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La loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité

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Obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour, rétention administrative, contentieux administratif et judiciaire… Coup de projecteur sur les nouveautés introduites par la loi du 16 juin 2011 pour faciliter l’éloignement des clandestins.

Selon l’ancien ministre de l’Intérieur et de l’Immigration, Claude Guéant, 32 921 étrangers en situation irrégulière ont été éloignés du territoire en 2011, ce qui représente une augmentation de 17,5 % par rapport à 2010. Dans le détail, « entre juillet et décembre 2011, plus de 3 000 éloignements ont été réalisés chaque mois, contre 2 265 l’année précédente pendant la même période », a-t-il expliqué en janvier dernier au cours d’une conférence de presse, voyant dans ce résultat un effet direct de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui, à ses yeux, a amélioré le « contexte juridique » grâce aux nouveautés qu’elle a introduites en matière d’éloignement.

Pour la plupart, ces nouvelles règles, précisées par plusieurs décrets, traduisent en droit français la directive européenne 2008/115/CE du 16 décembre 2008 – dite directive « retour » –, qui a fixé des normes et des procédures communes au retour, dans leur pays d’origine ou tout Etat tiers, des ressortissants non communautaires en situation irrégulière sur le territoire de l’Union européenne. La fusion de l’obligation de quitter le territoire français et de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière en une unique mesure d’obligation de quitter le territoire français (OQTF), assortie ou non d’un délai de départ volontaire, relève ainsi de cette logique, tout comme la création d’une interdiction de retour ou bien encore celle d’une nouvelle mesure d’assignation à résidence.

Le rapport de la commission « Mazeaud » sur la politique des migrations – qui, en juillet 2008, pointait les difficultés liées à la dualité de juridiction dans le domaine du contentieux des étrangers et préconisait une simplification des procédures (1) – est une autre source d’inspiration revendiquée par le gouvernement de François Fillon. Espérant améliorer l’efficacité des procédures d’éloignement, le législateur a réformé en partie le contentieux des mesures d’éloignement. Notamment en matière de rétention administrative, en décalant dans le temps l’intervention du juge judiciaire par rapport à celle du juge administratif. Plusieurs dispositions visent par ailleurs à renforcer la sécurité juridique des procédures d’éloignement, tandis que d’autres instaurent de nouvelles règles autour du placement en rétention (conditions du placement, exercice des droits en rétention, accès des associations humanitaires aux lieux de rétention, etc.). Autre mesure phare : l’allongement de la durée maximale de rétention de 32 à 45 jours.

Rappelons que le Conseil constitutionnel a censuré un seul article du texte adopté par le Parlement et posé simplement deux réserves. Ces dernières, tout comme la disposition censurée, ont trait à l’éloignement des étrangers (2).

I. LA RÉFORME DU RÉGIME DE L’ÉLOIGNEMENT

Transposant la directive « retour », la loi du 16 juin 2011 a réécrit entièrement l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) pour opérer la fusion de l’obligation de quitter le territoire français et de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière en une unique mesure : l’obligation de quitter le territoire français, assortie ou non d’un délai de départ volontaire (l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire étant semblable à l’ancien arrêté de reconduite à la frontière). Autrement dit, l’OQTF constitue désormais la mesure d’éloignement « de droit commun » à l’égard des étrangers en situation irrégulière. La loi a réduit la notion de reconduite à la frontière à une hypothèse marginale : celle de l’étranger qui, pendant la durée de validité de son visa, constitue une menace pour l’ordre public ou a exercé une activité salariée sans être titulaire d’une autorisation de travail (voir encadré, page 39).

Autre nouveauté : conformément à la directive « retour », l’article L. 511-1 du Ceseda concerne désormais uniquement les étrangers ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Les clandestins ressortissants d’un pays de l’Union européenne et les membres de leur famille (y compris s’ils ne sont pas ressortissants européens eux-mêmes) relèvent désormais d’autres articles et font ainsi l’objet d’une procédure spécifique d’éloignement.

A noter : l’étranger qui fait l’objet d’une OQTF peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine, sauf – bien entendu – s’il a été placé en rétention (Ceseda, art. L. 512-5 nouveau). La règle n’est pas nouvelle mais elle a simplement été déplacée au sein du Ceseda.

A. L’OQTF APPLICABLE AUX RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS

1. LES CAS DANS LESQUELS UN ÉTRANGER PEUT FAIRE L’OBJET D’UNE OQTF (ART. 37 DE LA LOI)

Désormais, tout étranger ressortissant de pays tiers qui n’est pas membre de la famille d’un ressortissant communautaire peut se voir notifier une obligation de quitter le territoire s’il se trouve dans l’un des 5 cas suivants (Ceseda, art. L. 511-1-I modifié) :

 il ne peut justifier être entré régulièrement en France (à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité) ;

 il s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ;

 si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour lui a été refusé ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;

 s’il n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre ;

 si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé.

Toutes les situations ainsi prévues par la nouvelle rédaction existaient déjà dans le droit antérieur et étaient soumises soit à l’OQTF, soit à l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF).

A noter : le régime procédural de l’OQTF n’a pas été modifié par la réforme. L’autorité administrative compétente dans la procédure reste le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (Ceseda, art. R. 512-1, modifié). La décision énonçant l’obligation de quitter le territoire français doit toujours être motivée et aucune motivation spécifique n’est requise lorsque l’OQTF accompagne une décision relative au séjour. Par ailleurs, toujours comme auparavant, l’OQTF doit fixer le pays à destination duquel l’étranger est renvoyé en cas d’exécution d’office (Ceseda, art. L. 511-1-I modifié).

2. L’OQTF AVEC DÉLAI DE DÉPART VOLONTAIRE (ART. 37 et 43)

La directive « retour » pose le principe selon lequel toute obligation de quitter le territoire est assortie d’un délai de départ volontaire allant de 7 à 30 jours. La législation française prévoyait déjà auparavant un délai de départ volontaire de 1 mois pour l’étranger contre qui était délivrée une OQTF. Toutefois, lorsqu’il faisait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, le départ devait être immédiat. Désormais, l’existence d’un délai de départ volontaire constitue le principe, quelle que soit la raison ayant motivé la décision d’éloignement. L’étranger dispose plus précisément de 30 jours à compter de la notification de l’OQTF, afin de lui permettre de définir lui-même les conditions de son départ vers le pays d’accueil. Il peut par exemple user de ce délai pour solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié).

La notification de l’OQTF mentionne nécessairement le délai imparti pour quitter le territoire (Ceseda, art. R. 512-1 modifié).

L’étranger peut demander que les principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées lui soient communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend (Ceseda, art. R. 512-1-1 nouveau).

Par ailleurs, comme le permet la directive « retour », le préfet peut accorder « à titre exceptionnel » un délai supérieur à 30 jours, « eu égard à la situation personnelle de l’étranger » (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié).

Autre nouvelle règle issue de la loi du 16 juin 2011 : l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à la préfecture ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ (Ceseda, art. L. 513-4 modifié). Dans ce cas, le préfet désigne le service auprès duquel l’intéressé doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence, qui ne peut excéder 3 présentations par semaine. L’étranger peut être tenu de lui remettre l’original de son passeport et de tout autre document d’identité ou de voyage en sa possession en échange d’un récépissé valant justification d’identité sur lequel est portée la mention du délai accordé pour son départ (Ceseda, art. R. 513-3 nouveau).

3. L’OQTF SANS DÉLAI DE DÉPART VOLONTAIRE (ART. 37)

Immédiatement exécutoire comme l’était l’arrêté de reconduite à la frontière « ancienne formule », l’OQTF sans délai peut être prononcée – par décision motivée – par l’autorité administrative dans les situations suivantes (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié) :

 si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ;

 si l’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;

 s’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation.

Le législateur a voulu se montrer précis s’agissant de cette notion de « risque de fuite ». L’administration peut ainsi considérer que ce risque est avéré – et donc exiger un départ sans délai – dans les situations suivantes :

 si l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour. Notons toutefois une exception : lorsque la qualité de réfugié a été refusée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, par la Cour nationale du droit d’asile, à un étranger qui avait été admis au séjour afin d’en faire la demande, l’OQTF prononcée par le préfet doit toujours être assortie d’un délai de départ volontaire de 30 jours (Ceseda, art. L. 742-3 modifié ; art. 68 de la loi) ;

 si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

 si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus de 1 mois après l’expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

 si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

 si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;

 si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a dissimulé des éléments de son identité, qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu’il s’est précédemment soustrait à diverses obligations prévues par la loi (obligations liées à la présentation périodique à l’autorité administrative ou aux forces de l’ordre pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ, obligations liées à une assignation à résidence décidée par le juge ou par l’autorité administrative).

A noter : l’administration peut, à tout moment au cours d’un délai de départ volontaire, décider que l’étranger est obligé de quitter immédiatement le territoire français s’il apparaît un des motifs le justifiant aux yeux de la loi (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié). L’intéressé doit être informé de cette éventualité (Ceseda, art. R. 511-2 nouveau).

Ainsi, par exemple, si un étranger qui dispose de 30 jours pour quitter le territoire doit se rendre régulièrement au commissariat pour indiquer ses diligences dans la préparation de son départ et ne le fait pas, le préfet peut décider qu’il doit quitter sans délai le territoire (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié).

4. L’OQTF ASSORTIE DE L’INTERDICTION DE RETOUR SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS (ART. 37)

L’autorité administrative peut désormais, par décision motivée, assortir l’OQTF – avec ou sans délai de retour volontaire – d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF). Cette mesure, accusée par l’opposition de l’époque – donc la gauche – de créer une double peine et de s’apparenter à un bannissement, est une application de l’article 11 de la directive « retour ».

a. La durée maximale de l’IRTF

La durée maximale de l’interdiction de retour sur le territoire français varie, selon les cas, de 2 à 5 ans (Ceseda, art. L. 511-1-III nouveau) :

 si aucun délai de départ volontaire n’a été donné à l’étranger obligé de quitter le territoire, l’administration peut prononcer une IRTF pour une durée maximale de 3 ans à compter de sa notification ;

 s’il bénéficie d’un délai de départ volontaire, l’administration peut prononcer l’IRTF, prenant effet à l’expiration du délai, pour une durée maximale de 2 ans à compter de sa notification ;

 s’il ne respecte pas le délai de départ volontaire et ne faisait pas l’objet d’une IRTF, l’administration peut en prendre une à son encontre d’une durée maximale de 2 ans à compter de sa notification.

Enfin, la mesure d’interdiction de retour peut être prolongée, pour une durée maximale de 2 ans, dans 3 cas :

 lorsque l’étranger faisant l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire assortie d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire français au-delà du délai qui lui avait été assigné ;

 lorsque l’étranger s’est maintenu sur le territoire alors qu’il avait fait l’objet d’une OQTF sans délai de départ volontaire ;

 lorsque l’étranger ayant fait l’objet d’une OQTF assortie d’une interdiction de retour a effectivement quitté le territoire mais est revenu en France alors que la mesure d’interdiction continuait à produire ses effets.

b. Les critères pris en compte par l’administration

L’administration doit tenir compte de critères cumulatifs et limitatifs avant de notifier une IRTF et sa durée (Ceseda, art. L. 511-1-III nouveau) :

 la durée de présence de l’étranger en France ;

 la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France ;

 s’il a fait ou non l’objet d’une précédente mesure d’éloignement ;

 si sa présence sur le territoire représente une menace pour l’ordre public.

c. Les modalités de mise en œuvre de l’IRTF

L’IRTF est une mesure qui a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire européen. Il en résulte que les mesures équivalentes prises par d’autres Etats de l’Union européenne sont exécutoires en France et que les mesures prises en France entraînent l’interdiction de se rendre dans un autre Etat membre. Afin de rendre opérationnel ce principe d’interdiction européenne, les données relatives aux mesures d’interdiction du territoire sont inscrites dans le système d’information « Schengen ». Les intéressés doivent en être informés (Ceseda, art. L. 511-1-III nouveau). Concrètement, cette inscription les empêche d’obtenir un visa pour entrer et séjourner dans l’espace Schengen. Le signalement est supprimé en cas d’extinction de l’interdiction de retour, de son annulation par le juge ou de son abrogation par le préfet.

d. Les conditions d’abrogation de l’interdiction

L’abrogation de l’interdiction du territoire est la règle lorsque, après avoir fait l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire assortie d’une IRTF, l’étranger s’est conformé à cette dernière dans le délai imparti. A charge pour lui de le prouver au plus tard 2 mois suivant l’expiration du délai. Cette preuve peut être apportée par le cachet apposé sur son passeport par la police aux frontières ou par tous moyens (notamment par sa présentation à l’ambassade ou au consulat français ou à la délégation de l’Office français de l’immigration et l’intégration à l’étranger du pays de destination) (Ceseda, art. L. 511-1-III et art. R. 511-4 nouveaux). Le préfet peut toutefois, par décision motivée, refuser l’abrogation « au regard de circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l’intéressé ».

L’autorité administrative peut aussi, à tout moment, abroger l’interdiction de retour. Lorsque l’étranger sollicite cette abrogation, sa demande n’est toutefois recevable que s’il justifie résider hors de France, sauf circonstances particulières (exécution d’une peine d’emprisonnement ferme en France ou d’une mesure d’assignation à résidence) (Ceseda, art. L. 511-1-III).

5. LES CONDITIONS DE L’EXÉCUTION D’OFFICE DES OQTF (ART. 42)

L’obligation de quitter sans délai le territoire français peut être « exécutée d’office » – elle peut être, autrement dit, immédiatement exécutoire – si elle n’ a pas fait l’objet d’un recours devant le président du tribunal administratif ou si elle n’a pas fait l’objet d’une annulation (Ceseda, art. L. 513-1-I nouveau).

Quant à l’OQTF assortie d’un délai de départ volontaire, elle est exécutoire dès la fin de ce délai en l’absence de recours administratif formé pendant cette période ou bien, lorsqu’elle a été contestée, si elle n’a pas été annulée (Ceseda, art. L. 513-1-I nouveau).

L’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire français peut également être d’office reconduit à la frontière… sous réserve toutefois de l’article L. 512-3 du Ceseda relatif à l’exécution des OQTF (Ceseda, art. L. 513-1-II nouveau). Une manière pour le législateur de préciser qu’une interdiction de retour ne peut entraîner la reconduite à la frontière que si les délais de recours contre l’OQTF ont été dépassés ou le recours jugé. « Par conséquent, l’étranger [peut] être reconduit immédiatement à la frontière s’il a quitté, volontairement ou non, la France et qu’il est revenu sur le territoire, ou s’il s’est maintenu en France plus d’une année après la notification d’une OQTF », a résumé le sénateur (UMP) François-Noël Buffet, rapporteur de la loi (Rap. Sén. n° 239, Tome I, janvier 2011, Buffet, page 136). Ainsi, « tandis que dans le droit antérieur un étranger qui [faisait] l’objet d’une OQTF depuis plus d’un an ne [pouvait] plus être placé en rétention, donc expulsé, sans que le préfet prenne à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière », il peut désormais être expulsé s’il a fait l’objet d’une interdiction du territoire (celle-ci étant d’une durée minimale de 2ans).

B. L’OQTF APPLICABLE AUX RESSORTISSANTS COMMUNAUTAIRES (ART. 39, 62 et 63)

L’éloignement des ressortissants communautaires (3) et des membres de leur famille est désormais possible dans 3 hypothèses.

L’autorité administrative compétente peut ainsi, par décision motivée, les obliger à quitter le territoire français si elle constate que (Ceseda, art. L. 511-3-1 nouveau) :

 l’intéressé ne justifie plus d’aucun droit de séjour après 3 mois de présence en France. Autrement dit, il n’est pas en mesure de répondre aux conditions posées par la loi pour un séjour de longue durée : exercer une activité professionnelle ou bénéficier de ressources suffisantes sans constituer un poids pour le système d’assurance sociale… ;

 pendant la période de 3 mois à compter de son entrée en France, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ;

 son séjour est constitutif d’un abus de droit. Constitue un tel abus :

– un séjour en France « dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale »,

– le fait de renouveler des séjours de moins de 3 mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour supérieur à 3 mois ne sont pas remplies.

L’autorité administrative compétente tient compte de l’ensemble des circonstances relatives à la situation de l’intéressé, notamment la durée de son séjour en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

L’étranger dispose, pour satisfaire à l’OQTF, d’un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à 30 jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l’autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours.

L’OQTF fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d’exécution d’office.

C. LES MESURES DANS L’ATTENTE DE L’EXÉCUTION DE LA MESURE D’ÉLOIGNEMENT

1. LE PLACEMENT EN RÉTENTION

Le placement en rétention administrative, ordonné par le préfet, vise à maintenir à la disposition de l’administration les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, dans le cas où cette mesure ne peut être mise en œuvre immédiatement. La loi du 16 juin 2011 en a modifié le régime, notamment pour adapter le dispositif aux nouvelles procédures d’éloignement créées en application de la directive « retour » et pour faire passer la durée de la rétention de 2 à 5 jours.

A noter : dans le dispositif antérieur, le placement en rétention par l’autorité préfectorale était de plein droit. Seul le juge des libertés et de la détention pouvait « à titre exceptionnel » assigner l’étranger à résidence « lorsque celui-ci [disposait] de garanties de représentation effectives ». Il est désormais précisé que l’intéressé est placé en rétention « à moins qu’il ne soit assigné à résidence » en application de l’article L. 561-2 du Ceseda. Cette nouveauté a été introduite afin de transposer l’article 15 de la directive « retour », qui autorise le placement en rétention « à moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier » (voir page 43).

a. Les conditions du placement (art. 44)

Les cas autorisant le préfet à placer en rétention un étranger ne pouvant quitter immédiatement le territoire français sont dorénavant au nombre de 8. Il s’agit de l’étranger qui (Ceseda, art. L. 551-1 modifié) :

 doit, dans le cadre d’une réadmission et en application des articles L. 531-1 (4) ou L. 531-2 (5), être remis aux autorités compétentes du pays de l’Union européenne qui l’a admis à entrer sur son territoire ;

 fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;

 doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire (6) ;

 fait l’objet de ce que l’on a coutume d’appeler une « reconduite d’office Schengen » (reconduite d’office dans le cadre d’une procédure d’éloignement prise par un autre Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990) ;

 fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de 3 ans auparavant en application de l’article L. 533-1 du Ceseda (voir encadré, page 39) ;

 fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins de 1 an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;

 doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour (il s’agit du seul motif véritablement nouveau de placement en rétention) ;

 a fait l’objet d’une décision de placement en rétention au titre d’un des motifs ci-dessus, n’a pas respecté la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de 7 jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, l’ayant respectée, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire.

Au passage, le législateur a modifié la durée pendant laquelle l’administration peut maintenir un étranger en rétention sans l’intervention du juge judiciaire. Elle est dorénavant de 5 jours, contre 2 auparavant (Ceseda, art. L. 551-1 modifié).

b. Les conditions d’exercice des droits en rétention (art. 45)

Il est dorénavant explicitement prévu que la décision de placement en centre de rétention administrative prend effet à compter de sa notification à l’intéressé. La précision est importante car les délais de recours contentieux en matière administrative courent désormais à partir de la notification de la décision de rétention et non plus de celle relative au séjour (Ceseda, art. L. 551-2 modifié).

Une autre nouveauté concerne les conditions d’exercice des droits en rétention. Le droit antérieur prévoyait que l’étranger est informé – dans une langue qu’il comprend et « dans les meilleurs délais » – qu’il peut, « pendant toute la période de la rétention », demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin. Il doit également être informé qu’il peut communiquer avec son consulat et avec la personne de son choix.

La Cour de cassation ayant, dans un arrêt du 31 janvier 2006, considéré que la notification du placement en rétention, l’information de la personne concernée sur ses droits et la possibilité pour celle-ci de les faire valoir devaient être simultanées, la loi du 16 juin 2011 est donc venue préciser que l’étranger est informé dans les meilleurs délais qu’il peut exercer les droits qui lui sont reconnus « à compter de son arrivée au lieu de rétention » – c’est-à-dire « un point de départ objectif et facilement mesurable », selon les mots du rapporteur (UMP) de la loi à l’Assemblée nationale, Thierry Mariani (Rap. A.N. n° 2814, septembre 2010, page 252) – et non plus « pendant toute la période de rétention » (Ceseda, art. L. 551-2 modifié).

La notion de « meilleurs délais » a par ailleurs été précisée. Elle s’entend « compte tenu du temps requis pour informer chaque étranger de ses droits lorsqu’un nombre important d’étrangers doivent être simultanément placés en rétention » (Ceseda, art. L. 551-2 modifié).

c. L’accès des associations humanitaires aux lieux de rétention (art. 67)

L’article 16 de la directive « retour » prévoit que « les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention » et que ces visites « peuvent être soumises à une autorisation ». Afin de se conformer à cette disposition, la loi du 16 juin 2011 a, pour consacrer l’existence de ce droit, renvoyé à un décret le soin d’en déterminer les conditions d’exercice (Ceseda, art. L. 553-3 modifié). Ce texte est paru en juillet dernier (7).

1) Un nouveau type de contrôle

Auparavant, la réglementation française prévoyait simplement la présence, dans chaque centre de rétention, d’une seule association, sur la base d’une convention passée avec l’Etat, et ce, pour permettre l’exercice par les étrangers des droits qui leur sont reconnus (accueil, information, soutien, aide à l’exercice de leurs droits). Depuis 2010, cette présence est assumée par 5 associations réparties dans les différents centres de rétention de France (8).

Or cette organisation ne satisfaisait pas complètement les exigences de la directive « retour », qui prévoit que les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de « visiter » les centres de rétention, indépendamment donc de toute mission d’information ou d’assistance aux étrangers.

La loi a donc consacré le droit d’accès des associations humanitaires aux lieux de rétention. Un droit d’accès qui se veut donc, à cet égard, plus conforme à la législation européenne. « Il ne s’agit pas ici des associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers, qui exercent une permanence dans les centres de rétention, mais d’observateurs extérieurs qui pourront exercer un nouveau type de contrôle sur les conditions de vie des étrangers en rétention », explique ainsi François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 239, tome I, janvier 2011, Buffet, page 163).

Cet accès ne doit pas entraver le fonctionnement du lieu de rétention et les activités qu’y exercent les services de l’Etat et les associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers. Il doit, en outre, s’exercer « dans le respect des opinions politiques, philosophiques ou religieuses des étrangers retenus » (Ceseda, art. R. 553-14-4 nouveau).

2) Un accès sous conditions

Il revient au ministre chargé de l’immigration de fixer la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue de visiter les lieux de rétention.

L’habilitation ne peut être sollicitée que par des associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 années et proposant par leurs statuts la défense des étrangers, la défense des droits de l’Homme ou l’assistance médicale et sociale. Précision importante : elle ne peut pas être sollicitée par les associations chargées – par convention – de l’assistance juridique aux étrangers retenus. Tout refus d’habilitation doit être motivé « au regard notamment du nombre d’associations déjà habilitées ». Le cas échéant, l’habilitation est accordée pour une durée de 3 ans et est renouvelable une fois pour la même durée. Le ministre chargé de l’i

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