Le secteur social et médico-social n’échappe pas au droit du travail, et donc aux litiges découlant de son application. Ces derniers mois, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu de nombreux arrêts en la matière. Certaines des solutions dégagées par la plus haute juridiction judiciaire sont spécifiques à des structures du fait d’une réglementation spéciale, comme par exemple celles concernant la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats « d’usage » conclus entre une association intermédiaire et les personnes qu’elle met à disposition. D’autres ont une portée générale et peuvent donc trouver à s’appliquer dans n’importe quel type de services, d’établissements ou d’associations.
Dans deux arrêts du 23 mai 2013, la Cour de cassation a complété sa jurisprudence sur la requalification en contrat à durée indéterminée (CDI) de droit commun du contrat conclu entre une association intermédiaire et un salarié mis à disposition.
Une association intermédiaire (AI) peut mettre une personne sans emploi à disposition d’une personne physique, sans limitation de durée, mais uniquement pour des activités ne relevant pas de l’exercice professionnel de cette dernière. En cas de non-respect de cette règle, le salarié mis à disposition peut faire valoir auprès de l’utilisateur les droits tirés d’un contrat à durée indéterminée. C’est la solution dégagée par la Cour de cassation le 23 mai dernier (Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-10.002) (1).
Les faits sont les suivants : une femme est engagée le 8 mars 2004 par une association intermédiaire dans le cadre de 140 « contrats d’usage » à durée déterminée et à temps partiel pour être mise à disposition d’un couple, en qualité de femme de ménage. Elle a ainsi effectué, pendant presque 6 ans, des travaux de ménage au domicile du couple mais aussi au cabinet d’infirmière de la femme qui était installé à ce même domicile. La femme la congédie le 1er février 2010 « au motif que sa maison était sale et qu’elle voulait se passer de ses services ». L’intéressée poursuit alors les deux membres du couple « utilisateurs » devant le conseil de prud’hommes en faisant valoir que, en réalité, c’étaient eux ses employeurs : elle demande la requalification de la relation de travail en CDI à l’égard de ces deux personnes et leur condamnation à lui payer diverses sommes au titre de la rupture de ce contrat (indemnité de requalification, de préavis et de licenciement, congés payés afférents…). Elle obtient gain de cause devant le conseil de prud’hommes mais la cour d’appel, en revanche, la déboute de ses demandes estimant que c’est l’association intermédiaire qui est son seul employeur et qu’elle ne peut donc faire valoir auprès de celle-ci les droits tirés d’un CDI.
La Cour de cassation, elle, va donner raison à la femme de ménage en s’appuyant sur les articles L. 5132-7 et L. 5132-9 du code du travail. Selon le premier de ces textes, les associations intermédiaires sont des associations conventionnées par l’Etat ayant pour objet l’embauche des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, en vue de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant à titre onéreux à disposition de personnes physiques ou de personnes morales. Le second article, lui, fixe des limites à la durée de la mise à disposition, des limites qui « ne sont pas applicables en cas de mise à disposition auprès de personnes physiques pour des activités ne ressortissant pas à leurs exercices professionnels ». Pour la Haute Juridiction, en statuant comme elle l’a fait, « alors qu’elle avait constaté que la salariée avait occupé pendant près de 6 années, de manière permanente, un emploi de femme de ménage au domicile [du couple] où était également installé le cabinet d’infirmière de [la femme du couple] », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.
(A noter) En 2011, la Cour de cassation avait déjà admis qu’une personne ayant exercé, pendant plusieurs années consécutives, les mêmes fonctions au service de la même entreprise par le biais de mises à disposition par plusieurs associations intermédiaires, puisse faire valoir, auprès de l’entreprise utilisatrice, les droits tirés d’un CDI (2). Les Hauts Magistrats ont en effet considéré que l’intéressé occupait, dans les faits, un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice, et non pas une tâche précise et temporaire comme le prévoit l’article L. 5132-9 du code du travail pour une mise à disposition auprès d’une personne morale à but lucratif (Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-43.290).
Dans une seconde affaire également jugée le 23 mai dernier, la Cour de cassation a cette fois admis la possibilité de requalifier en CDI le contrat conclu entre une association intermédiaire et une personne mise à disposition au motif que cette dernière n’avait pas reçu de la part de l’AI le suivi et l’accompagnement exigés par la loi (Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-14.027).
En l’espèce, une femme est embauchée le 10 septembre 1994 par une association intermédiaire et mise à disposition, via plusieurs contrats successifs, auprès de particuliers pour y effectuer des tâches ménagères de manière régulière et continue. En 2009, elle saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes, et en particulier de la requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein et au paiement de diverses sommes afférentes (rappels de salaires, indemnité de requalification…). Elle fait notamment valoir qu’elle se tient à la disposition de son employeur à temps plein et reproche à l’association intermédiaire de ne pas lui avoir assuré une formation suffisante. Arguments rejetés par la cour d’appel dans un arrêt du 14 décembre 2011.
Pour les juges du fond, tout d’abord, les contrats signés avec l’association intermédiaire ne sont ni des contrats à durée déterminée ni des contrats à durée indéterminée de droit commun. Ce sont des contrats autonomes, avec leurs propres règles résultant des dispositions des articles L. 5132-7 et suivants et R. 5132-11 et suivants du code du travail. Ainsi, explique la cour d’appel, la requérante peut refuser d’accomplir la mission qui lui est présentée, comme l’utilisateur peut refuser d’utiliser ses services. La salariée peut en outre refuser un volume d’heures ou un créneau horaire qui ne lui convient pas. En conséquence, elle « ne peut affirmer qu’elle se tient à la disposition de son employeur à temps plein ». S’agissant de l’absence de formation invoquée par l’intéressée, les juges d’appel relèvent que l’AI a remis à cette dernière « un certificat de validation de ses compétences professionnelles qui est de nature à faciliter son engagement par d’autres employeurs » et que le nombre d’heures travaillées, en constante progression depuis son embauche, passant de 18 heures par mois en moyenne en 1994 à 82 heures par mois en 2009, « permet d’affirmer que son insertion professionnelle était réalisée ».
Déboutée par la cour d’appel, l’intéressée saisit alors la Cour de cassation, qui lui donne raison en ne répondant toutefois que sur la question du suivi et de l’accompagnement de la salariée. La Haute Juridiction commence en effet par énoncer que « l’obligation pour l’association intermédiaire d’assurer l’accueil ainsi que le suivi et l’accompagnement de ses salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle durable constitue une des conditions d’existence de ce dispositif d’insertion par l’activité professionnelle à défaut de laquelle la relation de travail doit être requalifiée en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée ». Or, pour les magistrats, « l’augmentation du nombre d’heures travaillées et la délivrance d’un certificat de validation des compétences professionnelles ne sont pas de nature à établir que l’association intermédiaire a accompli sa mission d’assurer l’accompagnement de la salariée en vue de favoriser une réinsertion professionnelle durable ». L’arrêt de la cour d’appel est donc annulé.
Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail doivent être communiqués aux salariés à temps partiel avant le premier jour de chaque mois. A défaut, cela fait présumer que l’emploi est à temps complet. Telle est la position de la Cour de cassation, exprimée dans un arrêt du 20 février dernier (Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-24.012).
En l’espèce, une femme, embauchée en 2002 à temps partiel par une association d’aide à domicile a demandé en 2007 au conseil de prud’hommes de requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein au motif que son employeur ne lui permettait pas de connaître assez à l’avance son planning, l’obligeant ainsi à rester à sa disposition de façon permanente. Le conseil de prud’hommes a fait droit à sa demande, une décision confirmée en appel en 2011. L’employeur s’est alors pourvu en cassation, mais en vain.
En effet, rappelle la Cour de cassation, l’article L. 3123-14, 3° du code du travail dispose que le contrat de travail à temps partiel doit mentionner les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Et que, dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail doivent être communiqués par écrit chaque mois au salarié. Il en résulte, selon elle, qu’en l’absence de précisions dans le contrat relatives au jour du mois auquel les horaires de travail sont communiqués, ceux-ci doivent l’être avant le début de chaque mois. Le non-respect de cette obligation « fait présumer que l’emploi est à temps complet, poursuit-elle, et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ». En l’espèce, selon les constatations de la cour d’appel, l’employeur n’avait pas avisé la salariée de ses plannings de travail avant le premier jour du mois. En outre, ses plannings étaient régulièrement modifiés en cours de mois et ses horaires variaient d’un mois à l’autre. Pour la Cour de cassation, c’est donc à juste titre que la cour d’appel a jugé que la plaignante se trouvait dans l’« impossibilité de connaître son rythme de travail et se trouvait à la disposition constante de l’employeur ». La requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet était donc justifiée, selon la Haute Juridiction.
Dans une décision du 8 juillet 2010 concernant une autre affaire (3), la Cour de cassation avait déjà considéré que, en faisant varier la durée de travail selon ses propres besoins et en laissant sa salariée dans l’incertitude quant à son rythme de travail, un employeur l’avait empêchée de prévoir son rythme de travail, l’avait maintenue en permanence à sa disposition et ainsi privée d’une chance d’exercer un autre emploi. L’apport de l’arrêt du 20 février 2013 réside donc dans le fait que la Cour de cassation, reprenant l’argumentaire de la cour d’appel, précise que les plannings doivent être communiqués aux salariés « avant le premier jour du mois », allant ainsi plus loin que l’article L. 3123-14, 3° du code du travail qui dit simplement que les horaires doivent être communiqués chaque mois par écrit au salarié, sans préciser à quel moment exactement.
Dans un arrêt du 29 janvier 2013, la Cour de cassation illustre ce qui, dans le secteur de l’aide à domicile, peut justifier un licenciement pour faute grave (sur cette notion, voir encadré page 49). Elle a ainsi a validé le licenciement pour faute grave d’une aide à domicile qui, alors que le règlement intérieur de l’association employeur l’interdisait, avait introduit une personne au domicile de l’usager dont elle s’occupait et avait fait signer à ce dernier des feuilles de présence pour des heures de travail non effectuées (Cass. soc., 29 janvier 2013, n° 11-26.551).
Dans cette affaire, l’association d’aide à domicile reprochait à une de ses salariées d’avoir introduit au domicile d’une personne âgée qu’elle aidait des membres de sa famille, en infraction donc au règlement intérieur du service qui « fait obligation aux salariés de ne pas amener sur leur lieu de travail, ni personne de leur entourage, ni animaux familiers ». Un règlement intérieur dont l’intéressée avait eu connaissance puisqu’elle l’avait signée. L’association lui reprochait également d’avoir, à deux reprises, fait signer à la personne âgée une fiche de travail – prévue par le règlement intérieur – où figuraient des heures non effectuées, ce qui, aux yeux de l’association, constituait « un abus de vulnérabilité ». Considérant que le comportement de la salariée rendait impossible toute intervention auprès de public fragilisé et avait rompu tout lien de confiance, l’association l’a donc licenciée pour faute grave. Un licenciement dont l’aide à domicile a contesté la cause réelle et sérieuse, mais que ni le conseil de prud’hommes, ni la cour d’appel, ni la Cour de cassation n’ont invalidé.
Pour sa défense, la salariée a fait valoir que la personne qu’elle avait amenée au domicile de l’usager dont elle s’occupait n’était pas de sa famille, et qu’il s’agissait en fait d’une amie de la personne âgée. Quant aux feuilles de présence signées pour des heures non effectuées, elle n’a pas nié mais a expliqué n’avoir « pas fait attention, ni fait exprès ». Pour elle, contrairement à ce qu’a jugé la cour d’appel, « le fait pour un salarié aide à domicile d’avoir amené quelqu’un au domicile d’une des personnes dont il a la charge, et d’avoir signé par inattention une feuille de présence pour des heures de travail non effectuées, ne caractérise pas une faute grave ». Pour mémoire, selon la jurisprudence, une faute grave « suppose un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis ».
Mais la Cour de cassation a estimé que la cour d’appel avait apprécié « souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, sans dénaturation » et avait « pu en déduire que ces faits constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l’association ».
Le 23 mai 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à trancher un litige concernant le travail en chambre de veille dans un établissement appliquant la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-13.875). Un sujet qui, pour mémoire, a donné lieu à un véritable feuilleton à rebondissements dans les années 2000.
Bref retour en arrière. Se conformant à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 1er décembre 2005, le Conseil d’Etat a annulé, le 28 avril 2006, avec effet rétroactif, le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 instituant, dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif, un régime d’équivalence de la durée légale du travail pour les heures de surveillance nocturne effectuées par les salariés en chambre de veille (4). Un nouveau décret, daté du 29 janvier 2007, a donc été publié 9 mois plus tard (5).
Dans l’affaire soumise le 23 mai dernier à la Cour de cassation, une salariée d’une association gérant des établissements pour personnes handicapées mentales, qui effectuait des nuits de permanence en chambre de veille, réclamait à son employeur le paiement de rappels de salaires et de congés payés afférents pour la période 2004-2006. Elle considérait en effet que, le décret du 31 décembre 2001 ayant été annulé avec effet rétroactif, aucun régime d’équivalence n’était en vigueur sur cette période. La cour d’appel a suivi ses arguments et condamné l’association à lui verser 17 000 € à titre de rappel de salaires et 1 700 € au titre des congés payés afférents. Selon les juges du fond, en effet, aucun système d’équivalence ne pouvait être valablement opposé à la salariée pour la période 2004-2006.
Un raisonnement rejeté par la Cour de cassation, qui a annulé l’arrêt de la cour d’appel. Les Hauts Magistrats rappellent, en effet, que « le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001, qui instituait une durée d’équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif, n’avait été annulé par l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 avril 2006 […] qu’en tant qu’il ne fixait pas les limites dans lesquelles doit être mis en œuvre le régime d’équivalence qu’il définissait pour garantir le respect de seuils et plafonds communautaires » prévus par la directive européenne 93/104/CE du 23 novembre 1993 sur l’aménagement du temps de travail. Par conséquent, « les dispositions relatives à la rémunération du travail effectif dans le cadre du régime d’équivalence n’étaient pas affectées par la décision d’annulation partielle » du décret. Une décision qui sonne comme un rappel car il ressortissait déjà de la décision du Conseil d’Etat du 28 avril 2006 que ce n’était pas le système de rémunération induit par le régime des heures d’équivalence (9 heures payées 3) qui était remis en cause, mais bien l’organisation du temps de travail et le non-respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire prévues par la directive européenne.
L’employeur obligé de licencier un assistant familial auquel le conseil général a retiré son agrément doit préciser sur l’attestation délivrée à Pôle emploi que le professionnel a été dispensé d’effectuer son préavis, sous peine d’être condamné à payer une indemnité de préavis ou des dommages-intérêts pour non-paiement de préavis. C’est ce qui ressort d’une décision de la Cour de cassation du 23 mai dernier (Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-10062).
Engagée en mai 1994 par l’Association départementale de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence de Loire-Atlantique, une assistante familiale est licenciée le 24 avril 2007 au motif du retrait de son agrément par le président du conseil général de Loire-Atlantique. L’intéressée conteste la validité du licenciement devant la juridiction prud’homale. Elle soutient que la lettre de licenciement, en se bornant à faire état de la décision de retrait d’agrément sans préciser les faits à l’origine de ce retrait, n’était pas assez motivée et que, en conséquence, son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle réclame donc une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des rappels de salaire et une indemnité compensatrice de préavis. Le conseil de prud’hommes, puis la cour d’appel, rejettent sa requête. Elle saisit alors la Cour de cassation qui, elle, va en partie faire droit à sa demande.
Comme les juges du fond, la Haute Juridiction a considéré que le licenciement était bien justifié. « Selon l’article L. 773-20 du code du travail alors applicable, devenu l’article L. 423-8 du code de l’action sociale et des familles, en cas de retrait d’agrément, l’employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception », indiquent les magistrats. Il en résulte, selon eux, que la lettre de licenciement qui se contente de se référer à un tel retrait « est suffisamment motivée ».
En revanche, la Cour de cassation n’a pas suivi la cour d’appel sur la question de l’indemnisation du préavis. Cette dernière a en effet décidé que l’assistante familiale « ne pouvait pas prétendre au paiement du préavis dans la mesure où elle n’était pas en mesure d’effectuer sa prestation de travail du fait de l’absence d’agrément ». La professionnelle, elle, faisait valoir que l’association « avait commis une faute en fixant la date de la cessation définitive de la relation de travail à celle correspondant au terme de son préavis de 2 mois, lequel ne lui était cependant pas rémunéré du fait du retrait de l’agrément ». Elle soutenait :
→ qu’elle avait, de ce fait, été privée de tout revenu pendant la période correspondant au préavis, au cours de laquelle elle n’était ni rémunérée par l’association, ni en mesure de s’inscrire comme demandeur d’emploi ;
→ et que l’employeur aurait dû faire figurer la mention « préavis : non effectué » sur l’attestation destinée au Pôle Emploi, ce qui aurait permis son indemnisation immédiate.
Des arguments qui ont convaincu la Cour de cassation. Selon elle, la cour d’appel n’aurait pas dû, pour décider que l’assistante familiale ne pouvait prétendre au paiement du préavis, se contenter de retenir qu’elle ne pouvait plus travailler du fait du retrait de son agrément. Elle aurait dû, en effet, « rechercher si les mentions contradictoires de l’attestation délivrée à Pôle emploi n’avaient pas causé un préjudice à la salariée ».
Un arrêt de la Cour de cassation du 23 janvier 2013 illustre l’étendue de l’obligation de sécurité de l’employeur en matière de protection de la santé physique et mentale de ses salariés, qui est une obligation de résultat (6) (Cass. soc., 23 janvier 2013, n° 11-18.855).
Résumé des faits, qui se déroulent dans une association gérant des établissements pour personnes handicapées. Une femme est engagée par l’association le 1er avril 2007, en qualité de directrice adjointe d’un service. Le 28 juillet 2008, elle fait part à son employeur de difficultés rencontrées dans l’exercice de ses fonctions du fait de son supérieur hiérarchique direct qui, selon elle, la harcèle, la diffame, l’injurie et l’humilie. Ce dernier fait l’objet, le 15 octobre 2008, d’une mise à pied disciplinaire de 3 jours. A la suite d’une nouvelle plainte de la directrice adjointe, mais également d’autres salariés, l’employeur saisit, le 13 février 2009, l’inspection du travail d’une demande d’autorisation du licenciement du directeur du service, par ailleurs délégué syndical. Cette autorisation ayant été refusée, le salarié écope d’un avertissement le 17 mars 2009. Trois jours plus tard, une altercation a de nouveau lieu entre lui et sa directrice adjointe, qui est insultée et bousculée. Une déclaration d’accident du travail est faite par l’employeur en faveur de cette dernière. Le directeur est mis à pied, puis licencié le 24 juin 2009 pour faute grave, avec l’autorisation de l’inspecteur du travail. Entre temps, le 12 mai 2009, la directrice adjointe saisit la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts en réparation du manquement de son employeur à son obligation de sécurité. Elle est déboutée de ses demandes par un jugement du 22 avril 2010. Le 31 décembre 2010, elle prend acte de la rupture de son contrat de travail (7). Et se tourne vers les tribunaux pour qu’ils statuent sur les effets de cette prise d’acte.
En effet, selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, si les faits invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec, donc, des indemnités à la clé. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.
La directrice adjointe soutient que son employeur a, par inertie, conforté tacitement le directeur dans ses agissements et ainsi manqué à son obligation de sécurité pour les faits dont elle a été victime le 20 mars 2009. Elle reproche également à son employeur de l’avoir mise à l’écart depuis le licenciement de son directeur, de lui avoir retiré une partie de ses fonctions de management sur le personnel et de la soumettre à d’incessantes tracasseries. L’employeur, de son côté, considère qu’il « a tenté de faire face aux dangers potentiels d’une telle situation en réagissant disciplinairement ».
Saisie de l’affaire, la cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 31 mars 2011, décide que l’employeur a effectivement manqué à son obligation de sécurité envers la salariée mais que, néanmoins, « la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, fondée sur ce manquement, produit les effets d’une démission ». Elle considère, en effet, « que ce manquement ne revêt pas, dans le contexte décrit, un caractère de gravité imputable à l’employeur de nature à justifier la prise d’acte ». Elle relève notamment, pour cela, que, d’une part, le manquement de l’employeur est antérieur de plusieurs mois à la prise d’acte et est intervenu sans faute de sa part et que, d’autre part, les faits de « harcèlement » dont la salariée s’estime victime depuis le départ de son directeur ne sont pas assez tangibles.
Un avis que ne partage pas la Cour de cassation. Pour la Haute Juridiction, « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur son lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements ». Elle reproche à la cour d’appel d’avoir retenu « que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ne revêt[ait] pas, compte tenu de l’existence d’un affrontement entre deux salariés titulaires de postes de direction, un caractère de gravité de nature à justifier la prise d’acte ». Contrairement aux juges du fond, la Cour de cassation estime donc que la prise d’acte de la salariée doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une clause de mobilité prévue dans un contrat de travail est valide dès lors qu’elle définit de façon précise sa zone géographique d’application. Une solution jurisprudentielle qu’illustre la Cour de cassation le 20 février dernier dans une affaire concernant le secteur médico-social (Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-21.649).
Une ergothérapeute est engagée en 2007 par l’Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales (Adapei) de l’Oise et affectée dans un établissement situé à Beauvais. Son contrat de travail comporte une clause de mobilité par laquelle elle s’engage à « accepter tout changement d’affectation au sein de l’un des établissements de l’Adapei de l’Oise, sans qu’un tel événement caractérise une modification contractuelle ». Le 2 mars 2009, la salariée se voit proposer une mutation dans une autre structure de l’association, à Oursel Maison, également situé dans le département de l’Oise. Ayant refusé cette mutation, elle est licenciée le 12 juin 2009. Elle conteste alors son licenciement devant la juridiction prud’homale, estimant qu’il est dénué de cause réelle et sérieuse, et demande des indemnités de licenciement et des indemnités pour préjudice moral. Mais elle est déboutée.
Dans sa décision du 24 mai 2011, la cour d’appel rejette en effet la requête de l’ergothérapeute. Elle rappelle une jurisprudence bien établie selon laquelle une clause de mobilité – clause par laquelle l’employeur se réserve la possibilité de modifier le lieu de travail du salarié – est licite à condition :
→ d’être édictée dans l’intérêt de l’entreprise ;
→ de ne pas constituer un abus de droit ou un détournement de pouvoir de la part de l’employeur ;
→ et de définir de manière précise l’aire géographique d’application.
Selon les juges du fond, les éléments versés aux débats, qu’ils apprécient souverainement, n’ont pas permis de considérer que l’employeur a mis en œuvre cette mobilité dans un but étranger aux intérêts légitimes de l’association ou au détriment de la salariée dans des conditions susceptibles de caractériser un usage abusif de ses pouvoirs de direction, de gestion et d’administration des établissements placés sous son autorité. Ils relèvent notamment que « la salariée n’invoque aucune contrainte tirée de sa vie personnelle susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la clause contractuelle de mobilité » (8).
Reste la question de la délimitation de la zone géographique couverte par la clause de mobilité. Et sur ce terrain, la salariée n’obtient pas non plus gain de cause. Elle soutenait que « la clause de mobilité litigieuse ne contenait aucune précision sur la localisation des établissements au sein desquels [elle] était susceptible d’être affectée et que la zone géographique ainsi stipulée était susceptible d’évoluer avec l’ouverture de nouveaux établissements gérés par l’Adapei de l’Oise ». Mais la cour d’appel a considéré que la clause de mobilité « était précise quant à la détermination géographique de son champ d’application puisque limitée au département de l’Oise, la salariée ne pouvant sérieusement prétendre avoir ignoré que l’Adapei de l’Oise gérait un ensemble d’établissements tous sans exception situés dans le département de l’Oise ». En outre, pointent les juges, le poste proposé au foyer Saint-Nicolas d’Oursel Maison, dans le département de l’Oise, existe depuis de nombreuses années, avant même l’embauche de la salariée, et est situé à proximité du lieu de son ancienne affectation à Beauvais (environ 20 km). En résumé, la cour d’appel a jugé que « l’activité de l’Adapei de l’Oise impliquait par définition qu’elle s’exerce exclusivement dans ce département, ce qui délimitait de façon suffisamment précise la zone géographique d’application de la clause de mobilité prévue au contrat de travail, selon laquelle la salariée déclarait accepter tout changement d’affectation au sein de l’un des établissements de l’Adapei de l’Oise ». Une appréciation validée par la Cour de cassation.
Dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation rappelle qu’il est interdit à un employeur de rompre la période d’essai d’un salarié absent pour cause de maladie même si son absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc., 10 avril 2013, n° 11-24.794).
Les faits sont les suivants : un médecin est engagé à partir du 14 mai 2007, en contrat à durée indéterminée, par l’association Alpha santé, qui gère plusieurs établissements hospitaliers et médico-sociaux. Son contrat de travail, conclu avec une période d’essai de 6 mois, prévoyait que, en cas de maladie pendant cette période, la durée de celle-ci serait prorogée d’autant. Le médecin tombe malade et bénéficie d’