Les maux qui frappent le système d’asile français sont connus et ont été analysés dans de nombreux rapports(1) : sous-dimensionnement juridique et matériel empêchant le dispositif d’absorber facilement les pics de demandes, allongement des délais de traitement, charge accrue sur le parc d’hébergement obligeant les pouvoirs publics à développer un hébergement d’urgence dédié voire à recourir à l’hébergement d’urgence de droit commun (créant ainsi une inégalité de traitement entre demandeurs d’asile difficilement justifiable et mise en cause par les instances européennes).
Le gouvernement considère qu’une chance se présente aujourd’hui pour remédier à cette situation, à travers la nécessité de transposer d’ici à juillet 2015 deux directives européennes adoptées en 2013 et impactant fortement à la fois les procédures juridiques et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile : la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 dite directive « procédures » et la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 dite directive « accueil »(2). Les pouvoirs publics entendent ainsi « saisir cette occasion et utiliser à plein les facultés ouvertes par ces textes pour réformer en profondeur le droit de l’asile », explique l’exposé des motifs du projet de loi présenté par le ministre de l’Intérieur le 23 juillet dernier en conseil des ministres. Préparé en grande partie par son prédécesseur Place Beauvau, Manuel Valls, le texte entend plus précisément agir selon deux axes : améliorer encore la protection des personnes réellement en besoin d’une protection internationale et permettre plus facilement au dispositif d’écarter rapidement la demande d’asile infondée, tout en renforçant l’équité et la transparence des procédures.
Le projet de loi est aussi l’occasion de transposer la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dite directive « qualification » qui, pour l’essentiel, accroît le niveau de protection des personnes en ce qui concerne l’éligibilité à la protection internationale en précisant en particulier les modalités d’évaluation de la capacité de protection et en précisant les conditions de l’asile interne ainsi que de la cessation de la protection. Cette directive renforce également les droits, notamment de séjour, économiques et sociaux attachés à cette protection(3).
Concrètement, le projet de loi propose d’agir sur les procédures applicables devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il développe par exemple au bénéfice de l’office les modalités procédurales, permises par le droit européen, qui permettent d’écarter plus facilement les demandes les moins fondées comme la nouvelle procédure accélérée qui doit remplacer la procédure prioritaire actuelle. Au passage, la notion de pays d’origine sûr – qui resterait l’un des critères de placement en procédure accélérée – serait mise en œuvre selon des critères se voulant plus objectifs et précis.
Dans un autre chapitre, le projet de loi apporte plusieurs modifications substantielles à la procédure en rétention, en maintenant un traitement accéléré par l’OFPRA mais assorti de deux tempéraments : un recours suspensif et la possibilité pour l’OFPRA d’obtenir la fin de la rétention du demandeur s’il estime ne pas pouvoir statuer dans les délais prévus. Des modifications sont également apportées à la procédure d’asile à la frontière.
Le projet de loi a encore pour ambition de rendre les conditions d’accueil des demandeurs d’asile plus justes et plus équitables – avec notamment la reconnaissance d’un droit au maintien sur le territoire jusqu’à la fin de la procédure pour tous les demandeurs d’asile y compris en cas de contentieux – mais aussi, comme le dit l’exposé des motifs, « plus directives » avec en particulier la mise en place d’un dispositif d’hébergement contraignant permettant d’affecter le demandeur d’asile dans une autre région que celle où il se présente. De nouvelles garanties procédurales sont par ailleurs prévues, comme l’examen de la vulnérabilité du demandeur et l’adaptation en conséquence des conditions d’accueil et des modalités d’examen de l’OFPRA ou bien encore la présence d’un tiers à l’entretien devant l’office, accompagnant le demandeur.
Le projet de loi modifie aussi les procédures contentieuses qui, rappelle l’exposé des motifs, « sont aujourd’hui un des éléments de l’allongement des délais ». Il propose par exemple une procédure de jugement à juge unique, en un mois, des dossiers ayant fait l’objet d’une procédure accélérée devant l’OFPRA – ce recours ayant un caractère suspensif, « ce qui constitue une garantie nouvelle ». Le délai de jugement en procédure normale imparti à la Cour nationale du droit d’asile devrait en outre être fixé à 5 mois.
Enfin, le texte essaye de mieux définir et renforcer les droits du bénéficiaire de la protection en matière d’accès aux droits, de réunification familiale et de documents de voyage.
Ce projet, explique l’exposé des motifs, « s’efforce ainsi de respecter un équilibre entre l’extension des protections et la création d’instruments diversifiés permettant d’accélérer les délais et de lutter contre les détournements de procédure ». A terme, affirme-t-il, « l’objectif est d’assurer l’extension des garanties pour l’ensemble des demandeurs d’asile », une « décision définitive dans un délai de 9 mois dans le droit commun » – « 3 mois pour les procédures accélérées » – et « l’hébergement des demandeurs d’asile dans des conditions identiques ».
La date d’examen du projet de loi reste pour le moment incertaine.
Dans son premier chapitre, le projet de loi vise à clarifier les conditions dans lesquelles la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire peut être reconnu, en prenant directement appui sur les dispositions tirées de la directive « qualification ».
Consacrant la jurisprudence et la pratique en vigueur, le texte insère dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et de l’asile (Ceseda) une définition des actes et des motifs de persécution ouvrant droit au statut de réfugié, en renvoyant aux définitions contenues dans la directive européenne de 2011. Il précise également la notion de lien entre les motifs et les actes de persécution – « pour que la qualité de réfugié soit reconnue, il doit exister un lien entre l’un des motifs de persécution et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes » – ainsi que la notion d’imputabilité et les conditions d’exclusion ou de cessation du statut de réfugié. Lorsqu’elle examine si le demandeur craint avec raison d’être persécuté, « l’autorité compétente doit ainsi considérer de façon identique le demandeur qui possède effectivement les caractéristiques à l’origine des persécutions qu’il invoque et celui auquel ces caractéristiques sont imputées par l’auteur des persécutions ».
On signalera également que, dans un but de clarification du droit, le projet de loi inscrit dans le Ceseda certaines dispositions de la convention de Genève relatives aux clauses d’exclusion et aux clauses de cessation du statut de réfugié, en les assortissant de précisions.
Le projet de loi modifie également la définition même de la protection subsidiaire – statut accordé à une personne qui ne bénéficie pas de celui de réfugié mais qui est exposée dans son pays à une des formes de danger visées par la loi – pour mieux la faire coïncider avec les termes de la directive de 2011. La protection devrait ainsi être accordée dorénavant à la personne pour laquelle « il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes » :
→ la peine de mort « ou une exécution » ;
→ s’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence « aveugle » résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.
Il ne serait plus fait référence, comme actuellement, aux menaces de torture, peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Toujours en suivant les dispositions de cette directive, le texte revient également sur les cas d’exclusion de la protection subsidiaire pour préciser ce qu’il faut entendre par personnes ayant commis des crimes ou des agissements passibles d’exclusion. Il s’agit de personnes « qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices » de ces crimes ou agissements, « ou qui y sont personnellement impliquées ».
Le projet de loi prévoit par ailleurs un nouveau cas de refus de la protection subsidiaire : elle devrait ainsi être refusée s’il existe des raisons sérieuses de penser, d’une part, que la personne « a commis avant son entrée en France un ou plusieurs crimes » n’entrant pas dans les cas d’exclusion prévues par la loi mais « qui seraient passibles d’une peine de prison s’ils avaient été commis en France », et, d’autre part, « qu’elle n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper à des sanctions résultant de ces crimes ».
Le texte précise encore les raisons pour lesquelles il peut être mis fin à la protection subsidiaire : l’OFPRA peut ainsi notamment mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire « lorsqu’il apporte la preuve que les circonstances ayant justifié l’octroi de la protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et non provisoire pour que celle?ci ne soit plus requise ». Une exception à ce type de cessation est toutefois introduite : l’OFPRA ne pourrait, dans ce cadre, mettre fin à la protection si « son bénéficiaire peut invoquer des raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures pour refuser de se réclamer de la protection de son pays ».
Conformément à la directive « qualification », l’article 4 du projet de loi donne une nouvelle définition des acteurs susceptibles d’offrir une protection (statut de réfugié ou protection subsidiaire). Ainsi, alors que le Ceseda évoque actuellement simplement « les autorités de l’Etat et les organisations internationales et régionales », le texte ajoute à cette liste « les partis ». Et précise que, pour tous, il doit s’agir d’acteurs contrôlant « l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ».
Autre nouveauté : l’article ajoute que la protection subsidiaire accordée doit être « effective et non temporaire ». Il précise également les modalités d’appréciation de celle-ci. Ainsi, une telle protection « est en principe assurée lorsque les autorités concernées prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, en particulier lorsqu’elles disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection ».
Des modifications sont également introduites autour des conditions de mise en œuvre de « l’asile interne », situation dans laquelle un demandeur d’asile peut voir sa demande rejetée car il aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine. Conformément à l’article 8 de la directive de 2011, qui rejoint les exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), le projet de loi précise que la demande d’asile peut être rejetée dans une telle hypothèse si la personne concernée « peut, légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle s’y établisse ».
Le texte propose également de créer un nouvel article dans le Ceseda autour des risques découlant notamment d’activités exercées après le départ du pays d’origine (là encore conformément à la directive). Il précise ainsi que « les craintes de persécutions prises en compte dans l’octroi de la qualité de réfugié et le risque réel de subir des atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être fondées sur des événements survenus après que le demandeur d’asile a quitté son pays d’origine ou à raison d’activités qu’il a exercées après son départ du pays, notamment s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans son pays ».
Le deuxième chapitre du projet de loi porte sur la procédure d’examen des demandes d’asile. Tout en préservant les principes qui président à l’organisation de l’OFPRA et à l’examen des demandes, il apporte plusieurs modifications qui rénovent profondément la procédure. La plupart résultent de la transposition des directives européennes « procédures » et « accueil ». « Les garanties sont renforcées et simultanément, dans un souci d’équilibre et d’efficacité […], des outils nouveaux sont mis en place », assure l’exposé des motifs.
Deux sections du chapitre sont par ailleurs consacrées à la procédure d’asile à la frontière pour l’une et à la procédure en rétention pour l’autre.
Les articles 5 et 6 du projet de loi visent à conforter l’impartialité et la qualité du processus de décision de l’OFPRA.
L’article 5 consacre ainsi dans la loi le principe d’indépendance dans les décisions d’attribution de la protection. L’OFPRA, indique-t-il, « ne reçoit aucune instruction » dans l’exercice de ses missions. En outre, « l’anonymat des agents […] chargés de l’instruction des demandes d’asile et de l’entretien personnel des demandeurs est assuré ». Il s’agit d’une dérogation à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Pour le gouvernement, elle est « nécessaire pour garantir une instruction sereine et impartiale et mettre à l’abri de toutes pressions » les officiers de protection. Elle « ne met nullement en cause le principe selon lequel le signataire de la décision est clairement identifié », explique-t-il dans l’exposé des motifs.
Enfin, pour que l’office puisse prendre ses décisions en toute connaissance de la situation réelle des demandeurs d’asile ou des personnes auxquelles il a accordé l’asile, le projet de loi permet à l’autorité judiciaire de communiquer à l’OFPRA (et à la CNDA), sur demande ou d’office, toute indication qu’elle peut recueillir pouvant faire présumer l’existence d’un motif d’exclusion du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire ou la nature frauduleuse d’une demande d’asile.
Afin d’améliorer les modalités de désignation, par le conseil d’administration de l’OFPRA, des pays considérés comme des pays d’origine sûrs, l’article 6 du projet de loi propose d’adopter une définition plus conforme à la directive « procédures ». Et fait ainsi indiquer, noir sur blanc, que l’office fixe la liste de ces pays « dans les conditions et selon les critères prévus par l’article 37 et l’annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ».
Le conseil d’administration, ajoute-t-il, « veille à l’actualité et à la pertinence des inscriptions » sur la liste. « Les dispositions réglementaires prévoiront la possibilité de délibérations électroniques en cas de situation d’urgence », précise l’exposé des motifs.
Autre nouveauté : le conseil d’administration de l’OFPRA devrait pouvoir radier de la liste les pays ne remplissant plus les critères pour être considérés comme sûrs et pouvoir en suspendre l’inscription « en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays ».
Le gouvernement s’est notamment fixé pour objectif, avec le projet de loi, d’assurer dans les modalités d’examen des demandes d’asile un juste équilibre entre garanties des droits et efficacité, afin d’assurer des délais d’examen rapides et d’apporter des réponses aux demandes manifestement étrangères à un besoin de protection. Quatre séries de mesures s’inscrivent dans cet objectif.
En premier lieu, le texte maintient – tout en le rénovant profondément – le dispositif d’examen prioritaire de certaines demandes d’asile et qui serait désormais dénommé « procédure accélérée ». Cette procédure viserait les cas où la demande peut apparaître manifestement étrangère à un besoin de protection.
Le projet de loi en prévoit plusieurs. En vertu de la loi pour certains, à l’initiative de l’autorité préfectorale ou de celle de l’OFPRA pour d’autres.
L’office devrait ainsi statuer en procédure accélérée automatiquement lorsque :
→ le demandeur provient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr ;
→ le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable.
Innovation autorisée par la directive « procédures », l’OFPRA pourrait par ailleurs, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée lorsque le demandeur :
→ a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
→ n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions d’octroi de l’asile ;
→ a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d’origine.
Enfin, la procédure accélérée pourrait également être mise en œuvre par décision de l’autorité préfectorale sur la base de critères autorisés par la directive et que le projet de loi redéfinit pour garantir qu’il s’agisse de critères extérieurs à la qualité intrinsèque de la demande :
→ refus de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales ;
→ présentation de faux documents d’identité ou de voyage, fausses indications, dissimulation des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités, ou bien encore présentation de plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
→ demande d’asile tardive (non-présentation, sans raison valable, de la demande dans le délai de 90 jours à compter de son entrée en France) ;
→ demande d’asile présentée en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente ;
→ ordre public (l’intéressé constitue, de par sa présence en France, une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat).
Ces dispositions devraient se conjuguer avec une garantie nouvelle fondamentale : la possibilité pour l’OFPRA de reclasser en « procédure normale » la demande initialement classée en « procédure accélérée » par application de la loi ou sur l’initiative de l’autorité préfectorale, chaque fois que cela lui apparaît nécessaire au vu de la demande individuelle, pour assurer un examen approprié.
Conséquence de toutes ces dispositions, le classement en procédure accélérée ne pourra plus être contesté que devant le juge de l’asile, à l’occasion du recours au fond contre la décision de l’office rejetant la demande d’asile.
( A noter ) Le projet de loi prévoit que la procédure accélérée ne pourra être mise en œuvre à l’égard de mineurs non accompagnés que dans des cas limités (pays d’origine sûrs, demande de réexamen recevable ou présence en France constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat). De plus, s’il devait considérer que le demandeur d’asile nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l’examen de sa demande en procédure accélérée – « en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité » –, l’OFPRA pourrait décider de ne pas statuer ainsi.
Le projet de loi permet à l’OFPRA de définir, pendant toute la durée de la procédure d’instruction de la demande d’asile, les « modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaire pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa situation particulière, de sa minorité ou de sa vulnérabilité ».
Le projet de loi permet par ailleurs à l’office de statuer « par priorité » :
→ sur les demandes manifestement fondées ;
→ sur celles qui sont présentées par des personnes vulnérables identifiées comme ayant des besoins particuliers en matière d’accueil ou comme nécessitant des modalités particulières d’examen, notamment lorsqu’il s’agit de mineurs non accompagnés.
Le projet de loi définit les modalités d’instruction de la demande d’asile en assurant l’effectivité de certaines dispositions figurant dans la directive « qualification ». Ces dispositions participent d’une double exigence de respect des directives européennes et de lisibilité de la procédure d’examen, résume le gouvernement dans l’étude d’impact du texte. Elles précisent les obligations de coopération qui incombent au demandeur et les modalités d’évaluation des craintes de persécution ou d’atteintes graves.
Le texte pose le principe de coopération du demandeur d’asile à l’évaluation de sa demande, qui implique l’obligation pour l’intéressé d’apporter tous les éléments nécessaires pour étayer sa requête. « Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d’asile », indique ainsi le projet de loi. « Ces éléments correspondent à ses déclarations et à tous les documents dont il dispose concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays ainsi que les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire ainsi que les raisons justifiant sa demande. »
L’OFPRA, quant à lui, devrait évaluer, « en coopération avec le demandeur », les éléments pertinents de la demande.
L’OFPRA devrait statuer sur la demande « en tenant compte de la situation prévalant dans le pays d’origine à la date de sa décision, de la situation personnelle et des déclarations du demandeur, des éléments de preuve et d’information qu’il a présentés ainsi que, le cas échéant, des activités qu’il a exercées depuis le départ de son pays d’origine et qui seraient susceptibles de l’exposer dans ce pays à des persécutions ou des atteintes graves ». Il devrait tenir compte également, le cas échéant, « du fait qu’il est raisonnable de considérer que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité ».
Par ailleurs, le fait que le demandeur a déjà fait l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ou de menaces directes devrait à l’avenir constituer « un indice sérieux du caractère fondé des craintes du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas ».
Dans l’hypothèse où une partie de ses déclarations ne serait pas étayée par des éléments de preuve, il ne serait pas exigé du demandeur d’autres éléments de justification si :
→ d’une part, ayant présenté dès que possible – sauf motif légitime avéré – sa demande, il s’était « réellement efforcé de l’étayer en présentant tous les éléments à sa disposition et en expliquant de façon satisfaisante l’absence d’autres éléments probants » ;
→ d’autre part, la crédibilité générale du demandeur étant établie, ses déclarations étaient considérées comme « cohérentes et plausibles » et n’étaient pas contredites par des informations dont disposerait l’office.
Le projet de loi prévoit par ailleurs la possibilité pour l’OFPRA de demander à la personne qui sollicite l’asile de se soumettre à un examen médical, en précisant que les frais liés à cet examen sont couverts par l’assurance maladie dans les conditions de droit commun. Le fait que l’intéressé refuse de se soumettre à cet examen médical ne ferait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande.
Transposant des dispositions de la directive « procédures » de 2013, le projet de loi propose de revoir les conditions de l’entretien personnel du demandeur d’asile. Il généralise ainsi largement l’obligation pour l’OFPRA de convoquer le demandeur à un entretien (ainsi que celle, pour l’intéressé, de s’y présenter effectivement et de répondre personnellement aux questions qui lui sont posées). Le texte prévoit toutefois que l’office puisse se dispenser de l’entretien s’il apparaît :
→ qu’il s’apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ;
→ que des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l’intéressé, interdisent de procéder à l’entretien.
Il précise également noir sur blanc que l’absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué à un entretien, ne fait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande (en l’occurence, l’intéressé s’exposerait néanmoins à une décision de clôture d’examen, voir page 63).
Le texte clarifie par ailleurs les règles en ce qui concerne la langue utilisée. Ainsi, il spécifie que l’étranger doit être entendu dans la langue de son choix, « sauf s’il existe une autre langue qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement ».
Autre nouveauté, présentée comme « une innovation majeure » : la possibilité pour le demandeur d’être assisté par un conseil. « Cette disposition, qui découle d’une obligation du droit européen, participe d’un souci d’amélioration de la transparence du processus de décision et de renforcement des droits de la personne », insiste le gouvernement dans l’exposé des motifs. Concrètement, le projet de loi prévoit ainsi que le demandeur peut se présenter à l’entretien « accompagné d’un avocat ou d’un représentant d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile ». « Au cours de l’entretien, l’avocat ou le représentant de l’association peut prendre des notes. A la fin de l’entretien, [il] peut, à sa demande, formuler des observations. » Précision importante : « l’absence d’un avocat ou d’un représentant d’une association n’empêche pas l’office de mener un entretien avec le demandeur ».
On notera encore que, conformément à la directive « procédures », le projet de loi prévoit la transcription de l’entretien et sa communication au demandeur d’asile. Renvoyant toutefois à un décret le soin d’en fixer les conditions.
Le projet de loi introduit dans le droit français des procédures nouvelles qui sont prévues par la directive « procédures » du 26 juin 2013 et concernent l’irrecevabilité, le retrait implicite d’une demande d’asile et le traitement des demandes de réexamen. Elles « permettront de traiter plus rapidement et plus efficacement certaines situations spécifiques qui ne justifient pas un examen au fond analogue à celui qui est diligenté de manière générale », explique le gouvernement dans l’étude d’impact du texte.
Le projet de loi autorise l’OFPRA à prendre une décision d’irrecevabilité « sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies » lorsque le demandeur bénéficie de manière effective d’une protection internationale dans un autre Etat membre ou sous certaines conditions, dans un Etat tiers. Cette disposition « vise à un traitement rapide de demandes présumées abusives car présentées par des étrangers bénéficiant déjà d’une protection internationale »… tout en préservant les droits des personnes, explique l’exposé des motifs. Les cas d’application sont ainsi strictement définis par le texte :
→ lorsque le demandeur bénéficie d’une protection au titre de l’asile dans un Etat membre de l’Union européenne ;
→ lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ;
→ en cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue de l’examen préliminaire prévu par le projet de loi pour ce type de demande (voir page 64), il apparaît que cette demande ne repose sur aucun élément nouveau.
En outre, l’OFPRA conserverait toujours la faculté d’examiner la demande présentée par un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection pour un autre motif.
Transposant deux dispositions de la directive « procédures », le projet de loi introduit deux nouveaux articles dans le Ceseda relatifs aux cas de retraits explicites ou implicites d’une demande d’asile. Présenté, là encore, comme une « innovation en droit français », le mécanisme vise à « apporter une réponse rapide et efficace à l’égard de certains demandeurs d’asile qui, de manière caractérisée, manquent à leur devoir de coopération avec les autorités auprès desquelles ils revendiquent une protection et les mettent dans l’impossibilité de statuer de manière éclairée », explique l’exposé des motifs.
L’OFPRA serait ainsi autorisé à prendre une décision de clôture d’examen dans quatre séries d’hypothèses, strictement définies :
→ le demandeur l’a informé du retrait de sa demande d’asile ;
→ « de manière délibérée et caractérisée », l’intéressé « refuse de fournir des informations essentielles au traitement de sa demande, en particulier concernant son identité » ;
→ le demandeur n’a pas introduit sa demande à l’office dans les délais impartis, ou, sans justifi