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L'EXPÉRIMENTATION DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE

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A l'heure où le Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté consulte, sur la base d'un « livre vert », tous les acteurs concernés par le RSA, gros plan sur ce dispositif qui vise à rendre attractif le retour au travail ou l'augmentation de l'activité professionnelle des personnes éloignées de l'emploi qui bénéficient de la solidarité nationale. Il est expérimenté dans plusieurs départements volontaires et concerne, pour le moment, les seuls bénéficiaires du RMI et de l'API.

La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - dite « loi TEPA » - a introduit dans le droit positif la notion de revenu de solidarité active (RSA), dispositif qui, selon Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, vise à « rendre attractif le retour au travail ou l'augmentation de l'activité professionnelle pour les personnes éloignées de l'emploi qui bénéficient de la solidarité nationale et à lutter contre la pauvreté ». Sa création avait été proposée par la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » (1), constituée en 2005 à la demande du ministre de la Santé et des Solidarités de l'époque, Philippe Douste-Blazy, et qui était présidée par Martin Hirsch, alors président d'Emmaüs France (sur le dispositif imaginé par cette commission, voir encadré page 26). Bien que novateur, le RSA s'inscrit néanmoins dans la continuité des politiques visant à dynamiser l'accès à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.

Afin de valoriser la recherche d'activités rémunérées même modestes, il a en effet été prévu très tôt des mécanismes dits d'« intéressement » permettant aux bénéficiaires de minima sociaux de cumuler tout ou partie de leurs allocations avec les revenus tirés d'une activité commencée après l'ouverture des droits à ces allocations. Complexes et aux effets peu prévisibles, a fortiori pour des personnes défavorisées, ces mécanismes ont montré leurs limites : la fraction des bénéficiaires des différents minima sociaux y accédant reste en effet très minoritaire, « l'intéressement » n'étant possible que pour une durée limitée et seulement en cas de prise et de reprise d'emploi, pas en cas de continuation d'un emploi préexistant. Dernièrement, la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux du 23 mars 2006 (2) a bien apporté des améliorations aux mécanismes, en instituant un système de primes forfaitaires mensuelles - de 150 et 225 € - et en créant une prime de retour à l'emploi de 1 000 € , versée au quatrième mois de la reprise d'activité. Mais « ces évolutions demeurent cependant insuffisantes », de l'aveu même du Haut Commissariat aux solidarités actives, pour qui les mécanismes d'intéressement sont « d'un niveau trop faible pour compenser la perte des aides qu'un bénéficiaire de minimum social connaît quand il reprend une activité ». En outre, « par nature, provisoires et ciblés », ils ne « donnent pas de visibilité aux individus auxquels ils sont destinés ».

Par ailleurs, a été institué en 2001 un dispositif de soutien des revenus d'activité modestes, adossé à l'impôt sur le revenu et prenant la forme d'un crédit d'impôt pouvant conduire à un « impôt négatif », et donc à un versement net aux contribuables : la prime pour l'emploi. Visant à inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, cette prime est subordonnée à l'exercice d'une activité professionnelle, salariée ou non, car elle n'est versée que lorsque sont déclarés des revenus d'activité compris entre un plancher (il s'agit d'inciter à un minimum d'activité) et un plafond, le niveau maximum de prime étant atteint pour des revenus correspondant à un SMIC à plein temps. Principal écueil de ce dispositif : « dilué sur une très large population », son effet est « trop faible », selon le Haut Commissariat, qui souligne que les ménages qui en bénéficient « n'en voient pour la plupart ni l'effet incitatif au travail ni l'effet de soutien du pouvoir d'achat ». Le RSA est présenté comme une réponse à ce problème, les moyens actuellement alloués au titre de la prime pour l'emploi devant être, dans ce cadre, recentrés au bénéfice des personnes qui ont les revenus les plus faibles.

Enfin, les bénéficiaires de minima sociaux font naturellement partie des populations éloignées de l'emploi qui sont « ciblées » par les contrats aidés mis en place depuis une vingtaine d'années pour faciliter, grâce à des aides de l'Etat aux employeurs, l'accès à des emplois soit de droit commun, soit adaptés et accompagnés à des degrés divers.

Ces politiques ont été réformées dans la période la plus récente, afin de les recentrer sur les bénéficiaires de minima sociaux et de les rendre plus attractives (rationalisation des contrats aidés en 2005, amélioration de la prime pour l'emploi et réforme de l'intéressement l'année suivante). Pour un résultat somme toute mitigé. « En fin de compte, l'accès des bénéficiaires de minima sociaux à l'emploi et plus particulièrement aux dispositifs spécifiques d'aide, s'il semble s'être amélioré ces dernières années, reste néanmoins faible. Par ailleurs, un grand nombre de ceux qui travaillent ne perçoivent pas d'intéressement, compte tenu des limites intrinsèques de ce dispositif », a expliqué Dominique Tian, rapporteur pour avis de la loi « TEPA » à l'Assemblée nationale (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 78).

Puis est venue l'expérimentation engagée en application de la loi de finances pour 2007, sur laquelle le RSA s'est greffé. L'article 142 de ce texte autorise en effet les départements volontaires, en tant que financeurs et gestionnaires du revenu minimum d'insertion (RMI), à expérimenter pendant 3 ans un certain nombre de dérogations au droit commun des mesures d'intéressement et/ou d'activation - contrat d'avenir et contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) - en faveur des bénéficiaires de cette allocation (3).

Cette expérimentation a ensuite été élargie aux dispositifs financés en dernier ressort par l'Etat et donc de sa responsabilité, même si leur gestion est confiée à d'autres organismes, comme l'Agence nationale pour l'emploi ou les caisses d'allocations familiales. Sont ainsi concernés d'autres minima sociaux - l'allocation de solidarité spécifique (ASS), l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation de parent isolé (API) -, et d'autres contrats aidés - contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et contrat initiative-emploi (CIE). Cette extension a été réalisée par la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale du 5 mars 2007 (4), avec en toile de fond la faculté ainsi ouverte de rapprocher suffisamment les dispositifs pour expérimenter un « contrat unique d'insertion ».

Enfin, une nouvelle étape a été franchie avec le RSA, qui représente l'aboutissement de la réflexion plus ancienne sur le remplacement du système complexe des minima sociaux par une allocation universelle dégressive selon les revenus d'activité. Il a été conçu pour répondre aux différents problèmes qui plombent le système actuel des minima sociaux et des incitations financières à l'exercice d'une activité professionnelle : retour au travail non rémunérateur, pauvreté au travail, soutien au pouvoir d'achat des personnes à faible revenu, complexité du dispositif d'aide. Son objectif, tel que défini par la loi « TEPA » : « assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d'atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de famille ».

L'ambition du RSA est de « modifier en profondeur l'exercice de la solidarité », résume le Haut Commissariat. Il a pour fondement l'idée selon laquelle la sortie de la pauvreté passe principalement par le travail, en faisant des revenus d'activité le socle des revenus de la personne. Avec le RSA, « la solidarité complète ces revenus et donne un accès plus large à un accompagnement professionnel, renforcé si nécessaire d'un accompagnement social, pour accéder à un emploi de qualité ». Ce n'est donc pas, contrairement au RMI par exemple, une allocation différentielle dont on soustrait les revenus du travail.

Concrètement, il s'agit notamment d'assurer « une réelle revalorisation de tout revenu d'activité, de toute heure travaillée, et le caractère pérenne de cette incitation à l'activité, qui ne peut se limiter aux premiers mois d'une reprise d'activité - comme dans les systèmes en vigueur d'intéressement - et deviendrait un soutien au revenu des travailleurs modestes » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 82). En effet, « la réalité constatée quotidiennement montre qu'une personne qui bénéficie d'un minimum social et reprend une activité à temps partiel rémunérée au SMIC peut encore aujourd'hui perdre de l'argent, même quand elle est soutenue par l'ensemble des dispositifs d'intéressement prévus par la loi », rapportent les services de Martin Hirsch. « De même, une personne qui reprend une activité à temps plein perd de l'argent dès qu'elle perd le bénéfice des dispositifs d'intéressement. » Ainsi, par exemple, « une femme qui travaille 3 matinées par semaine, 4 heures par matinée, à aider une personne âgée handicapée, ne gagne pas 1 € de plus que celle qui, au RMI, ne travaille pas du tout. Tout son salaire est déduit du RMI. Une personne qui est au RMI, avec 2 enfants à charge, et qui reprend un emploi à plein temps payé au SMIC, va [, elle,] gagner un peu plus d'argent la première année - grâce à l'intéressement, aux primes de retour à l'emploi - mais moins au bout de un an, quand ces mécanismes de cumul de ressources s'interrompent », soulignent-ils.

Deux cas types de « trappes à inactivité » - situations où le retour à l'emploi du bénéficiaire du minimum social n'est pas rémunérateur - parmi d'autres, qui, de surcroît, ne tiennent compte que des minima et de l'intéressement. Ils n'intègrent pas « l'effet de seuil créé par les aides sociales facultatives, alors que ces aides représentent en moyenne 20 % du revenu », de celui « induit par la couverture maladie universelle complémentaire » et du « coût monétaire d'une reprise d'emploi, notamment les coûts d'habillage, de garde et de transport qui, même s'ils ne sont pas estimés par les économistes, sont sans doute élevés, notamment dans les zones rurales ». Autant dire que, « en tenant compte de tous les transferts (y compris les aides locales) et de tous les coûts indirects, les trappes se révèlent plus nombreuses et plus profondes » (Rap. A.N. n° 62, juillet 2007, Carrez, page 313). Pour les appréhender, il faut se reporter à l'évaluation de la durée de réservation, c'est-à-dire la durée de travail minimale, sur la base du SMIC horaire, pour que l'emploi apporte un gain monétaire à celui qui l'occupe par rapport aux ressources dont il bénéficierait en tant qu'inactif. Une étude réalisée en 2002 montre que cette durée, si l'on prend en compte l'ensemble des transferts en faveur du bénéficiaire, « excède un mi-temps pour une personne seule et un temps complet pour un couple avec enfants ». « Ceci signifie que pour toute reprise d'activité d'une durée hebdomadaire inférieure à celle de réservation - moins de 42 heures par semaine, par exemple, pour un couple avec enfant -, le retour à l'emploi appauvrit le ménage » (Rap. A.N. n° 62, juillet 2007, Carrez, page 313).

Mécanisme permanent de soutien des bas revenus (5) visant à « garantir que le travail paie », le RSA a vocation à permettre de dépasser ce constat en faisant en sorte que, « quelle que soit la situation de départ, le produit de chaque heure travaillée puisse améliorer le revenu final de la famille, en supprimant les effets de seuil ». Mais aussi en garantissant, « même pour une activité à temps partiel, lorsque les revenus du travail sont discontinus le long de l'année ou que la reprise d'activité correspondante se réalise par le biais d'un contrat d'insertion, que les ressources globales permettent de franchir le seuil de pauvreté ». L'objectif, enfin, est de « simplifier radicalement le système des aides pour le rendre plus lisible », a expliqué le Haut Commissariat.

L'expérimentation de cette prestation innovante, dans son principe comme dans sa forme, doit durer 3 ans, selon la loi « TEPA ». Elle ne concerne que certains départements volontaires et est réservée, parmi les allocataires de minima sociaux, aux bénéficiaires du RMI et de l'API. Avant très vraisemblablement, c'est en tout cas le souhait du gouvernement, d'être généralisée dès 2009, sans attendre, donc, la fin des 3 ans (voir encadré page 25).

Le RSA s'inscrit dans une politique plus générale d'insertion professionnelle et sociale. Des travaux sont en effet engagés pour concevoir la réforme globale des minima sociaux - que Martin Hirsch espère pouvoir appliquer en 2009 -, de la prime pour l'emploi et des différentes aides qu'entraîne sa création. Réforme qui doit contribuer à atteindre l'objectif, fixé par le président de la République, de réduction de un tiers de la pauvreté en 5 ans, et à mieux conjuguer emploi et solidarité, à faire des revenus du travail le socle des ressources et à construire une protection qui complète le travail plus qu'elle ne s'y substitue.

Pour donner une nouvelle dynamique aux politiques d'insertion, le chef de l'Etat a confié au Haut Commissaire aux solidarités active contre la pauvreté la responsabilité de l'organisation d'un « Grenelle de l'insertion » (6). Objectifs : donner la parole aux acteurs et faire de l'insertion un sujet de débat de société, valoriser les initiatives de terrain, ne pas enfermer les personnes vulnérables dans une situation de relégation, repenser les politiques d'accompagnement des personnes en difficulté, donner des perspectives stables aux acteurs de l'insertion par l'activité économique et réformer les contrats aidés, impliquer davantage les entreprises et les employeurs publics, rendre plus cohérentes les politiques publiques... Ouvert les 23 et 24 novembre 2007 à Grenoble, le processus de discussion et de négociation du « Grenelle » doit durer 6 mois.

Dernière initiative en date de l'ancien président d'Emmaüs France : le lancement d'une phase ouverte de 10 semaines de consultation sur le RSA, à partir d'un « livre vert » rendu public le 2 mars sur le site www.livrevert-rsa.gouv.fr (7). L'idée est de recueillir des positions sur des questions en débat, « à un moment où d'importantes options restent ouvertes, où de nombreux points doivent être approfondis », explique le Haut Commissariat. Et de préciser que les réponses qui seront apportées « peuvent avoir une influence sur des équilibres sensibles : l'équilibre entre les droits et les devoirs, entre la solidarité nationale et les politiques sociales territoriales, entre différents services publics concernés par une prestation nouvelle et par l'accompagnement des publics ». Sur « le périmètre même des publics concernés » également... In fine, 15 questions principales ont émergé des mois de travaux conduits entre les ministères intéressés ou dans le cadre d'un groupe consultatif auquel ont été conviés les représentants d'une trentaine d'organisations (syndicats, associations, collectivités territoriales). 15 questions qui donnent l'occasion à tous ceux qui le souhaitent de faire valoir leur position sur le processus de réforme en cours. Le « livre vert » a été transmis au Conseil d'orientation pour l'emploi et aux groupes de travail du « Grenelle de l'insertion », dont les contributions sont attendues d'ici au début du mois de mai, une synthèse étant promise pour le milieu de ce même mois. Sont également invités à s'exprimer les organismes représentatifs, les praticiens, les personnes concernées, les acteurs de terrain, le Haut Commissariat souhaitant « une phase de débat préalable la plus large possible ». Sur le fondement de ces consultations, « les options seront tranchées », prévoient les services de Martin Hirsch, qui précisent toutefois que le « livre vert » « ne préjuge pas des décisions retenues »... En d'autres termes, sur la base du résultat des contributions recueillies, le gouvernement « affinera » son projet de réforme qui pourrait « être présenté à l'automne 2008 au Parlement ».

I - LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU RSA

Dispositif de cumul entre revenus d'activité et prestations d'aide sociale, le revenu de solidarité active correspond à une nouvelle conception des prestations sociales, explique le Haut Commissariat : ce n'est plus une allocation différentielle dont on déduit toutes les autres ressources, logique qui « n'est pas adaptée à celles et ceux qui reprennent un emploi ou qui augmentent leur temps de travail à partir d'un temps partiel ». Avec le RSA, les aides sociales complètent les revenus du travail. Et les services de Martin Hirsch d'ajouter : « quand les revenus du travail augmentent, ce complément diminue d'un montant inférieur aux gains du travail. Ainsi, le travail doit toujours demeurer rémunérateur. Il supprime les effets de seuils, ou ce qu'on appelle des «trappes à inactivité» ».

A - L'objet du RSA

Le RSA poursuit un triple objectif. D'une part, « faire en sorte que chaque heure travaillée se traduise, pour l'intéressé, par un accroissement du revenu disponible, c'est-à-dire que le travail «paie» et ce, dès la première heure travaillée ». D'autre part, « compléter les ressources des personnes reprenant une activité pour réduire la prévalence de la pauvreté au sein de la population active occupée ». Enfin, « simplifier les mécanismes d'aide sociale de façon à les rendre plus lisibles » (circulaire du 25 octobre 2007).

Censé apporter une simplification considérable par rapport au système actuel, il est destiné à remplacer le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation de parent isolé (API), la prime pour l'emploi, les primes de retour à l'emploi versées dans le cadre des mécanismes d'intéressement et, le cas échéant, l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Sa mise en oeuvre pourra en outre « s'accompagner d'une réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) pour que les personnes handicapées qui perçoivent cette allocation ne soient pas pénalisées lorsqu'elles reprennent du travail », précisent les services de Martin Hirsch.

In fine, il doit lever un frein majeur à la reprise de travail des titulaires de minima sociaux, faciliter une insertion durable des individus dans l'emploi. Et a pour finalité, concrètement, d'« assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d'atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de famille », prévoit la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - dite loi « TEPA » (loi du 21 août 2007, art. 18).

Avec cette nouvelle prestation, il s'agit non seulement d'inciter au retour à l'emploi mais aussi, et c'est là qu'elle va plus loin que les mesures d'« intéressement » de droit commun, de lutter contre la pauvreté au travail. Comment ? Selon le Haut Commissariat, le RSA a deux effets sur la pauvreté. Un effet immédiat pour les travailleurs pauvres - personnes qui, bien que travaillant, ont des revenus totaux inférieurs au seuil de pauvreté, calculé en prenant 60 % du revenu médian de la population française, soit actuellement 817 € par personne et par mois - qui voient leurs revenus complétés. « Avec le RSA, estime-t-il, ce sont près de 1 million de personnes qui pourraient franchir immédiatement le seuil de pauvreté ». Par ailleurs, il apporte un complément de pouvoir d'achat à plusieurs millions de personnes en bas de l'échelle des salaires. Le RSA a aussi, toujours selon les services de Martin Hirsch, un effet indirect sur la pauvreté : « en garantissant que le travail devient rémunérateur, il permettra à des personnes allocataires du RMI de pouvoir reprendre du travail plus facilement qu'aujourd'hui ».

B - Les personnes éligibles

L'accès au RSA est large, puisqu'il s'adresse à la personne titulaire d'un minimum social « qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité ». « Le terme «activité», dans la logique du dispositif - permettre à chacun de vivre par son travail - renvoie à l'activité professionnelle, en incluant semble-t-il la participation à un stage de formation, explicitement mentionnée [...] dans la définition du RSA appliqué aux bénéficiaires de l'API [1]. » « Surtout, la seule exigence d'exercice d'une activité - et non de (re)prise d'un emploi - permettra de couvrir également les travailleurs pauvres qui perçoivent un minimum social tout en conservant une activité professionnelle réduite et peu rentable, alors que l'intéressement en vigueur est conditionné à une (re)prise d'emploi. » Mais si le principe énoncé dans la loi se veut général, en faisant référence à tous les bénéficiaires d'un minimum social, seules deux catégories de personnes sont éligibles à l'expérimentation du RSA : les titulaires du RMI et de l'API, « les deux minima les plus concernés par la problématique du retour à l'emploi » (Rap. A.N. n° 62, juillet 2007, Carrez, page 319).

Les bénéficiaires des autres revenus d'assistance, tels que l'ASS ou l'AAH, ne sont ainsi pas concernés, pour l'instant tout du moins pour ce qui est des bénéficiaires de l'ASS. S'agissant de l'AAH, « un traitement à part peut être justifié par l'existence pour cette allocation d'un régime spécifique d'intéressement à l'activité qui permet déjà une forme de cumul pérenne allocation/revenu d'activité et par le niveau plus élevé de l'allocation (par rapport aux autres minima sociaux) », explique Dominique Tian, rapporteur de la loi « TEPA » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 84). Pour l'ASS, rappelons que le régime d'intéressement applicable n'a été touché par la réforme opérée par la loi du 23 mars 2006 sur le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux qu'en ce qui concerne les prises d'emploi excédant 78 heures mensuelles. Pour ce qui est des emplois à temps très partiel, dont l'amélioration est l'un des objectifs centraux du RSA, subsiste néanmoins un régime antérieur plus favorable que dans le cas du RMI et de l'API, puisque les revenus d'activité inférieurs à 1/2 SMIC mensuel peuvent être cumulés intégralement avec l'allocation pendant 6 mois, puis ne sont défalqués qu'à hauteur de 40 % pendant les 6 mois suivants.

De manière plus générale, la limitation du dispositif à certaines catégories d'allocataires sociaux « correspond à la logique de l'expérimentation, qui conduit à cibler des groupes limités et déjà connus ». Mais la philosophie du RSA « implique qu'il touche à terme l'ensemble des « travailleurs pauvres », bénéficiaires ou non de minima sociaux. Son équité et son acceptabilité sociale sont à ce prix, tant la question des revenus comparés des bénéficiaires de transferts sociaux et des travailleurs modestes est sensible » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 84).

C - Le mécanisme du RSA

Avec le RSA, le bénéficiaire du RMI ou de l'API qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité perçoit une allocation qui comble le différentiel entre, d'une part, un revenu garanti et, d'autre part, l'ensemble de ses ressources. Le revenu garanti correspondant à la somme d'un minimum forfaitaire et d'une part variable proportionnelle aux revenus d'activité (loi du 21 août 2007, art. 18).

Dans la définition générale qu'elle donne du dispositif - valable pour les bénéficiaires du RMI et de l'API -, la loi « TEPA » prévoit que ce revenu garanti tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de familles (loi du 21 août 2007, art. 18). Mais pour le RSA servi aux allocataires de l'API, d'autres éléments sont à prendre en compte : les éventuels revenus afférents à un stage de formation, assimilés à un revenu d'activité, et la durée de reprise d'activité (loi du 21 août 2007, art. 20, II).

Un amendement a été adopté permettant également aux départements volontaires de tenir compte des droits et des aides connexes dans la composition du revenu garanti et, par conséquent, pour le calcul du revenu différentiel. Retour en arrière : dans sa rédaction initiale, la loi retenait une définition assez restrictive de ce qu'il faut attendre par « ressources », en évoquant les seuls revenus d'activité et les charges de famille. Les parlementaires ont amendé le texte sur ce point. Dans la version définitive du texte, en effet, les départements sont invités à recenser les prestations et aides locales ou extralégales à caractère individuel accordées aux bénéficiaires potentiels du RSA sur leur territoire. Pour l'appréciation des ressources des intéressés, ils peuvent ainsi tenir compte de ces prestations et aides (contribution au paiement de la cantine scolaire, tarification préférentielle pour les transports publics, soutien financier à la garde d'enfants, bourses scolaires, etc.), ainsi que, dans la mesure du possible, de l'ensemble des droits et des aides qui sont accordés aux bénéficiaires du RSA (exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, prime pour l'emploi, couverture maladie universelle complémentaire ou aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire) (loi du 21 août 2007, art. 18). Aucun caractère contraignant n'est attaché à la mesure. La loi n'indique finalement qu'une direction, celle d'une prise en considération de ces prestations et aides, laissant aux départements leur entière liberté dans leur choix.

Pour résumer, le RSA assure à son bénéficiaire un revenu « cible », apprécié au regard des ressources tirées de son activité professionnelle et de la configuration familiale de son foyer. Le cas échéant, il est aussi possible de tenir compte des prestations et des aides sociales - dites « droits connexes ».

A noter : en conformité avec l'objectif fixé par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, il est prévu que les bénéficiaires du RSA sont associés à sa mise en oeuvre dans les départements volontaires à l'expérimentation ainsi qu'à son évaluation (loi du 21 août 2007, art. 18).

D - La fixation du contenu de l'expérimentation par une délibération du conseil général

Les expérimentations locales du RSA en direction des bénéficiaires du RMI - « RSA-RMI » - et de l'API - « RSA-API » - sont organisées en deux phases distinctes et successives :

une phase de candidature, initiée par les actes de candidature des départements adressés au préfet et conclue par la publication d'un ou de plusieurs décrets autorisant les départements à expérimenter ;

une phase de mise en oeuvre des expérimentations au cours de laquelle la collectivité territoriale fixe, par délibération transmise au préfet, les dispositions qui vont régir l'expérimentation et déroger aux dispositions législatives et réglementaires nationales. Des précisions sont apportées par l'administration concernant les actes pris au cours de cette seconde phase. « En raison de leur caractère dérogatoire au droit commun des délibérations locales, ces actes à caractère général et impersonnel obéissent à un régime juridique spécifique », explique-t-elle à titre liminaire. En particulier, deux types d'exigences spécifiques sont applicables à ces délibérations, mais aussi aux actes qui les modifient au cours de la phase d'expérimentation (circulaire du 25 octobre 2007) :

- inclure la liste des dispositions législatives et, le cas échéant, réglementaires auxquelles elle déroge (voir page 28). « L'affichage des dérogations dans la délibération répond à une exigence de clarté et d'accessibilité de la règle de droit fixée dans le cadre expérimental : il permet à chaque bénéficiaire du RMI concerné par l'expérimentation de connaître les dispositions qui lui sont applicables »,

- fixer la durée de validité de la délibération. Par dérogation au droit commun de l'entrée en vigueur des actes à caractère général et impersonnel des collectivités territoriales, l'entrée en vigueur de la délibération intervient lors de sa publication au Journal officiel. Et un tel acte, ajoute la circulaire, cesse de produire des effets de droit au plus tard à la fin de la durée de la phase expérimentale, soit 3 ans à compter de la publication du décret autorisant le département à expérimenter. Avec cette précision : le conseil général est libre de définir, dans sa délibération, « une période d'expérimentation plus courte ou de prévoir par une délibération ultérieure une fin anticipée de l'expérimentation ».

A noter : cette procédure exceptionnelle de publicité - délibération transmise au préfet de département puis publiée au Journal officiel - ne s'applique pas aux actes individuels entrant dans le champ de l'expérimentation, qui restent donc soumis aux règles de publicité de droit commun. Elle ne s'applique pas davantage aux délibérations des départements qui ne comporteraient aucune dérogation aux règles nationales et ne feraient que mettre en oeuvre des compétences de droit commun du département en matière de RMI ou d'action sociale (circulaire du 25 octobre 2007).

E - Les départements expérimentateurs

La loi « TEPA » permet aux 17 départements qui ont, avant le 30 juin 2007, fait part de leur volonté d'expérimenter l'une et/ou l'autre des 2 expérimentations prévues par l'article 142 de la loi de finances pour 2007 (voir page 22) d'expérimenter le RSA, et leur ouvre un nouveau délai, qui courait jusqu'au 30 septembre 2007, pour éventuellement apporter les adaptations nécessaires à leur dossier de candidature (loi du 21 août 2007, art. 21, I). Tous ont manifesté leur envie d'entrer dans les programmes d'expérimentation du RSA.

La loi a par ailleurs étendu la possibilité de participer à l'expérimentation du RSA à de nouveaux départements - dans la limite de 10 -, qui avaient jusqu'au 31 octobre 2007 pour faire acte de candidature. Si le nombre de candidats était supérieur à 10 à cette date, les départements devaient être retenus selon deux critères : le potentiel fiscal par habitant en 2007 et le nombre de bénéficiaires du RMI rapporté au nombre d'habitants du département, apprécié au 31 décembre 2006 (loi du 21 août 2007, art. 21, II).

Au total, donc, ce sont 27 départements qui devaient être concernés par cette expérimentation, pouvant être mise en oeuvre sur tout ou partie de leur territoire. Mais, sur proposition de Martin Hirsch, celle-ci a finalement été ouverte, « sous réserve de l'examen technique et juridique de leur dossier », « à tous les départements ayant fait acte de candidature avant le 31 octobre, ce qui porte de 27 à 40 le nombre potentiel de départements expérimentateurs », a annoncé le Haut Commissariat dans un communiqué du 16 novembre. Cette extension du nombre potentiel de départements expérimentateurs du RSA a été entérinée par l'article 123 de la loi de finances pour 2008.

Au final, les 40 départements se sont portés volontaires pour expérimenter le RSA. Au moment où nous publions ce dossier, 34 d'entre eux ont d'ores et déjà été habilités par d

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