Le secteur social ne peut s'affranchir des règles européennes en matière de concurrence ou de marchéintérieur.
D'une part, parce que de nombreuses législations ou pratiques nationales se doivent d'être conformes aux règles et pratiques communautaires, soit qu'elles appliquent une norme décidée au niveau européen, soit qu'elles doivent obtenir l'accord des institutions de l'Union européenne. Selon les cas, le secteur social peut être considéré comme un acteur du jeu économique ou enêtre exclu.
D'autre part, la vision française traditionnelle d'un secteur social fort et hors du marché n'est pas partagée partout en Europe. Par exemple, aux Pays-Bas, le secteur du logement social n'est pas considéré comme un service devant s'abstraire des règles du marché. De même, au Royaume-Uni, celui des foyers de personnes âgées. Dans de nombreux pays également, l'aide à la recherche d'emploi, l'insertion par l'activité économique sont autant de créneaux qui peuvent être occupés par des entreprises à but lucratif.
Ensuite, le secteur social, même en France, n'est plusà l'abri de la concurrence. Si des domaines sont encore relativement protégés (protection de l'enfance, par exemple), certains, comme celui des personnes âgées ou les services aux personnes, se sont ouverts, ou s'ouvrent, au secteur lucratif.
Précisons que la Commission européenne, chargée par les Etats membres de veiller au bon fonctionnement de la concurrence et du marché intérieur, ne procède pas à un contrôle systématique et préalable de toutes les législations et pratiques nationales en vigueur. C'est souvent à l'occasion soit d'une déclaration volontaire de l'Etat concerné, soit d'une plainte qu'elle va se saisir d'un dossier. Rien n'interdit d'ailleurs à des associations ou à des organismes sociaux de faire entendre leur voix auprès de la Commission européenne contre des ententes ou des concentrations dont elles seraient victimes.
Le champ d'application des règles de la concurrence au niveau européen s'inscrit dans un autre schéma de raisonnement que celui prévalant en France. Les distinctions entre service public et service privé, entre but lucratif et but non lucratif, n'interviennent pas. Est examiné en priorité le caractère« économique » de l'activitéexercée, caractère qui peut être appréciédifféremment suivant les pays européens (l'insertion par l'économique, les foyers de personnes âgées, le logement social sont dans certains pays considérés comme des activités autant économiques que sociales). Il n'y a pas de définition commune des services publics ou des services d'intérêt général.
D'une façon générale, p our être soumis aux règles de la concurrence, il faut remplir deux conditions principales : être considérécomme une entreprise (au sens européen) et que l'activité considérée ait un effet potentiel sur les échanges communautaires.
Les « entreprises» sont soumises aux règles de la concurrence. Mais la définition de l'« entreprise » au plan européen n'est pas similaire à celle qui s'applique en France. Au niveau communautaire, en effet, « toute entitéexerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique (de droit public ou privé) ou de son financement, est une entreprise ». La notion du but« lucratif » ou « non lucratif » n'entre donc que peu en ligne de compte.
Exemple : une agence publique pour l'emploi a ainsiété reconnue comme une« entreprise ». La Cour de justice a estimé que « l'activité de placement de main-d'œuvre est une activité économique. [...] La circonstance que les activités de placement sont normalement confiées à des offices publics ne saurait affecter la nature économique de ces activités » (1).
En revanche, une commune agissant en qualitéd'autorité publique ne peut pas être considérée comme une entreprise. Ainsi, quand elle concède de manière exclusive l'exécution d'un service public, le contrat de concession ne peut donc être sanctionné au titre des accords entre entreprises (2).
Une association qui exerce une activitéconsidérée comme « économique »sera donc soumise aux règles de la concurrence. Quant aux organismes de sécurité sociale, une distinction subtile aété opérée par la Cour de justice (voir encadré ci-contre).
On l'aura compris, le secteur public ou exerçant une mission publique d'intérêt général (notions qui ne sont pas définies précisément au niveau européen) n'est pas soustrait aux règles de la concurrence. Selon le Traité des Communautés européennes, un Etat ne peut « édicter ou maintenir des mesures contraires aux règles [européennes] », notamment de la concurrence, pour ses « entreprises publiques et les entreprises auxquelles il accorde des droits spéciaux ou exclusifs », par exemple en situation de monopole (art. 86 § 1 TraitéCE ; art. III-166 § 1 du projet de Constitution).
De même, les « entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises [à ces] règles ». Une nuance est cependant apportée : « mais dans les limites où [leur] application ne fait paséchec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a étéimpartie » (art. 86 § 2 Traité CE ;art. III-166 § 2 du projet de Constitution).
Le fonctionnement des SIEG est une responsabilitépartagée, comme l'indique le Traité. « La Communauté et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application du présent Traité des Communautés européennes, veillent à ce que ces services [d'intérêt économique général] fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions [...] eu égard au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » (art. 16 Traité CE ; art. III-122 du projet de Constitution).
Dans son Livre blanc adopté en mai 2004 (3), la Commission définit les SIEG comme des « services de nature économique que les Etats membres ou la Communauté soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d'un critère d'intérêt général. Cette notion couvre donc plus particulièrement certains services fournis par les grandes industries de réseau comme le transport, les services postaux, l'énergie et les communications. »Mais pas seulement, étant donné le flou régnant au niveau européen sur la nature« économique » des services.
De son côté, la jurisprudence a fait émerger cinq conditions pour qu'un service soit considérécomme « d'intérêt économique général » (4) :
l'entreprise doit avoir étéchargée de la mission par une décision des autorités publiques ;
la fourniture du service doitêtre ininterrompue ;
le service doit couvrir l'intégralité du territoire concédé ;
le service doit s'adresser à tous les utilisateurs finaux dans les quantités demandéesà tout moment, les tarifs devant être uniformes ;
les conditions de la prestation du service ne peuvent varier que selon des critères objectifs applicables à tous les clients. A noter : dans la plupart des cas, c'est àl'organisme en cause d'apporter la preuve que l'application des règles de concurrence est incompatible avec l'exercice de sa mission (5).
L'appréciation du respect des règles de la concurrence passe par l'examen des effets que peuvent avoir sur leséchanges communautaires les pratiques des entreprises (ententes, position dominante [voir page 26]) ou les aides publiques qu'elles reçoivent (voir ci-contre). Pour les institutions communautaires, il n'est ainsi pas nécessaire que le comportement de l'entreprise en cause ait effectivement affecté le commerce ; il suffit d'établir que« ce comportement est de nature à avoir un tel effet » (6). Le fait par exemple que l'entreprise bénéficiaire d'aides publiques ne participe pas aux activités transfrontalières (7), que l'activité soit concentrée au niveau régional (8), que la taille de l'entreprise soit relativement modeste (9) ou le montant modique de l'aide n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre Etats membres soient affectés.
La Cour de justice a cependant tempéré cette analyse, estimant que, « dans des secteurs économiques particuliers qui ne sont pas soumis à une forte concurrence au niveau communautaire, la modicité des aides accordéesà une entreprise sur une période donnée exclut que les échanges entre Etats membres soient affectés » (10). Interprétation qui a été réglementée ensuite par la Commission sous le nom d'« exception de minimis ».
Pour l'Union européenne, les restrictions de la concurrence peuvent être le fait des autorités publiques (Etat, collectivités locales...) lorsque celles-ci accordent des aides aux opérateurs économiques. Le Traitéprévoit, sinon l'interdiction totale, du moins la stricte limitation des « aides d'Etat » (art. 87 Traité CE ; art. III-167 du projet de Constitution).
Les aides sociales échappent généralement àcette interdiction par différents mécanismes, directs ou indirects (exception pour les aides sociales individuelles, exception de minimis, exception pour l'aide àl'embauche de personnes défavorisées ou handicapées, exception pour les salariés d'entreprises en difficulté...).
Sont incompatibles avec le marché intérieur« les aides qui répondent à plusieurs critères :
accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit ;
qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ;
qui affectent les échanges entre les Etats membres ».
Si l'un de ces critères n'est pas rempli, la mesure est soustraite au contrôle de la Commission européenne.
Le terme d'« aides d'Etat » est trompeur. Il ne désigne pas uniquement les aides octroyées par l'Etat mais toutes les aides publiques ou au moyen de fonds publics. L'aide peut ainsi émaner d'une collectivitélocale, d'un établissement public, d'une sociétéprivée ou publique sous statut privé, d'une association, ainsi que d'un organisme vivant de ressources publiques ou dans lequel l'Etat, un établissement public ou une collectivité locale exercent, directement ou indirectement, une influence prépondérante.
Toutes les formes d'aides sont concernées, qu'elles soient directes (subventions, prises de participation...) ou indirectes (exonérations fiscales, allégements de cotisations sociales, prêts de personnel, location ou prêts de terrains ou de locaux à des prix inférieurs au marché, etc.). En fait, toutes les interventions« qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise » sont concernées (11). Même l'abstention de tout acte peut être considéré comme une aide. Ainsi le non-paiement systématique des cotisations sociales et d'impôts sans poursuite effective par l'administration équivaut à un transfert de ressources et constitue une aide (12).
L'interdiction des aides n'est pas un principe absolu. De nombreuses exceptions sont ainsi prévues, soit directement par le Traité (aides sociales individuelles), soit pour certaines catégories d'aides définies dans le Traité (aides aux régions en difficulté...) ou par le Conseil des ministres de l'Union européenne (aides àl'emploi et à la formation) (13).
Afin de clarifier les situations, la Commission a généralement défini, dans des règlements européens ou des communications, dénommées souvent« lignes directrices » (textes sans valeur contraignante), les critères qu'elle entendait appliquer pour exonérer de contrôle certaines aides ou les autoriser.
La plupart de ces régimes d'exemption ont une validitélimitée à décembre 2006. La Commission européenne est en train d'opérer une réforme générale. Les exemptions à finalité sociale (emploi, formation...) devraient être confirmées pour l'essentiel. Mais elles devraient être rassemblées dans un seul instrument juridique (avec les aides aux PME), les modalités pourraient évoluer et certaines conditions ou plafonds de référence seraient modifiés.
La Commission européenne a un pouvoir général et permanent « d'examen des régimes d'aides existant dans les Etats » (art.88 Traité CE ; art. III-168 du projet de Constitution). Elle a une compétence exclusive pour déclarer l'aide compatible ou non avec le droit communautaire.
La Commission doit être informée au préalable de tout projet instituant ou modifiant des aides. C'est normalementà l'Etat concerné - ou à l'entité publique qui finance l'aide - de faire cette déclaration.
La Commission peut enjoindre à l'Etat concerné de supprimer ou de modifier une aide si elle constate que celle-ci n'est pas compatible avec le marché commun ou que cette aide est appliquée de manière abusive, voire saisir directement la Cour de justice en cas d'inaction. En général, une négociation a lieu entre l'Etat et la Commission afin d'examiner les points qui peuvent poser problème. Cela a été le cas par exemple pour les« zones franches urbaines » (14).
L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.
Si la Commission - ou la Cour - déclare une aide incompatible, les « entreprises » qui l'ont reçue doivent la rembourser. Le« destinataire » d'une aide illégale (l'entreprise) peut invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide, pour s'opposer à son remboursement. C'est le juge national qui est compétent pour apprécier ces circonstances (15). Le bénéficiaire final (personne physique) est en général exonéré de ce remboursement.
Le traité reconnaît comme pleinement« compatibles » avec le droit européen les aides « à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits » (ressources) et sans limitation de durée (art. 87 § 2a Traité CE ; art 167§ 2a du projet de Constitution). Ce qui recouvre la plupart des allocations ou minima sociaux.
Cette exemption doit être considérée comme de plein droit. Ce principe ayant valeur constitutionnelle, il peutêtre invoqué à l'égard de n'importe quelle autre mesure d'application.
A noter : les régimes d'exonération de cotisations sociales ne sont pas concernés par cette exemption.
b - Les aides en cas de catastrophe naturelle (Traité)
Les aides « destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires »bénéficient du même régime d'exemption.
Afin d'éviter le contrôle des aides qui sont d'un montant trop faible pour avoir une influence sur la concurrence, la Commission européenne a fixé, dans un règlement (16), une limite. Toute aide dont le montant est de moins de 100 000 € sur une période de 3 ans est ainsi exemptée de contrôle européen. Seule exception à cette exemption : les entreprises en difficulté.
Un règlement est venu préciser les conditions dans lesquelles les aides à l'emploi - création d'emplois, d'une part, embauche de personnes défavorisées ou handicapées, d'autre part - peuvent être encouragées (17). La validité de ce règlement vient d'être confirmée par la CJCE. Les juges ont rejetéle recours du gouvernement belge qui arguait que ces décisions relevaient des Etats (18).
L'aide ne doit pas dépasser certains montants fixés en fonction des régions et du type de bénéficiaires (grandes entreprises ou PME).
L'octroi de l'aide est autorisé si les emplois créés :
conduisent à une augmentation« nette » du nombre de salariés à la fois dans l'établissement et dans l'entreprise concernés ;
sont maintenus pour une durée minimale de 3 ans, ou de 2 ans dans le cas des PME ;
bénéficient à des travailleurs n'ayant jamais travaillé, ayant perdu leur emploi ou étant sur le point de le perdre.
Le règlement fournit des définitions précises et suffisamment larges des personnes concernées. Est considérée comme « personne défavorisée [...] toute personne appartenant à une catégorie qui éprouve des difficultés à entrer sur le marché du travail sans assistance ». Ce qui comprend : le jeune à la recherche d'un premier emploi, le travailleur migrant s'étant « déplacéà l'intérieur de la Communauté pour y trouver un emploi », le membre d'une « minoritéethnique d'un Etat membre » (Roms...), le demandeur d'emploi sans qualification, la personne tenue à l'écart depuis plus de 2 ans du marché du travail (exclus, mères au foyer), le parent élevant seul ses enfants, la personne de plus de 50 ans, le chômeur de longue durée, le toxicomane, le sortant de prison. Est considérée comme« personne handicapée toute personne atteinte d'un handicap physique, moral ou psychologique ». L'aide peut atteindre 50 % (personnes défavorisées) et 60 % (personnes handicapées) des coûts salariaux et des cotisations sociales obligatoires sur une année.
Une aide peut, en outre, être accordée à titre de compensation pour la productivité réduite de ces personnes ainsi que pour l'adaptation des locaux et une assistance spéciale. Ce régime permet de préserver de toute contestation les aides reçues, notamment par les ateliers protégés.
Ces conditions doivent être strictement respectées
Exemple : la Commission européenne a estimé que le contrat de formation et de travail appliquéen Italie depuis 1984 était en partie illégal car il ne concernait pas que les travailleurs éprouvant des difficultés particulières ou la création de nouveaux postes de travail. Ce contrat à durée déterminée permettait en effet une exonération de charges sociales à l'embauche, sous forme d'un contrat àdurée déterminée de 2 ans accompagné d'une formation, de chômeurs de moins de 30 ans (définition plus large que celle existant dans les lignes directrices). Les aides ne concernant pas les publics cibles devaient donc être remboursées (19).
Les aides accordées à la formation en entreprise bénéficient d'une exemption si l'intensité de l'aide ne dépasse pas un certain pourcentage du montant global du projet. Plafond qui varie suivant le type de formation, le public visé et la taille de l'entreprise. Si le régime d'aide est spécifique (c'est-à-dire qu'il vise principalement le poste actuel ou futur du salarié), le plafond est de 25 % (35% pour les PME). Si la formation est« générale », c'est-à-dire qu'elle procure des qualifications largement applicables àd'autres entreprises ou à d'autres domaines de travail, le plafond est de 50 % (70 % pour les PME) (20).
Les aides favorisant « le développementéconomique de certaines régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi » et celles facilitant « le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire àl'intérêt communautaire, peuvent être considérées comme compatibles (art. 87 § 3 a et c Traité CE ; art 167 § 3 du projet de Constitution).
Pour appliquer cette disposition, la Commission européenne a défini, dans des « lignes directrices » (21), un plafond d'intensité d'aide qui varie en fonction des régions concernées, des entreprises bénéficiaires (petites, moyennes ou grandes) et du type d'aide (investissement, création d'emploi, fonctionnement).
Ainsi, en matière de création d'emploi, l'aide ne doit pas dépasser un certain pourcentage du coût salarial de la personne embauchée : de 10 à 40 % selon les régions (65 % dans les DOM). L'emploi doit être maintenu pendant 5 ans au minimum.
Jusqu'à 2006, sont bénéficiaires de ce dispositif en France les départements d'outre-mer (zones d'objectif 1) et, dans une moindre mesure, les zones rurales désertifiées et les zones urbaines en difficulté (zones d'objectif 2). C'est sur cette base qu'ont été autorisés les différents régimes concernant la politique de la ville et les quartiers en difficulté (zones urbaines sensibles puis zones franches urbaines en 2003). A partir de 2007, selon les premiers projets qui circulent (22), la direction générale de la Concurrence souhaiterait « concentrer les possibilités d'octroi d'aides dans les régions qui en ont le plus besoin » c'est-à-dire essentiellement les régions de l'est et du sud de l'Europe et les régions ultrapériphériques. Seuls les DOM resteraient donc concernés par ces nouvelles dispositions. Le sort des aides dans les quartiers urbains en difficulté reste inconnu.
La Commission contrôle toutes les aides attribuéesà une entreprise soumise à une procédure collective d'insolvabilité (règlement judiciaire ou liquidation en France) ou en forte difficulté économique, c'est-à-dire « incapable avec ses ressources propres d'enrayer des pertes qui la conduisent, en l'absence d'une intervention extérieure des pouvoirs publics, vers une mortéconomique quasi certaine à court ou moyen terme ». Ce, quel que soit le montant de l'aide (l'exception de minimis ne joue pas ici).
Les aides peuvent être acceptées sous certaines conditions fixées dans des lignes directrices, modifiées en 2004 (23).
Les aides au sauvetage (mesures urgentes) sont acceptées pour une durée limitée, de 6 mois. Elles doivent être ensuite remboursées. Les aides de moins de 10 millions d'euros sont acceptées selon une procédure simplifiée et quasi automatique.
Les aides à la restructuration sont soumises au principe du « one time, last time » (« une fois mais pas deux »). La Commission européenne n'admet pas, en effet, une mise sous perfusion continue d'une structure par des fonds publics. L'entreprise concernée doit soumettre un plan de restructuration, viable, avec des mesures précises et concrètes, y compris des licenciements.
Ces définitions sont strictes. Tout autre régime d'aides à l'emploi n'est pas interdit mais il doitêtre notifié et autorisé par la Commission européenne. C'est le cas pour les aides accordéesà une entreprise individuellement et celles qui n'entraînent pas une augmentation effective des travailleurs (par exemple les aides destinées à la conversion de contrats d'emploi temporaires en contrats à durée indéterminée).
Les deux grands piliers du droit communautaire de la concurrence applicable aux entreprises (et organismes privés sans but lucratif) sont la surveillance des accords et pratiques concertées - les ententes - qui ont un objet ou un effet anticoncurrentiel sur le marché et l'interdiction des abus de position dominante.
Sont interdits « tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marchécommun » (art. 81 Traité CE ; art. III-161 du projet de Constitution). Il peut s'agir d'une entente sur les prix, sur les conditions de vente, un accord de répartition de marché...
Certains types d'accords peuvent bénéficier d'une exemption à l'interdiction générale - soit parce qu'ils entrent dans une« catégorie » qui a fait l'objet d'un règlement d'exemption, adopté par la Commission ou le Conseil des ministres (art. 81 § 3 Traité) ; soit parce que, à titre « individuel », ils apportent une contribution au bien-être général (amélioration de la production, progrès technique ouéconomique et avantages pour le consommateur) ; soit parce qu'ils sont peu susceptibles d'affecter la concurrence àl'échelle du marché communautaire.
Il en ainsi particulièrement des accords d'importance mineure (exception de minimis ) : accords entre PME (24) ou certains accords ne représentant pas plus de 5 % à 15 % du marché, selon l'aspect plus ou moins concurrentiel de ce dernier (25).
« Le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci [est] incompatible avec le marché commun et interdit dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté » (art. 82 Traité CE ; art. III-162 du projet de Constitution).
La position dominante est la « situation oùl'entreprise a le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause ». Une entreprise qui bénéficie d'un monopole légal peutêtre considérée comme occupant une position dominante (26). Elle n'est sanctionnée qu'en cas d'abus, quand bien même un tel comportement serait autorisé ou favorisé par une loi ou une réglementation d'un Etat membre qui octroierait un droit exclusif à cet organisme (27). L'appréciation de la position dominante étant considérée sur un marché donné, nombre de discussions au plan européen portent sur la définition de ce marché.
L'abus de position dominante peut concerner, notamment :
le fait d'imposer de façon directe ou indirecte des prix ou d'autres conditions de transaction nonéquitables ;
la limitation de la production, des débouchés ou du développement technique au préjudice des consommateurs ;
l'application à l'égard de partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes ;
la subordination de la conclusion de contrats à l'acceptation par les partenaires de prestations supplémentaires n'ayant pas de lien avec l'objet de ces contrats.
L'abus de position dominante ne connaît ni dérogation individuelle ni exemption par catégorie. Mais la Commission européenne reste libre de l'apprécier et/ou de le sanctionner.
Exemple : Le marché peut avoir un objet social, par exemple le marché de l'emploi. La Cour de justice a reconnu qu'il y avait abus de position dominante quand un Etat donne un droit exclusif à des « bureaux publics de placement de main-d'œuvre », interdit, sous peine de sanctions pénales et administratives, toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi par d'autres organismes, et que ces bureaux ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché du travail (28).
Si, à l'origine, aucune compétence européenne n'était prévue en matière de contrôle des concentrations entre entreprises (fusions, rachats...), la jurisprudence de la Cour de justice a rapidement comblé ce vide (29). Utilisant l'argument qu'il pouvait y avoir abus de position dominante ou trouble de la concurrence, elle a estimé que la Commission avait le pouvoir de les interdire. En 1989, cette compétence fut encadrée dans un règlement européen édicté par le Conseil des ministres, les gouvernements des Etats membres confiant à la Commission le soin de contrôler ces opérations, du moins les plus importantes