associatives, ayant reçu une formation adaptée.
En outre, « en raison des évolutions techniques prévues à court et moyen termes en matière de TROD pour les hépatites virales B et C et les infections sexuellement transmissibles », le texte permet un recours aux TROD pour le dépistage de l’ensemble des maladies infectieuses transmissibles.
Le projet de loi prévoit également la mise à disposition d’autotests de détection pour les personnes les plus exposées aux maladies infectieuses transmissibles. Réalisés directement par les intéressés, ils sont délivrés sans prescription médicale sous forme de kit. La délivrance devrait à l’avenir pouvoir se faire en pharmacie, mais également au sein d’autres structures et opérateurs afin de pouvoir toucher certaines populations exposées et particulièrement vulnérables. Le texte cite notamment les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), les appartements de coordination thérapeutique ou bien encore les établissements de santé.
Précision du gouvernement dans l’exposé des motifs : « les autotests ne peuvent se substituer à l’offre existante car ils proposent un résultat qui doit être confirmé par un test biologique conventionnel. Leur diffusion doit s’adresser prioritairement aux populations fortement exposées au risque de transmission du VIH, dans le cadre d’une distribution assurée par différents opérateurs pertinents […] à partir des acquis de la mise en place des TROD. » La mise à disposition des autotests devra en outre s’accompagner d’une « promotion plus générale du dépistage du VIH ».
Pour le gouvernement, la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue est « l’un des succès les plus marquants pour la santé publique dans notre pays », en ce qu’elle a « permis de voir la proportion d’usagers de drogues contaminés par le VIH passer de 30 % dans les années 1990 à 10 % en 2011 ». « Ils ne représentent plus que 1 % des diagnostics de séropositivité », ajoute-t-il. Ce succès, explique l’exposé des motifs, « doit être préservé et enrichi », en particulier à l’attention des personnes détenues car « l’injection continue de jouer un rôle essentiel dans la transmission de maladies infectieuses véhiculées par le sang (VIH, VHC), tout particulièrement en prison ».
Le projet de loi entend ainsi conférer à cette politique « un cadre législatif afin de sécuriser juridiquement les actions menées auprès des usagers de drogues, autoriser le nécessaire développement de stratégies d’action innovantes, en tenant compte des dispositions de la loi pénale et, pour ce qui concerne les actions de réduction des risques en détention, des contraintes spécifiques du milieu carcéral ». Concrètement, il procède à une réécriture de l’article L. 3121-4 du code de la santé publique, qui, dans sa future version, définit plus précisément la politique de réduction des risques comme celle qui « vise à prévenir les dommages sanitaires, psychologiques et sociaux, la transmission des infections, la mortalité par surdose liée à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants ». L’article L. 3121-4 remanié préciserait aussi et surtout les actions que permet la mise en œuvre de cette politique. En l’occurrence, des actions visant :
→ à délivrer des informations sur les risques associés à l’usage de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants ;
→ à orienter les usagers de drogues vers les services sociaux, les services de soins généraux, de soins spécialisés afin de mettre en œuvre un parcours de soins adapté à leur situation spécifique et d’améliorer leur état de santé physique et psychique ;
→ à promouvoir et à distribuer des matériels destinés à la réduction des risques ;
→ à promouvoir et à superviser les comportements, les gestes et les procédures de prévention des risques, la supervision consistant à mettre en garde les usagers contre les pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des drogues, afin de prévenir ou de réduire les risques de transmission des infections et les autres complications sanitaires. Le tout, précise le texte, sans aucune participation active aux gestes de consommation.
En dernier lieu, le projet de loi propose d’écrire noir sur blanc que la politique de réduction des risques « s’applique également aux personnes détenues selon des modalités adaptées au milieu carcéral ».
Le projet de loi propose d’expérimenter pendant 6 ans des « salles de consommation à moindre risque » au sein de CAARUD qui seront désignés par arrêté du ministre chargé de la santé.
Selon le texte, il s’agira, concrètement, d’espaces supervisés, dans le respect d’un cahier des charges national, par des professionnels de santé et médico-sociaux assurant aux usagers majeurs de drogues injectables les conditions d’hygiène nécessaires pour éviter les risques infectieux et leur permettant de recevoir conseils et aides spécifiques, notamment en matière d’accès aux soins. Objectifs poursuivis : éviter les complications sanitaires mais aussi « inciter les usagers de drogues à s’orienter vers des modes de consommation à moindre risque et […] les mener vers un processus de substitution ou de sevrage », explique l’exposé des motifs. Dans ces espaces, qui devront, selon le projet de loi, être ouverts dans des locaux distincts de ceux qui sont habituellement utilisés dans le cadre des autres missions des CAARUD, les usagers seront uniquement autorisés à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place. Les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues devront adresser chaque année un rapport sur le déroulement de l’expérimentation au directeur général de l’agence régionale de santé ainsi qu’au ministre chargé de la santé.
Les expériences étrangères – en Allemagne, au Luxembourg, en Espagne, en Suisse – « ont montré que ce dispositif permettait de diminuer les comportements à risque et les overdoses mortelles », ont expliqué les services du ministère de la Santé à l’occasion de la présentation du projet de loi à la presse. « A également été mise en évidence une réduction de l’usage de drogues en public et des nuisances associées. En particulier la présence de matériel d’injection utilisé qui peut être source de contaminations accidentelles. »
Rappelons que le projet d’ouverture de la première salle expérimentale à Paris a été bloqué à l’automne 2013 par le Conseil d’Etat, qui a recommandé au gouvernement d’élaborer au préalable une loi spécifique sur ce sujet(3).
Le projet de loi propose que, à titre expérimental et pour une durée de 5 ans, puissent être mis en œuvre des projets d’accompagnement sanitaire, social et administratif pour les personnes souffrant d’une maladie chronique ou étant particulièrement exposées au risque d’une telle maladie.
Concrètement, cet accompagnement permettrait à ces personnes de « disposer des informations, conseils, soutiens et formations leur permettant de maintenir ou d’accroître leur autonomie, de participer à l’élaboration du parcours de santé les concernant, de faire valoir leurs droits et de développer leur projet de vie ».
Chaque « projet pilote » devrait faire l’objet d’une convention, conforme à un cahier des charges arrêté au niveau national et signée par l’agence régionale de santé et par les acteurs de santé volontaires pour accomplir l’action ou les actions du projet (associations, collectivités locales, etc.).
Où trouver une pharmacie de garde A qui s’adresser lorsqu’un parent est en perte d’autonomie Toutes ces questions restent souvent sans réponse pour la plupart des Français. « Le manque d’information est encore trop souvent un obstacle », a expliqué la ministre de la Santé le 19 juin dernier, en présentant les grandes orientations du projet de loi.
Face à ce constat et dans le droit fil des réalisations récentes, telles que la base de données publique des médicaments, le texte propose de créer un « service public d’information en santé » – sorte de « GPS en santé », selon Marisol Touraine – censé permettre aux usagers de mieux s’orienter dans le système de santé.
Sa mission, plus précisément : diffuser largement et gratuitement des informations relatives à la santé. Et permettre ainsi, par exemple, de « trouver un professionnel de santé, un laboratoire de biologie médicale à proximité, un spécialiste adapté à son besoin, mais aussi de se renseigner sur la prévention et les moyens de rester en bonne santé, d’en savoir plus sur une pathologie, de connaître ses droits, de se renseigner sur un traitement, de s’informer face à une menace épidémique, etc. »
Constitué avec le concours des caisses nationales d’assurance maladie (CNAM, CMSA…), de la caisse nationale de solidarité et de l’autonomie, des agences et autorités compétentes dans le champ de la santé publique et des agences régionales de santé, il devrait se mettre en place au niveau national et prendrait la forme d’une plateforme multimédia (web, mobile, téléphonique…) facilement accessible et à jour.
Le projet de loi propose que, en plus du numéro national d’aide médicale urgente (le 15), un numéro harmonisé national de permanence des soins soit mis en place. « Aujourd’hui, la multiplicité sur le territoire national des numéros d’appels, différents dans chaque département, permettant d’accéder au médecin de garde (numéro 15, numéros à 10 chiffres, à 4 chiffres) nuit à la lisibilité du dispositif de permanence des soins ambulatoires », explique l’exposé des motifs. D’où la volonté du gouvernement de mettre en place un numéro d’appel facilement mémorisable et identifié, permettant à la personne d’entrer en contact avec un médecin de garde. Le projet de loi renvoie à un décret le soin d’en définir les caractéristiques, tout en laissant ouverte la possibilité d’accéder aux médecins de permanence via les numéros des associations de permanence disposant d’une plateforme d’appels interconnectée avec le 15, voire directement par le 15 lorsque c’est le numéro unique retenu.
Le gouvernement devrait être autorisé à créer, par ordonnance, un Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique. Issu de la fusion de l’Institut de veille sanitaire, de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé et de l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, cet établissement – actuellement en phase de préfiguration, selon le ministère de la Santé – reprendrait les missions de ces trois agences en matière de prévention, de promotion de la santé et de participation sociale, de surveillance et d’observation de l’état de santé de la population, de veille et d’alerte ainsi que de préparation et de réponse aux crises sanitaires. Il permettrait, selon l’exposé des motifs, de prendre en charge des « missions aujourd’hui mal couvertes comme la conception et l’évaluation des interventions de santé ».
Le projet de loi comporte des dispositions ayant pour ambition d’« éliminer les barrières financières à l’accès aux soins », explique l’exposé des motifs. A cet effet, il propose notamment d’étendre à tous les Français le bénéfice du tiers payant – qui dispense les patients d’avancer les frais –, de renforcer la lutte contre les refus de soins et de faire bénéficier les titulaires de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé de tarifs réglementés pour certaines prestations.
Le gouvernement veut organiser, pour les soins de ville, la généralisation du tiers payant afin d’éviter le renoncement aux soins d’environ un tiers de la population aujourd’hui. Une disposition inspirée d’un rapport de 2013 de l’inspection générale des affaires sociales(4) et qui a provoqué l’ire des acteurs de la santé, au point que la ministre de la Santé a annoncé, le 9 mars, que cette généralisation – initialement prévue pour le 1er janvier 2017 – se ferait finalement par étapes et selon un calendrier plus étalé. Des modifications qui seront intégrées par la voie d’un amendement gouvernemental au cours du débat parlementaire.
« Si la pratique du tiers payant s’est peu à peu développée, notamment au profit des personnes ayant les revenus les plus faibles ou pour les actes les plus coûteux, elle demeure appliquée de manière très disparate », relève l’étude d’impact du projet de loi. Le tiers payant peut, selon les cas, soit concerner l’intégralité des frais engagés par l’assuré et pris en charge par les régimes de base de la sécurité sociale et les organismes de protection complémentaire (assurances, mutuelles…), soit uniquement la part de ces frais pris en charge par les régimes de base. « Cette situation résulte tout à la fois de la diversité des textes qui encadrent cette pratique lorsque le tiers payant est obligatoire, et, en dehors de ces obligations, de la volonté des praticiens d’offrir ce service à leurs patients », explique l’étude d’impact. Ainsi, actuellement, le tiers payant s’applique de plein droit :
→ sur l’intégralité de la dépense (part « base » ainsi que, le cas échéant, part « complémentaire ») pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou de l’aide médicale de l’Etat (AME) et pour les personnes prises en charge au titre du régime des accidents du travail et maladies professionnelles ;
→ uniquement pour la part des dépenses remboursée par la sécurité sociale pour les soins dispensés dans les établissements de santé ou centres de santé, pour les transports sanitaires conventionnés et pour les soins délivrés aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire de santé (ACS). Rappelons que, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, les patients bénéficiaires de l’ACS pourront également, à partir du 1er juillet prochain, bénéficier du tiers payant pour la partie des frais remboursée par les organismes de complémentaire santé.
La convention médicale prévoit également la possibilité d’appliquer le tiers payant en cas d’actes coûteux, dans le cadre d’accords locaux ou en fonction de la situation financière de l’assuré. Enfin, les médecins et les sages-femmes sont également tenus de pratiquer le tiers payant sur la part prise en charge par les régimes de base pour les consultations ayant pour objet la délivrance d’un contraceptif aux mineures d’au moins 15 ans. Certains acteurs du système de santé – tels que les pharmaciens et les laboratoires d’analyses médicales – ont aussi fait le choix de développer très fortement cette pratique parallèlement au déploiement de la carte Vitale et à la dématérialisation des feuilles de soins, indique encore l’étude d’impact. Mais chez les médecins libéraux, « l’avance de frais continue d’être la règle ». « En 2012, 34,9 % des actes effectués par les médecins libéraux faisaient l’objet de tiers payant. Dans la grande majorité des cas, la pratique du tiers payant est alors cantonnée à la seule part obligatoire : 6 % des médecins de ville pratiquaient le tiers payant sur la part complémentaire en 2013, laissant donc aux patients des sommes parfois importantes à avancer », illustre le gouvernement dans l’étude d’impact.
Le projet de loi relatif à la santé prévoit donc de passer à une nouvelle étape dans la mise en œuvre du tiers payant. A cet effet, il appartiendra aux représentants des professionnels de santé – médecins, chirurgiens dentistes, sages-femmes, auxiliaires médicaux et directeurs de laboratoires – de définir, dans le cadre des conventions conclues avec l’assurance maladie, les modalités permettant de dispenser l’assuré social de payer directement :
→ la part des honoraires prise en charge par l’assurance maladie. Cette possibilité ne serait toutefois pas offerte aux assurés n’ayant pas choisi de médecin traitant ou qui consultent un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant ;
→ le cas échéant, la part des honoraires à la charge des organismes d’assurance maladie complémentaire (assurances, mutuelles), lorsqu’un tel mécanisme de tiers payant est mis en place par ces organismes.
Le même principe est posé pour les pharmaciens – même si cette pratique est déjà répandue auprès de ces professionnels – et pour les centres de santé, pour la part des dépenses prises en charge par les organismes de protection complémentaire.
Initialement, le projet de loi prévoyait que la généralisation du tiers payant serait