Recevoir la newsletter

La loi réformant la protection de l'enfance (suite et fin)

Article réservé aux abonnés

Nous achevons notre présentation de la loi réformant la protection de l'enfance avec les mesures élargissant l'éventail des modes d'intervention en faveur des familles et celles qui améliorent leurs rapports avec les services de l'aide sociale à l'enfance.

IV - LA DIVERSIFICATION DES MODES D'INTERVENTION

A - L'accompagnement budgétaire des familles (art. 20 de la loi)

La loi organise un accompagnement budgétaire des familles en deux étapes. La première consiste en un « accompagnement en économie sociale et familiale » dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. La seconde, mise en oeuvre uniquement si cet accompagnement s'avère insuffisant, réside dans la mise sous tutelle des prestations familiales lorsque ces dernières ne sont pas employées pour les besoins liés à l'entretien des enfants.

1 - UN ACCOMPAGNEMENT EN ÉCONOMIE SOCIALE ET FAMILIALE

préserve la pleine capacité juridique des parents mais pourra permettre à de nombreuses familles en situation de précarité économique d'éviter par une mauvaise gestion de leur budget d'aggraver leur marginalisation sociale en risquant, par exemple, une expulsion du logement faute de pouvoir en assumer la charge financière »(Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 98)

« »,d'organiser l'intervention des CESF dans les familles au titre de la protection administrative de l'enfance et de limiter le recours, aujourd'hui excessif, au juge en la matière(Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 70)un texte réglementaire devrait définir les modalités pratiques d'intervention de ces professionnels et préciser quels seront les travailleurs sociaux habilités pour mener cet accompagnement(Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 98)

2 - UNE MESURE JUDICIAIRE D'AIDE À LA GESTION DU BUDGET FAMILIAL

Le dispositif judiciaire dit de « tutelle aux prestations sociales «enfant» » est rebaptisé « mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial ». Il est transféré du code de la sécurité sociale (CSS) au nouvel article 375-9-1 du code civil pour, selon l'exposé des motifs de la loi, être mieux identifié comme une mesure d'assistance éducative ordonnée par le juge des enfants.

Lorsque les prestations familiales ne sont pas employées pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et que l'accompagnement en économie sociale et familiale (voir ci-dessus) n'apparaît pas suffisant, le juge des enfants peut ordonner qu'elles soient, en tout ou en partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée dite « délégué aux prestations familiales » (nouvelle dénomination de l'ancien « tuteur aux prestations sociales »).

a - De nouvelles garanties pour les familles

Les situations susceptibles de conduire à l'ouverture d'une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial sont redéfinies. La référence aux « conditions d'alimentation, de logement et d'hygiène manifestement défectueuses », qui, selon André Lardeux, « peuvent malheureusement être totalement indépendantes de la bonne volonté des parents » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 71), est en effet remplacée par la notion d'emploi des prestations familiales pour des besoins autres que ceux liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants.

Autre voie d'amélioration du dispositif : le rôle éducatif confié au délégué aux prestations familiales. Valérie Pecresse a estimé que « cette mesure judiciaire a avant tout une portée pédagogique » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 99). La loi prévoit en effet que le délégué exerce auprès de la famille une action éducative visant à rétablir les conditions d'une gestion autonome des prestations. A cet effet, il prend l'ensemble de ses décisions en s'efforçant, d'une part, de recueillir l'adhésion des bénéficiaires des prestations familiales et, d'autre part, de répondre aux besoins liés à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants.

Enfin, « la procédure de mise en oeuvre de la décision judiciaire est beaucoup plus protectrice des droits des familles », a expliqué la rapporteure (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 99). La liste des personnes habilitées à saisir le juge aux fins d'ordonner cette mesure d'aide sera en effet fixée par décret. En outre, la décision du juge doit dorénavant fixer la durée de la mesure, qui ne peut excéder 2 ans sauf renouvellement pris par une décision motivée.

b - Les règles de mise en oeuvre de la mesure

Les prestations visées

Les prestations familiales concernées par la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial sont celles listées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale. Il s'agit de la prestation d'accueil du jeune enfant, des allocations familiales, du complément familial, de l'allocation de logement, de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, de l'allocation de soutien familial, de l'allocation de rentrée scolaire, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation journalière de présence parentale.

Tout comme la tutelle aux prestations sociales, la mesure d'aide à la gestion du budget familial n'est pas applicable à la prime forfaitaire mensuelle d'intéressement au retour à l'activité versée aux bénéficiaires de l'allocation parent isolé lorsqu'ils retrouvent un emploi (C. civ., art. 375-9-1 nouveau).

La loi précise en outre que lorsqu'un délégué aux prestations familiales a été nommé, il reçoit de plein droit les allocations mensuelles d'aide à domicile assurées dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, comme c'était le cas du tuteur aux prestations sociales (CASF, art. L. 222-4, al. 2 modifié).

La loi relative à la protection juridique des majeurs du 5 mars dernier a par ailleurs prévu la possibilité pour le juge de décider que le délégué aux prestations familiales pourra percevoir la rente accident du travail lorsqu'elle est versée aux enfants en cas de décès de son bénéficiaire (CSS, art. L. 434-12 nouveau).

La prise en charge des frais

Les articles L. 552-6 (pour la France métropolitaine) et L. 755-4 (pour les départements d'outre-mer) du code de la sécurité sociale, qui ne font désormais que renvoyer au nouveau mécanisme introduit dans le code civil, indiquent que « la charge des frais de la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial incombe à l'organisme débiteur des prestations familiales dues au bénéficiaire de la mesure », comme c'était déjà le cas pour la tutelle aux prestations familiales. La loi réformant la protection juridique des majeurs a en outre précisé que « si plusieurs prestations sociales sont perçues par le délégué, la charge incombe à l'organisme versant la prestation au montant le plus élevé » (CASF, art. L. 222-4-1 modifié).

c - Des incertitudes sur la qualité du délégué

L'exercice de la fonction par un professionnel coordonnateur

Au cours des débats parlementaires se sont élevées des inquiétudes concernant l'articulation des dispositions de la loi réformant la protection de l'enfance avec celles de la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 au regard de la mesure d'aide à la gestion du budget familial (1).

En effet, l'article 8 de cette dernière prévoit que le maire, informé par un professionnel de l'action sociale que l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille nécessite l'intervention de plusieurs professionnels, saisi par le président du conseil général ou de sa propre initiative, doit désigner parmi les professionnels qui interviennent auprès d'elle un coordonnateur lorsque l'efficacité et la continuité de l'action sociale le rendent nécessaire (CASF, art. L. 121-6-2 nouveau). Son article 10 prévoit qu'il peut, conjointement avec l'organisme débiteur des prestations familiales, saisir le juge des enfants pour lui signaler les difficultés d'une famille et lui indiquer s'il a désigné un coordonnateur. Le juge peut alors désigner ce coordonnateur pour exercer la fonction de délégué aux prestations familiales.

Aussi le député (PS) Lilian Zanchi s'est-il inquiété de la « possibilité [...] donnée au maire de désigner un professionnel chargé de coordonner l'action des autres professionnels autour de l'enfant - assistante sociale de l'Education nationale ou du conseil général, travailleur social, professeur - qui pourra être délégué [aux prestations familiales] » (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 152). Philippe Bas a rassuré sur ce point en indiquant que « ce sera un travailleur social » (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 152). Par ailleurs, la loi relative à la prévention de la délinquance précise que l'exercice de cette fonction par le coordonnateur obéit non seulement aux règles posées par l'article 375-9-1 du code civil (voir ci-dessus), mais également à celles prévues par la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs du 5 mars 2007 et introduites à l'article L. 474-3 ainsi qu'aux deux premiers alinéas de l'article L. 474-5 du code de l'action sociale et des familles (2) (C. civ., art. 375-9-2).

L'exercice de la fonction par une personne physique

La loi réformant la protection de l'enfance a prévu que la fonction de délégué aux prestations familiales pouvait être exercée aussi bien par une personne physique que morale. Certains parlementaires se sont inquiétés de la possibilité de confier la fonction à une personne physique. Ainsi, selon le sénateur (CRC) Guy Fischer, « contrairement aux personnes morales, les personnes physiques ne présentent pas la formation et les garanties d'objectivité qu'il faut impérativement faire prévaloir en ce domaine. [...] Par ailleurs, les personnes morales, notamment les associations agréées, sont soumises à des contraintes de comptabilité permettant d'éviter une gestion hasardeuse et floue » (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1393). Argument rejeté par le sénateur (UDF) Nicolas About, qui a indiqué que « la réforme des tutelles résout cette question en prévoyant des conditions strictes de qualification et d'agrément » (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1393). Ces mesures sont en effet prévues aux nouveaux articles L. 474-1 à L. 474-8 du code de l'action sociale et des familles, mais leur date d'entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2009 (3).

B - La diversification des modes d'accueil

« Aujourd'hui, dans le cadre des mesures d'assistance éducative, le juge est placé devant une alternative stricte : soit il maintient l'enfant dans sa famille, en le faisant suivre par un service d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), soit il l'extrait de son milieu familial », a résumé le rapporteur André Lardeux. « Cette dichotomie traditionnelle entre action à domicile et hébergement de l'enfant n'[étant] plus adaptée dans un contexte où la recherche de solutions individualisées est privilégiée », la loi a entendu y remédier. Elle offre ainsi au juge la possibilité de recourir à une nouvelle modalité d'accueil en donnant une base légale à des initiatives prises par des départements (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 61). Il s'agit d'apporter une réponse aux « situations familiales qui ne sont pas suffisamment dégradées pour envisager une séparation complète de l'enfant d'avec ses parents, mais trop problématiques pour maintenir une présence permanente », a récapitulé Valérie Pecresse (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 89).

1 - LA MISE EN OEUVRE DE LA MESURE D'ACCUEIL (art. 14 et 17)

a - L'ordre des placements

La diversification des modes d'accueil conduit à réorganiser l'ordre de priorité selon lequel le juge des enfants peut décider de confier le mineur à un établissement, un service ou une personne. Ainsi, selon l'article 375-3 du code civil, le juge peut décider de confier l'enfant à :

l'un des deux parents, comme c'était déjà le cas auparavant ;

un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance (sans changement) ;

un service départemental de l'aide sociale à l'enfance, qui passe de la 4e à la 3e position ;

un service ou un établissement habilité pour l'accueil à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge, ce qui constitue la nouvelle modalité d'accueil (4) (voir page 21) ;

enfin, un service ou un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisée.

Quel que soit le choix opéré par le juge, celui-ci se prononce « en stricte considération de l'intérêt de l'enfant » en application de l'article L. 375-1 du code civil, a-t-il été rappelé au cours de la discussion parlementaire. Un rappel fait à l'occasion d'une réserve que souhaitait introduire le sénateur (UMP) Alain Milon sur la possibilité de confier l'enfant à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, et consistant dans une évaluation préalable des besoins de l'enfant et de la qualité du milieu accueillant. Envisageant les hypothèses de placement « dans des familles élargies, dans des lieux hautement toxiques ou encore de «troubles graves de la personnalité» », il voulait s'assurer que « les personnes et les lieux d'accueil concernés [aient] fait l'objet d'une réelle évaluation (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 du 22-06-06, page 5050). Adoptée par le Sénat, la précision a finalement été supprimée par l'Assemblée nationale. Selon Valérie Pecresse, la précaution du Sénat était inutile « dans la mesure où la cohérence de l'ensemble du système repose sur le fait que le juge doit se prononcer, dans tous les cas, en stricte considération de l'intérêt de l'enfant et que tout placement ne doit être envisagé que si le lieu d'accueil concerné a fait l'objet d'une réelle évaluation » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 91).

Autre précision apportée par la rapporteure : « le «tiers digne de confiance» mentionné dans l'article peut évidemment être le partenaire pacsé » (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 141).

b - Le motif du placement

Les cas où des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice sont étendus aux situations dans lesquelles le développement physique, affectif, intellectuel et social du mineur est gravement compromis (C. civ., art. 375 modifié). En outre, la notion de « nécessité de retirer l'enfant » est remplacée par une « exigence de protection de l'enfant ». Ainsi, l'article 375-3 du code civil abandonne « la notion couperet de retrait de l'enfant pour lui substituer celle de protection nécessaire », a expliqué Valérie Pecresse (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 90).

c - L'allongement de la durée du placement au-delà de 2 ans

Les règles de fixation de la durée du placement sont prévues à l'article 375 du code civil selon lequel la décision du juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder 2 ans. Le magistrat peut toutefois la renouveler par décision motivée.

La loi prévoit que le juge peut désormais allonger la durée de la mesure d'accueil, exercée par un service ou une institution, au-delà de 2 ans. C'est le cas lorsque des parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l'état actuel des connaissances, et qui affectent durablement leurs compétences dans l'exercice de leur responsabilité parentale. Cette mesure vise à permettre à l'enfant de bénéficier d'une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu'il est adapté à ses besoins immédiats et à venir (C. civ., art. 375, al. 3 nouveau).

Cet allongement concerne des hypothèses où « l'on sait d'avance, dans certaines situations exceptionnelles, que la mesure de placement sera reconduite », a expliqué Philippe Bas (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 137). Il peut s'agir par exemple d'une condamnation des parents à une peine de prison ou d'une affection psychiatrique lourde et irréversible. Dans le cas « d'une altération importante des capacités de discernement du fait d'une psychose chronique ou d'une déficience intellectuelle, c'est-à-dire de pathologies spécifiques sans perspective de guérison dans l'état actuel [des] connaissances », a expliqué la députée (PS) Patricia Adam, il s'agit de permettre aux enfants « d'envisager un avenir stable au sein de la famille qui les accueille » sans craindre d'être, au bout de 2 ans, de 1 an ou même de 6 mois, rendus à leurs parents biologiques (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 136). La rapporteure Valérie Pecresse a rejoint cette position, admettant « que remettre en cause tous les 2 ans le placement de l'enfant peut être à l'origine de souffrances, pour lui, pour les parents d'accueil et pour les parents légaux » (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 137).

Malgré ces précisions, des parlementaires ont fait part de leurs inquiétudes au cours des débats, au regard du caractère flou de la mesure. Ainsi, le sénateur (CRC) Guy Fischer s'est interrogé sur le caractère cumulatif ou alternatif des critères de « difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques ». S'agissant notamment de l'exemple des détenus évoqué à l'Assemblée nationale, « la détention est-elle en soi constitutive de difficultés relationnelles et éducatives ? », s'est-il inquiété (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1984).

La crainte d'une décision de placement prise pour une durée « indéterminée » a également été évoquée. A cet égard, la loi prévoit un garde-fou : un rapport concernant la situation de l'enfant doit être transmis annuellement au juge (C. civ., art. 375, al. 4 nouveau). Répondant à la demande formulée par la sénatrice (UMP) Marie-Thérèse Hermange de voir un décret préciser que ce rapport doit être rendu par le service ou l'établissement auquel le mineur a été confié, Philippe Bas s'est engagé à ce que « cette injonction concernant la transmission annuelle d'un rapport au juge des enfant [ne reste pas] lettre morte » (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1986).

La remise d'un rapport annuel au juge semble par ailleurs apporter un premier élément de réponse par rapport à l'enjeu de l'instauration d'un réexamen périodique de la mesure d'accueil à la place du réexamen limité à l'échéance de la mesure, si toutefois la remise de ce rapport concerne bien toutes les mesures d'accueil prononcées et pas seulement celles qui le sont pour une durée supérieure à 2 ans.

2 - LA RECONNAISSANCE DE NOUVEAUX MODES D'ACCUEIL (art. 22)

Dans de nombreux départements, ont été mises en place des formules d'accueil alternatives plus souples, qui ont montré leur intérêt en permettant de mieux répondre aux besoins de l'enfant et de sa famille. La loi leur donne une base légale. Selon Philippe Bas, cette diversification des modes d'accueil « permettra de graduer les réponses selon les besoins de l'enfant et selon l'évolution de sa situation familiale » (J.O. Sén. [C.R.] n° 61 du 21-06-06, page 4963). André Lardeux s'est quant à lui félicité de la reconnaissance de « solutions innovantes comme l'accueil de jour ou encore l'accueil périodique ou exceptionnel », soulignant que « leur mise en oeuvre repos[ait], jusqu'à présent, sur la bonne volonté de quelques magistrats et sur la bienveillance des conseils généraux, qui acceptent d'imaginer des formules de financement à la carte ». « Il était temps de leur donner une base légale », a-t-il ajouté, non seulement pour résoudre les problèmes juridiques que cette absence de reconnaissance législative entraînait mais aussi afin de permettre leur développement (J.O. Sén. [C.R.] n° 61 du 21-06-06, page 4966). « Ces nouvelles mesures ont un coût, évalué par le gouvernement à 10 millions d'euros », a-t-il précisé (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 77).

a - L'accueil de jour

Tous les départements ont désormais la possibilité de recourir à une forme d'accueil sans hébergement encadrée par la loi qui reconnaît un statut juridique aux centres d'accueil de jour.

Ainsi, sur décision du président du conseil général, le service de l'aide sociale à l'enfance et les services habilités peuvent accueillir tout mineur, pendant tout ou partie de la journée, dans un lieu situé, si possible, à proximité de son domicile. Cet accueil a non seulement pour objet d'apporter un soutien éducatif à l'enfant mais également d'assurer un accompagnement à sa famille dans l'exercice de la fonction parentale (CASF, art. L. 222-4-2 nouveau). Selon Valérie Pecresse, « ce nouvel outil de soutien éducatif est notamment susceptible d'être actionné pour des adolescents en conflit avec leur famille » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 74).

b - L'accueil ponctuel et séquentiel

Le service de l'aide sociale à l'enfance, sur décision du président du conseil général, conserve par ailleurs sa mission de prise en charge des mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel. La loi prévoit désormais expressément que l'accueil peut être effectué aussi bien à temps complet qu'à temps partiel. Il est en outre modulable en fonction des besoins des enfants, en particulier de leur besoin de stabilité affective (CASF, art. L. 222-5 modifié). L'introduction de cette dernière notion vise à éviter « le plus possible les décisions impliquant des ruptures, facteurs importants de troubles » pour les enfants, a expliqué la députée (PS) Patricia Adam (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 153).

c - L'accueil spécialisé en cas de difficultés particulières

Une voie d'accueil spécifique est réservée aux mineurs qui rencontrent des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou service social ou médico-social à caractère expérimental prévu par le 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF, art. L. 222-5 modifié).

A noter : le 24 avril, Philippe Bas a signé la charte d'engagements pour la création, dans le département de l'Eure-et-Loir, du premier établissement expérimental tel qu'autorisé par cette disposition. Baptisé « internat socio-éducatif médicalisé pour adolescents » (Isema), il accueillera, à partir de novembre 2007, des enfants de 12 à 18 ans en danger, retirés de leurs familles et présentant de graves troubles du comportement.

d - L'accueil d'urgence en cas de danger

Aucune décision d'admission au service de l'ASE ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux sauf lorsque l'enfant est confié au service par une décision judiciaire ou lorsque les représentants légaux sont dans l'impossibilité de donner cet accord, prévoit le premier alinéa de l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles. La loi aménage ce principe afin de « mieux distinguer les procédures applicables en matière d'accueil d'urgence des mineurs au sein de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, selon que l'enfant est en danger au sein de sa famille ou qu'il se met en danger en fuguant, se retrouvant alors à la rue sans protection familiale », a expliqué André Lardeux (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 S. du 22-06-06, page 5062).

Dans la première hypothèse, s'agissant d'une intervention « classique » de protection de l'enfance, « il n'est donc possible de se passer de l'accord des parents pour recueillir l'enfant que si ces derniers sont dans l'impossibilité d'exprimer leur consentement » (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 du 22-06-06, page 5062). La loi distingue donc deux cas de figure selon que le représentant légal ne peut pas ou ne veut pas donner son accord :

lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service de l'ASE qui en avise immédiatement le procureur de la République. Si dans un délai de 5 jours, l'enfant ne peut pas être remis à sa famille ou si le représentant légal n'a pas pu ou n'a pas voulu donner son accord, le service est tenu de saisir l'autorité judiciaire en application de l'article 375-5 du code civil afin qu'une décision de placement provisoire soit prise ;

lorsque le représentant légal refuse de donner son accord bien qu'étant en mesure de le faire, le service doit saisir l'autorité judiciaire afin qu'une mesure d'accueil provisoire soit ordonnée.

Le cas des mineurs en fugue est envisagé dans une seconde hypothèse. « Il y a non pas carence éducative, mais conflit entre un adolescent et ses parents. La mise à l'abri de l'enfant doit être possible, sans qu'il soit nécessairement utile d'engager une démarche d'admission à l'aide sociale à l'enfance », a précisé André Lardeux (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 du 22-06-06, page 5062). Ainsi, en cas de danger immédiat ou de suspicion de danger immédiat concernant un mineur ayant abandonné le domicile familial, le service peut, dans le cadre des actions de prévention, pendant une durée maximale de 72 heures, accueillir le mineur, sous réserve d'en informer sans délai les parents, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur, ainsi que le procureur de la République. Cette période « doit être mise à profit pour faire le point avec le jeune et, le cas échéant, engager une médiation familiale pour préparer son retour chez ses parents », a estimé André Lardeux (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 74). Si, au terme de ce délai, le retour de l'enfant dans sa famille n'a pas pu être organisé, une procédure d'admission à l'aide sociale à l'enfance ou, à défaut d'accord des parents ou du représentant légal, une saisine de l'autorité judiciaire est engagée.

e - L'hébergement exceptionnel ou périodique

Selon l'exposé des motifs de la loi, il s'agit d'un accueil provisoire qui peut être très ponctuel ou se répéter selon une fréquence déterminée. Il vise notamment à éloigner l'enfant pendant une période de crise familiale ou à des moments où il est exposé à des risques, dans des situations ne nécessitant pas pour autant un accueil durable. Cet accueil doit permettre de maintenir le lien de l'enfant avec les parents et de revenir rapidement chez lui dans un climat apaisé, en toute sécurité.

La loi prévoit que lorsque le juge des enfants a décidé de confier un mineur à un service d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), il peut autoriser ce service a lui assurer un hébergement exceptionnel ou périodique (C. civ., art. 375-2 modifié). Cette autorisation préalable évite d'avoir à requérir une ordonnance du juge des enfants avant chaque période d'hébergement.

Cependant, a souligné André Lardeux, « l'hébergement de mineurs suppose la mobilisation de moyens humains et matériels dont tous les services d'AEMO ne disposent pas et il est nécessaire de vérifier que toutes les conditions de sécurité et de compétence sont remplies avant d'autoriser un service à pratiquer ce type de prise en charge » (Rap. Sén. n° 205, février 2006, Lardeux, page 47). C'est pourquoi la loi prévoit que ce service doit être spécifiquement habilité à cet effet. En revanche, elle ne précise pas quelle est l'autorité compétente pour procéder à l'habilitation. « Compte tenu du fait que l'hébergement assuré par les services d'AEMO sera financé pour partie par l'Etat, sur le budget de la protection [judiciaire] de la jeunesse, et pour partie par le département, il semble normal que cette habilitation soit délivrée conjointement par le préfet et le président du conseil général », a précisé André Lardeux (Rap. Sén. n° 205, février 2006, Lardeux, page 47). Cette précision devrait intervenir par décret, Philippe Bas s'y étant engagé (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1395).

Enfin, chaque fois qu'il héberge le mineur en vertu de l'autorisation que lui a donnée le juge des enfants, le service en informe sans délai ses parents ou ses représentants légaux ainsi que le juge lui-même et le président du conseil général. L'initiative de l'hébergement appartient donc au service et les parents peuvent contester sa décision devant le juge (C. civ., art. 375-2 modifié).

V - LES RAPPORTS DES FAMILLES AVEC LES SERVICES DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE

En vue de clarifier la place respective de la famille et du professionnel qui intervient auprès d'elle, la loi prévoit l'élaboration d'un document appelé « projet pour l'enfant » dans lequel sont formalisés les objectifs et les modalités d'intervention auprès de la famille. Des aménagements relatifs aux droits des parents sont également prévus.

A - L'évaluation de la situation du mineur et la formalisation d'un « projet pour l'enfant » (art. 19)

La loi complète l'article L. 223-1 du code de l'action sociale et des familles afin de mieux définir les droits des familles dans leurs rapports avec l'ASE. Elle prévoit tout d'abord qu'une évaluation de la situation prenant en compte l'état du mineur, la situation de la famille et les aides auxquelles elle peut faire appel dans son environnement doit avoir lieu avant l'attribution d'une ou de plusieurs prestations d'aide sociale à l'enfance (CASF, art. L. 223-1, al. 4 nouveau).

Ensuite, les services départementaux et les titulaires de l'autorité parentale établissent un document intitulé « projet pour l'enfant » qui précise les actions qui seront menées auprès de l'enfant, de ses parents et de son environnement, le rôle des parents, les objectifs visés et les délais de leur mise en oeuvre. « Ce document répond à une demande pressante des familles qui ont fait valoir qu'elles rencontraient des difficultés à entretenir des relations régulières avec les services de l'ASE, l'établissement de placement et éventuellement d'autres intervenants qui accompagnent la famille », a expliqué Valérie Pecresse (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 95). Il désigne l'institution et la personne chargées d'assurer la cohérence et la continuité des interventions. Au sein de l'institution, la personne qui est plus particulièrement chargée de

LES POLITIQUES SOCIALES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15