La loi d'orientation et de programmation pour la justice
(Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 et décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 DC du 29 août 2002, J.O. du 10-09-02, et circulaire DACG du 10 septembre 2002, à paraître au B.O.M.J.)
Dans le numéro n° 2276 du 13-09-02:
I - Les nouvelles réponses à la délinquance des mineurs
Dans ce numéro :
II - Les réformes procédurales
A - La retenue judiciaire des mineurs de 10 à 13 ans
B - Le placement sous contrôle judiciaire à partir de 13 ans
C - La détention provisoire des mineurs à partir de 13 ans
D - Le jugement à délai rapproché
E - Le mineur et le sursis avec mise à l'épreuve
La loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice comprend plusieurs dispositions sur la situation des mineurs avant leur éventuelle condamnation. Les conditions de la retenue judiciaire des mineurs de 10 à 13 ans sont assouplies et celles du contrôle judiciaire et du placement en détention provisoire des mineurs sont également modifiées. Dans un souci de plus grande célérité, la loi instaure par ailleurs une procédure de jugement à délai rapproché. Enfin, elle complète l'ordonnance du 2 février 1945 afin de préciser les conditions d'application, aux mineurs, du sursis avec mise à l'épreuve.
L'ordonnance de 1945 (ord. 2 février 1945, art.4, I modifié) limite la garde à vue aux mineurs âgés de plus de 13 ans. Toutefois, l'enfant de 10 à 13 ans contre lequel il existait des indices graves et concordants laissant présumer qu'il avait commis (ou tenté de commettre) un crime ou un délit puni d'au moins 7 ans d'emprisonnement, pouvait être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire, avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisé dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants. Ce, pendant une durée qui ne pouvait excéder 10 heures.
Ces conditions sont assouplies (ord. 2 février 1945, art. 4, I modifié). Et la durée de la retenue judiciaire allongée. Le but : faciliter les enquêtes concernant ces mineurs.
L'ensemble de ces dispositions s'applique depuis le 12 septembre, date d'entrée en vigueur de la loi (circulaire du 10 septembre 2002).
La retenue judiciaire est désormais possible lorsqu'il existe des « indices graves ou concordants » laissant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre une infraction.
Le changement de conjonction - « ou » au lieu de « et » - permet d'abaisser le seuil à partir duquel les indices recueillis justifient la mesure.
Le seuil de l'emprisonnement encouru pour justifier la retenue est aussi réduit : l'infraction en cause peut dorénavant être punie de 5 ans d'emprisonnement, au lieu de 7.
Concrètement, cette modification permet de retenir des mineurs auteurs de violences ou de vol aggravés (commis en bande organisée, par exemple), d'agressions sexuelles autres que le viol ou soupçonnés de recel d'objets volés (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).
Enfin, la durée maximale de la retenue est allongée, passant de 10 à 12 heures (soit la moitié de la durée autorisée pour la garde à vue des mineurs âgés de 13 à 18 ans). La durée maximale de son éventuelle prolongation est aussi portée à 12 heures.
Le principe selon lequel les règles de droit commun du code de procédure pénale s'appliquent aux mineurs à partir de 13 ans en matière de contrôle judiciaire est réaffirmé (ord.2 février 1945, art. 10-2, I nouveau). Mais la loi Perben prévoit aussi désormais des dispositions spécifiques.
Pour mémoire, une personne mise en examen, présumée innocente, reste en principe libre. Toutefois, lorsqu'elle encourt une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave, elle peut être astreinte à un contrôle judiciaire qui la contraint à respecter certaines obligations énumérées par la loi. Jusqu'à présent, une telle mesure était possible pour l'ensemble des mineurs délinquants, mais, selon les travaux préparatoires, n'était appliquée, dans les faits, que pour les mineurs âgés de plus de 16 ans qui peuvent être placés en détention provisoire en cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire. En 2001, 3 186 mineurs ont été placés sous contrôle judiciaire.
Peuvent être placés sous contrôle judiciaire les mineurs âgés de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matière délictuelle dans les mêmes conditions que les majeurs. Ils doivent donc encourir une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave (code de procédure pénale [CPP], art. 138 inchangé).
La loi prévoit des dispositions spécifiques pour les mineurs âgés de 13 à 16 ans mis en examen pour des délits (ord. 2 février 1945, art. 10-2, III nouveau). Ainsi, le contrôle judiciaire ne sera possible pour ces moins de 16 ans en matière correctionnelle qu'à deux conditions :
le mineur doit encourir une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans ;
il doit déjà avoir fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives prononcées par le juge d'instruction, le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine.
Le Conseil constitutionnel a validé cette procédure au motif que le contrôle judiciaire ne peut être prononcé que lorsque le justifient les circonstances, la gravité de l'infraction, les nécessités de l'enquête et la personnalité du mineur et au terme d'une procédure respectant les droits de la défense et la présomption d'innocence.
Placé sous contrôle judiciaire, le mineur est soumis à des obligations qui sont celles également applicables aux majeurs. En outre, la loi du 9 septembre instaure des obligations spécifiques pour les mineurs délinquants.
En application du principe selon lequel les règles de droit commun sont applicables aux mineurs sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la nouvelle loi, ces derniers peuvent notamment se voir imposer l'une ou les obligations suivantes (CPP, art. 138 inchangé) :
ne pas sortir de certaines limites territoriales ;
ne pas s'absenter de leur domicile ;
ne pas se rendre dans certains lieux ;
informer le juge d'instruction de tout déplacement au-delà de limites déterminées ;
se présenter périodiquement ou répondre aux convocations des services désignés par le magistrat ;
remettre leurs papiers d'identité ou leur permis de conduire ;
s'abstenir de rencontrer certaines personnes ;
se soumettre à un traitement ;
fournir un cautionnement ;
ne pas se livrer à l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
ne pas émettre de chèques ;
ne pas détenir une arme ;
constituer des sûretés personnelles ou réelles ou encore justifier de l'acquittement des charges de famille.
En cas de non-respect volontaire des obligations auxquelles le mineur a été soumis, le juge d'instruction peut décerner à l'encontre de la personne concernée un mandat de dépôt ou un mandat d'amener ou saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire (CPP, art. 141-2 inchangé).
Outre ces obligations de droit commun, le contrôle judiciaire applicable aux mineurs de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matière délictuelle peut comprendre l'une ou les obligations suivantes, prises par ordonnance motivée (ord. 2 février 1945, art. 10-2, II nouveau) :
se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou un service habilité, choisi par le juge. « L'objet de ces mesures, dont le contenu n'est pas précisé, est d'exercer une surveillance étroite du mineur concerné, sur le modèle de ce que prévoient les mesures de liberté surveillée » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann) ;
respecter les conditions d'un placement, décidé par le magistrat, dans un centre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d'un service habilité (centre d'accueil, service de l'assistance à l'enfance, établissement hospitalier, institution d'éducation, de formation professionnelle ou de soins, centre de placement immédiat, centre éducatif renforcé...) et notamment dans un centre éducatif fermé. Ce placement ne peut alors être ordonné que pour une durée de 6 mois, renouvelable dans les mêmes conditions une seule fois.
Le contrôle du respect de ces obligations est confié aux responsables des services ou des centres qui accueillent le mineur. Et, en cas de non-respect de ces obligations, ils adresseront un rapport au juge des enfants ou au juge d'instruction saisi du dossier, copie de ce rapport étant envoyée au procureur de la République par ce magistrat.
S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations de ce contrôle judiciaire, ces jeunes peuvent être placés en détention provisoire.
Ces nouvelles obligations sont d'application immédiate, sauf en ce qui concerne la possibilité d'un placement dans un centre éducatif fermé, souligne la circulaire du 10 septembre. En effet, dans ce cas, cette disposition est subordonnée à la mise en place effective des centres fermés qui doivent être habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (1).
La participation d'un mineur aux actes de violence (art. 25)
Les peines encourues en cas de vol et de violences sont désormais aggravées lorsque ces infractions ont été commises avec la participation d'un mineur agissant en qualité d'auteur ou de complice. L'objectif étant de lutter contre l'exploitation des mineurs par les adultes.
Pour mémoire, les violences sont davantage sanctionnées lorsqu'elles sont commises sur un mineur de 15 ans ou une personne particulièrement vulnérable, sur un ascendant, sur une personne dépositaire de l'autorité publique, sur un témoin ou une victime, par un conjoint, par plusieurs personnes... Les peines sont en outre suraggravées lorsque plusieurs circonstances aggravantes sont réunies.
La loi Perben ajoute une nouvelle circonstance aggravante : le fait pour un majeur de se livrer à des violences avec l'aide ou l'assistance d'un mineur. Les articles 222-12 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours) et 222-13 (incapacité de travail de moins de 8 jours ou pas d'incapacité) sont modifiés en conséquence.
Concrètement, les violences perpétrées par des majeurs et des mineurs seront désormais punies de 7 ou 5 ans d'emprisonnement, selon l'incapacité, puisqu'elles auront été commises par plusieurs personnes et avec un mineur, soit deux circonstances aggravantes.
Le vol commis par un majeur avec l'aide d'un mineur (art.26)
Dans le même esprit, la nouvelle loi aggrave les sanctions pour les vols commis par des majeurs avec l'aide de mineurs. Elle ne complète pas la liste des circonstances aggravantes mais crée une infraction spécifique (CP, art.311-4-1 nouveau) .
Le vol est ainsi dorénavant puni de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende lorsqu'il est commis par un majeur avec l'aide d'un ou de plusieurs mineurs, agissant comme auteurs ou complices. Ces peines sont portées à 10 ans et 150 000 € lorsque le majeur est aidé d'un ou de plusieurs mineurs de moins de 13 ans.
La provocation d'un mineur à commettre un crime ou délit (art. 28)
Dans sa rédaction antérieure, l'article 227-1 du code pénal punissait de 5 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait de provoquer directement un mineur à commettre habituellement des crimes ou des délits. Peines portées à 7 ans et 150 000 e en cas de mineur de moins de 15 ans ou de faits commis à l'intérieur ou aux abords d'un établissement scolaire ou éducatif.
Les sénateurs ont jugé la condition d'habitude trop restrictive et ne permettant pas de sanctionner efficacement les majeurs incitant de manière ponctuelle des mineurs à commettre une infraction. D'où la suppression de cette condition qui devient, par ailleurs, une circonstance aggravante (CP, art. 227-21, al. 1 et 2 modifiés) .
A l'égard des mineurs de 13 à 16 ans encourant une peine correctionnelle, le contrôle judiciaire ne peut se traduire que par l'obligation de respecter les conditions d'un placement qui aura lieu nécessairement dans un centre éducatif fermé, seul « à même », selon les députés « de garantir le suivi éducatif dont ces mineurs réitérants ont besoin » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann) (ord. 2 février 1945, art. 10-2, III nouveau).
Là encore, s'ils se soustraient aux obligations de ce contrôle judiciaire, ces mineurs de 13 à 16 ans pourront être placés en détention provisoire.
En tout état de cause, cette disposition, pour être effective, nécessite l'instauration des centres éducatifs fermés et la parution d'un décret en Conseil d'Etat.
Cette solution a été contestée par les sénateurs qui jugeaient paradoxal de limiter le contrôle judiciaire de ces mineurs âgés de 13 à 16 ans aux seuls centres éducatifs fermés, alors même que les mineurs de plus de 16 ans peuvent être notamment placés dans un foyer classique, dans un centre de placement immédiat ou dans un centre éducatif renforcé. En outre, ils ajoutaient que les centres éducatifs fermés n'étant pas encore créés, le contrôle judiciaire des mineurs âgés de 13 à 16 ans en matière correctionnelle risquait d'être inopérant (J.O. Sén. [C.R.] n° 31 du 27-07-02). De son côté, le ministre de la Justice, Dominique Perben, justifiait cette position des députés par la relation entre contrôle judiciaire et détention provisoire. En effet, la révocation du contrôle judiciaire peut entraîner le placement en détention provisoire. Or, autoriser le contrôle judiciaire dans d'autres structures que les centres éducatifs fermés équivaut, en substance, pour le garde des Sceaux, à élargir les possibilités de placement en détention provisoire des mineurs, en cas de révocation du contrôle judiciaire (J.O. Sén.[C.R.] n° 31 du 27-07-02).
Même si le principe demeure l'application des règles du code pénal aux mineurs en matière de contrôle judiciaire, la loi du 9 septembre 2002 renforce le formalisme du placement sous contrôle judiciaire d'un mineur.
Alors que, pour les majeurs, le code de procédure pénale confie au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention le soin de décider, par ordonnance, du placement sous contrôle judiciaire d'une personne mise en examen qui encourt une peine d'emprisonnement, la mesure de contrôle judiciaire à l'égard des mineurs peut être décidée, selon les cas, par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention (ord. 2 février 1945, art. 10-2, II nouveau). Le magistrat statue pas ordonnance motivée ce qui, là-encore, distingue ce dispositif de celui applicable aux majeurs pour lesquels une simple ordonnance est retenue (CPP, art. 137-2 inchangé). Il est vrai toutefois que la Cour de cassation semble exiger une motivation sommaire de la décision de placement.
Le juge doit, en outre, notifier oralement au mineur, en présence de son avocat et de ses représentants légaux, les obligations qui lui sont imposées. Toutefois, cette notification pourra se faire hors de la présence de ces derniers, à condition que ceux-ci aient été dûment convoqués.
Le magistrat doit également rappeler au mineur qu'en cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire, il pourra être placé en détention provisoire. Mention de ces notifications doit figurer au procès-verbal, qui devra être signé par le magistrat et le mineur.
Lorsque le contrôle judiciaire est décidé à l'occasion d'une remise en liberté, l'avocat du mineur sera convoqué par tout moyen et sans délai, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale (convocation de l'avocat aux interrogatoires par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard 5 jours ouvrables avant l'audition) étant explicitement écartées par la loi.
A noter : ces dispositions correspondent pour la plupart aux pratiques actuelles.
En sus de ces règles, la loi du 9 septembre 2002, s'inspirant des garanties procédurales prévues à l'article 145 du code de procédure pénale pour le placement en détention provisoire, prévoit que le placement sous contrôle judiciaire de ces jeunes mineurs sera décidé par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention en audience de cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel le ministère public développera ses réquisitions, avant que le mineur et son avocat ne fassent entendre leurs observations. Elle précise également que le magistrat pourra, le cas échéant, entendre le représentant du service qui a suivi le mineur.
Si une mesure de contrôle judiciaire paraît insuffisante ou en cas de non-respect des obligations qui y sont attachées, un mineur peut, à certaines conditions, être placé en détention provisoire. La loi Perben modifie les dispositions de l'ordonnance de 1945 sur les conditions de placement en détention provisoire des mineurs (ord. 2 février 1945, art. III modifié). Et insère un nouvel article qui limite la durée de la détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire (ord. 2 février 1945, art. II-2 nouveau).
Egalement contesté par les parlementaires de l'opposition, ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel.
Comme auparavant - si ce n'est les modifications résultant des changements intervenus dans le régime de la détention provisoire des majeurs, également applicables aux mineurs - les jeunes âgés de 16 ans révolus peuvent être directement placés en détention provisoire :
s'ils encourent une peine criminelle. Dans ce cas, la durée de la détention provisoire est de un an au maximum avec 2 prolongations de 6 mois chacune possibles ;
s'ils encourent une peine correctionnelle d'une durée supérieure ou égale à 3 ans - cette règle est la conséquence des modifications apportées par la loi au régime de la détention provisoire des majeurs (art. 37 de la loi ; CPP, art. 143-1, al. 4 supprimé). Dans cette hypothèse, la durée de la détention provisoire est de un mois maximum, si la peine encourue est inférieure ou égale à 7 ans d'emprisonnement (possibilité de prolongation pour 1 mois maximum) et de un an (prolongations comprises) si la peine encourue est supérieure à 7 ans d'emprisonnement.
En outre, ils peuvent l'être s'ils se sont soustraits volontairement aux obligations d'un contrôle judiciaire.
Jusqu'à présent, les mineurs de 13 à 16 ans ne pouvaient être placés en détention provisoire qu'en matière criminelle. En revanche, lorsqu'il était soupçonné d'un délit, un mineur de 13 à 16 ans ne pouvait être placé en détention provisoire ni directement, ni après révocation d'un contrôle judiciaire.
Désormais, les mineurs âgés 13 ans révolus et de moins de 16 ans peuvent être placés en détention provisoire :
soit s'ils encourent une peine criminelle. Dans ce cas, la durée de la détention provisoire ne peut excéder un an (6 mois renouvelable une fois) ;
soit s'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire prévu en matière délictuelle .
La loi insère, par ailleurs, un nouvel article 11-2 limitant la durée de la détention provisoire de ces mineurs de 13 à 16 ans ordonnée dans cette seconde hypothèse, c'est-à-dire à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire. La durée de cette détention ne peut excéder :
15 jours, renouvelable une fois, soit un mois pour un délit puni de moins de 10 ans d'emprisonnement. Lorsque plusieurs révocations du contrôle judiciaire sont prononcées, la durée cumulée de la détention ne peut excéder un mois ;
un mois, renouvelable une fois (soit deux mois maximum) lorsque l'infraction en cause est un délit puni de 10 ans d'emprisonnement. Dans ce cas, si plusieurs révocations du contrôle judiciaire sont prononcées, la durée cumulée de la détention ne peut, cette fois, excéder 2 mois.
Tout en reprenant le principe selon lequel les conditions d'emprisonnement des mineurs sont définies par décret en Conseil d'Etat, la loi Perben inscrit dans l'ordonnance du 2 février 1945 le principe selon lequel l'emprisonnement des mineurs s'effectue soit dans un quartier spécial d'un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs. En fait, cette seconde catégorie, qui n'existe pas encore, est à créer. Pour ce faire, le gouvernement indique dans le rapport annexé à la loi sa volonté de construire ces nouveaux établissements, pour une capacité totale de 400 places. En outre, il affirme son intention de lancer des opérations de rénovation des quartiers spéciaux et d'y créer 500 places supplémentaires.
En pratique, les mineurs sont actuellement incarcérés dans des quartiers spécifiques des établissements pénitentiaires, dans des conditions relativement précaires, même si les effectifs du personnel de surveillance ont été sensiblement renforcés ces dernières années. Ces quartiers sont rarement isolés du reste de la détention, les mineurs étant ainsi amenés à côtoyer les détenus majeurs lors de leurs déplacement ou pour des activités spécifiques (unités de soins...).
Quelles que soient les infractions reprochées aux mineurs (délit ou crime) ou dans l'hypothèse du non-respect des obligations d'un contrôle judiciaire, la décision de placer en détention provisoire est subordonnée à des conditions de fond. L'article 11 de l'ordonnance de 1945, qui les fixe, est modifié en vue d'énoncer plus clairement les cas dans lesquels un mineur peut être placé en détention provisoire. Ainsi, il dispose désormais que le mineur âgé de 13 à 18 ans mis en examen par le juge d'instruction ou le juge des enfants ne peut être placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, qu'à deux conditions cumulatives :
il apparaît - comme cela était prévu antérieurement - que cette mesure est « indispensable » ou qu'il est « impossible de prendre toute autre disposition » ;
les obligations du contrôle judiciaire doivent être insuffisantes. Cette disposition met ainsi en cohérence les dispositions applicables aux majeurs (CPP, art. 137-3 inchangé) et celles valables pour les mineurs.
Cette mesure est d'application immédiate, sauf en ce qui concerne l'hypothèse de révocation du contrôle judiciaire des 13-16 ans en matière correctionnelle, liée à la création de centres éducatifs fermés (circulaire du 10 septembre 2002).
La loi fait également un renvoi aux modalités de placement en détention provisoire définies pour les majeurs aux articles 137 à 137-4 (saisine du juge des libertés et de la détention), 144 (motifs de placement en détention) et 145 (débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention) du code de procédure pénale.
La loi Perben a conservé un mécanisme de la procédure de comparution à délai rapproché : la possibilité pour le parquet, « en matière correctionnelle » à tout moment de la procédure, « s'il estime que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion d'une procédure différente, et que des investigations sur les faits ne sont pas ou ne sont plus nécessaires », de requérir du juge des enfants qu'il ordonne la comparution de mineurs, soit devant le tribunal pour enfants, soit devant la chambre du conseil, dans un délai compris entre 1 et 3 mois (ord. 2 février 1945, art. 8-2 modifié) . Si le juge des enfants ne suit pas ses réquisitions, il devra rendre une ordonnance motivée dans les 5 jours, susceptible d'appel devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant ; à défaut d'ordonnance, le procureur pourra saisir directement ce magistrat (CPP, art. 82 et 185 inchangés) . Lequel devra statuer dans les 15 jours, le mineur, ses représentants légaux et son avocat pouvant présenter par écrit toutes observations utiles.
Quel que soit l'âge du mineur, la détention provisoire doit être effectuée soit dans un quartier spécial de la maison d'arrêt, soit désormais dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs (ord. 2 février 1945, art. 11 modifié). Ces établissements restent toutefois encore à construire (voir encadré).
Le mineur doit, autant que possible, être soumis à l'isolement de nuit (sans changement).
S'agissant des mineurs âgés de 13 à 16 ans, la détention provisoire n'est, en outre, désormais, autorisée que dans des établissements garantissant un isolement complet d'avec les détenus majeurs et prévoyant la présence d'éducateurs. Les conditions de ce placement devant être définies par décret en Conseil d'Etat.
L'idée est de « prévenir la récidive chez les mineurs placés en détention » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).
Enfin, la loi met en place un suivi des mineurs ayant fait l'objet d'un placement en détention provisoire et remis en liberté au cours de la procédure. Ces mineurs doivent faire l'objet « dès leur libération » de mesures éducatives ou de liberté surveillée adaptées à leur situation. Cette dernière mesure consiste en un accompagnement éducatif du mineur réalisé soit dans son milieu familial, soit dans le cadre d'un placement.
C'est le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui remet le mineur en liberté qui décide de ces mesures. Toutefois, il peut juger, par décision motivée, qu'il n'y a pas lieu de soumettre le jeune à ces mesures de surveillance.
Cette disposition est entrée en vigueur le 12 septembre.
L'un des principaux reproches adressé à la justice des mineurs est sa lenteur. D'après les chiffres cités au cours des travaux parlementaires, les délais de jugement seraient compris entre 2 et 18 mois pour les audiences de cabinet du juge des enfants et entre 6 mois et 3 ans pour les audiences du tribunal pour enfants (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).
C'est pourquoi la nouvelle loi met en place devant le tribunal pour enfants une procédure de jugement rapide des mineurs, appelée jugement à délai rapproché. Elle remplace celle de comparution à délai rapproché, peu utilisée car « trop complexe » selon le garde des Sceaux, Dominique Perben (J.O. Sén. [C.R.] n° 30 du 25-07-02). Et a l'ambition de réussir le grand écart entre ce que les députés (PS) Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck appelaient, en 1998 (2), « la nécessaire célérité de la réponse qui doit intervenir après un acte posé et le temps indispensable pour apprécier les effets des réponses apportées sur des êtres en devenir ». Principales différences par rapport à l'ancienne procédure : elle n'est applicable qu'aux mineurs auteurs de délits d'une certaine gravité, le juge des enfants n'est plus compétent que pour décider du placement du mineur en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire (et non plus pour déclencher la procédure, les réquisitions du procureur de la République étant nécessaires) et, surtout, le délai pour l'audience est fixé entre 10 jours et 1 ou 2 mois, selon le cas, contre 1 et 3 mois pour la comparution à délai rapproché.