L'avant-projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale « ne crée pas un droit des exclus. Il organise, au contraire, l'accès de tous aux droits de tous afin de garantir une égalité réelle des chances à tous les citoyens. Il place au cœur du dispositif d'insertion et de lutte contre l'exclusion, l'accès effectif aux droits fondamentaux :citoyenneté, emploi, logement, santé, culture. Il constitue le cadre de référence de l'action publique en vue de la prévention des exclusions et de l'insertion de tous dans la communauté nationale », est-il affirmé dans l'exposé des motifs de l'avant-projet transmis, le 30 septembre, au Conseil économique et social (CES).
Ce document, attendu de longue date par les associations, avait été promis par le candidat Jacques Chirac pour « réduire la fracture sociale ». Ses grandes lignes avaient été annoncées par Alain Juppé en juillet 1995 devant le Conseil économique et social, lors de la remise du rapport de Geneviève de Gaulle-Anthonioz sur l'évolution des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté (1). Une lente maturation pour un texte, préparé, selon les associations de solidarité, sans « véritable concertation » et qui a souffert de la discorde entre Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales et, Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence. Et qui, même s'il comporte des avancées certaines, notamment en termes d'accès aux droits, il n'est cependant pas à la hauteur des espérances. Notamment s'agissant des moyens financiers. En effet, il sera financé non par des mesures nouvelles mais par un redéploiement budgétaire, puisqu'il est fondé sur l'activation des dépenses passives et sur la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Ce qui fait dire à certains que l'on « va faire financer l'exclusion par les pauvres ». Mais, s'est défendu Jacques Barrot le 30 septembre devant la presse, « on ne peut pas constamment mesurer les progrès sociaux à l'aune de l'argent dépensé », tandis que Xavier Emmanuelli affirmait : « Le problème n'est pas seulement d'ordre économique, mais de répartition des moyens. »
Concrètement, 16 milliards sur 5 ans seront consacrés, selon le ministère, à réaliser les différentes mesures de cette loi :13 milliards seront libérés par l'activation des minima sociaux - dont 8 issus du budget de l'Etat, le reste provenant des collectivités locales et organismes sociaux -, 3 milliards résulteront des économies liées à la redéfinition des conditions de l'allocation de solidarité spécifique. Outre ces ressources, viendront s'ajouter les augmentations de crédit, déjà annoncées pour le budget 1997 (CHRS, centres de formation en travail social).
L'avant-projet de loi est accompagné d'un « programme d'action pour le renforcement de la cohésion sociale », qui recense notamment les actions de portée réglementaire ou administrative qui seront mises en œuvre dès maintenant ou lors de l'application de la loi qui est prévue pour le 1er juillet 1997.
Le CES, qui vient de nommer Mme de Gaulle-Anthonioz rapporteur du texte, devrait rendre son avis les 5 et 6 novembre. Ensuite, le projet de loi devrait être adopté en conseil des ministres fin novembre ou début décembre, pour être examiné par le Parlement début 1997. Les associations de solidarité entendent bien mettre à profit ce délai pour faire amender ces mesures auxquelles elles reprochent « des lacunes et des contradictions » et une « grande faiblesse de moyens et d'ambitions » (voir encadré).
Parallèlement, le gouvernement annonce d'autres textes de loi en regard de la loi de cohésion sociale :l'universalisation de l'assurance maladie va faire l'objet d'un projet de loi qui suivra le même calendrier que la loi de cohésion sociale, tandis que le vote de la loi prestation autonomie est prévu pour cet automne. Il souhaite en outre présenter, à l'été 1997, la réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales (voir ce numéro). Une loi sur le travail social est également programmée, mais sans calendrier.
Les trois premiers articles de l'avant-projet constituent un préambule d'ordre général.
Article 1 - « La lutte contre les exclusions sociales constitue un impératif national. Les citoyens, les associations, les organismes de sécurité sociale et de protection sociale, les collectivités territoriales et l'Etat concourent à la réalisation de cet objectif. »
Article 2 - « La présente loi garantit l'accès aux droits fondamentaux dans le domaine des droits civiques et individuels, dans le domaine des droits collectifs et sociaux ainsi que dans les domaines privilégiés de l'intégration sociale que constituent le droit de la famille, le droit du logement, le droit de la santé, le droit de l'éducation et de la culture. »
Article 3 - « L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs groupements ainsi que l'ensemble des organismes de protection sociale doivent informer de manière concrète et complète les personnes sur leurs droits, les aider dans leurs démarches administratives ou sociales et faire aboutir leur droit dans les délais les plus rapides. »
Les exclus, par définition en marge des circuits habituels et des catégories répertoriées par les statisticiens (2), forment une population encore mal connue, évaluée aux alentours de 5 millions, tandis qu'on estime à 12 millions les personnes en situation de fragilité économique et sociale.
Sans logis, sans travail, sans ressources, sans protection sociale, les vrais exclus, les sans domicile fixe constituent une population trop fluctuante pour être comptabilisée.
Mais certains chiffres sont éloquents lorsque sont évoquées les situations précaires :près d'un million de bénéficiaires du RMI, 600 000 jeunes de 18 à 25 ans sans ressources propres, ou plus de 115 000 jugements d'expulsion par an, par exemple.
Une récente étude de l'INSEE (3) a montré que la pauvreté, pas forcément synonyme d'exclusion, a peu augmenté en 10 ans. Touchant environ 10 % de la population (4 à 5 millions de personnes), elle concerne, en revanche, une population de plus en plus jeune. Une analyse confirmée par une étude récente du Secours catholique sur la population qu'il prend en charge (4).
Ainsi, entre 1984 et 1994, la proportion des personnes dont les revenus ne dépassaient pas le seuil de pauvreté (soit 39 800 F par an et environ 3 300 F par mois) a doublé chez les jeunes de moins de 30 ans, passant de 9 à 18 %.
Autre paramètre, « le développement de formes précaires d'emploi fait qu'une personne peut avoir un travail et rester pauvre », autrement dit, le travail n'empêche plus la pauvreté, comme l'a constaté le Crédoc dans une étude d'octobre 1995 (5), qui reprenait les résultats de l'enquête « grande pauvreté » du CES (6).
Quant à la précarité sociale et médicale, elle touche plus de 500 000 personnes, soit 1,5 % de la population âgée de 16 à 59 ans, selon le Credes (7). Ce chiffre ne comprend pas les SDF et se trouve donc largement sous-évalué, cette population étant très vulnérable et en grande majorité touchée par des problèmes de santé physiques ou psychiques. Cette étude d'août dernier révèle que 10,5 % des ménages (9,1 % des personnes) sont en situation de précarité sociale, multipliant les facteurs de risque comme le chômage, l'absence de diplôme, une couverture sociale déficiente ou des revenus insuffisants. Le Crédoc ayant estimé, pour sa part, qu'est précaire un ménage dont le revenu mensuel était inférieur à 4 250 F en 1991-1992, 5 750 F pour trois personnes, 6 750 F à partir de quatre personnes.
Avec AFP
Droits civiques, emploi, santé, logement, lutte contre l'illettrisme, tels sont les grands thèmes que le gouvernement a placés au cœur de son dispositif de cohésion sociale.
Actuellement, une personne sans domicile fixe ne peut s'inscrire sur les listes électorales. Le code électoral sera donc modifié, ainsi que le proposait notamment le médiateur de la République (8). Les « citoyens titulaires d'une carte nationale d'identité établie au titre des personnes qui n'ont pas la possibilité d'apporter la preuve d'un domicile ou d'une résidence ou auxquelles la loi n'a pas fixé une commune de rattachement » pourront demander à « être inscrits sur la liste électorale de leur commune de naissance, s'ils sont nés en France, ou sur la liste électorale de la commune de leur dernier domicile, s'ils sont nés à l'étranger ».
L'indication du domicile ou de la résidence sur la liste électorale sera alors remplacée par la mention de l'adresse de l'organisme d'accueil figurant sur la carte nationale d'identité.
Afin d'éviter, en cas d'accueil temporaire, la séparation des membres d'une même famille, le plus souvent le père, pour des raisons qui peuvent tenir notamment à une absence de coordination entre l'Etat (responsable des CHRS) et le département (responsable de la protection maternelle et infantile et de l'aide sociale à l'enfance), mais également à une insuffisance d'équipements adaptés, le droit au respect de la vie familiale sera reconnu et « garanti aux familles accueillies temporairement ou durablement » dans un établissement ou un service recevant habituellement des mineurs (maisons d'enfants à caractère social, centres de placements familiaux et établissements maternels), ainsi que dans les CHRS. L'établissement ou le service concerné devra établir, « avec la famille accueillie, un projet qui évite de séparer les enfants et les parents ».
L'article 6 de l'avant-projet de loi institue une veille permanente sur le dispositif d'accueil d'urgence, de manière à garantir un accueil effectif aux personnes en situation de détresse. Ainsi devrait être créé « dans chaque département, à l'initiative du préfet, au moins un service d'information et d'orientation des personnes en difficulté, fonctionnant en permanence ». Cette coordination ne reposera pas sur la création d'un nouveau service mais sur une mise en commun des services existants en gestion publique (par exemple, un CCAS), ou associative (par exemple, association ou regroupement d'associations gestionnaires de CHRS).
Les établissements type CHRS seront « tenus de déclarer régulièrement leurs places vacantes au service d'information et d'orientation ». Lorsqu'ils ne disposent pas de place libre ou ne peuvent pas proposer une solution adaptée à la situation du demandeur, ils adresseront l'intéressé au service d'information et d'orientation. Ce dispositif sera précisé par décret.
Depuis le milieu des années 80, la médiation familiale s'est développée à partir d'expériences menées par des associations. Concernant les familles dans lesquelles il existe une situation de conflit, et particulièrement les couples en instance de divorce ou de séparation, elle a essentiellement pour but d'agir dans l'intérêt des enfants. Elément de lutte contre l'exclusion, elle contribue aussi à éviter une rupture du lien familial.
A l'heure actuelle, les actions de médiation sont essentiellement financées par les DDASS, le ministère de la Justice, les collectivités territoriales et, occasionnellement, les caisses d'allocations familiales. L'article 7 de l'avant-projet de loi prévoit que les « caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole peuvent apporter, au titre de leur action sociale, leur soutien financier aux actions de médiation familiale dont leurs allocataires bénéficient ».
La poursuite du dialogue avec les associations
Concernant le partenariat entre les pouvoirs publics et le mouvement associatif, le gouvernement rappelle les différentes mesures en faveur des associations déjà annoncées, notamment en janvier dernier dans le cadre du Conseil national de la vie associative (CNVA) (9). Et il confirme la création de trois groupes de travail associations/administrations au sein du CNVA (transparence financière de la gestion associative, reconnaissance d'utilité sociale des associations, fonctionnement du Fonds national de la vie associative), ainsi que la mise en place de deux missions de réflexion (création d'associations par les collectivités locales et suivi statistique du secteur associatif) confiées, respectivement, à un membre du Conseil d'Etat et à l'INSEE. Le bilan de l'ensemble des mesures mises en œuvre en 1996 et les suites réservées aux propositions des différents groupes feront l'objet d'une réunion du CNVA dès le début de 1997.
La représentation des associations dans les organismes de protection sociale
Par ailleurs, évoquant la représentation des associations œuvrant dans le domaine de la lutte contre l'exclusion, au sein des conseils de surveillance des caisses du régime général et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (prévue par l'ordonnance du 24 avril 1996 sur la réforme de la sécurité sociale (10) ), le programme d'action indique qu'un décret et des arrêtés ministériels « préciseront très prochainement la composition exacte de ces conseils de surveillance ». En outre, « afin de déterminer une liste des organismes concernés, la nature et le niveau pertinent de leurs instances, une personnalité indépendante, ayant une longue expérience de l'Etat et fortement impliquée dans le monde associatif, conduira une mission d'expertise. Un rapport sera remis au gouvernement pour la date d'entrée en vigueur de la loi ».
A plusieurs reprises, les difficultés administratives d'accès aux droits sociaux ont été soulignées, en particulier dans les rapports annuels du médiateur de la République (11). Aussi, tous les organismes de protection sociale qui servent des prestations et reçoivent le public devraient-ils être tenus d'instituer un médiateur. Nommé par le conseil d'administration de l'organisme, sur proposition du directeur, le médiateur pourra « être saisi par toute personne ressortissante sur une affaire la concernant ou sur une question mettant en cause le fonctionnement de l'organisme ». Les modalités d'exercice de sa mission seront fixées par le conseil d'administration de l'organisme « de manière à garantir son indépendance ». Enfin, le médiateur adressera « périodiquement au conseil d'administration ses avis et propositions d'adaptation des procédures de fonctionnement de l'organisme pour améliorer l'accès à leurs droits de ses ressortissants ».
Pour satisfaire l'objectif mentionné à l'article 3 du préambule (voir ci-contre), le programme d'action précise que les institutions sociales auront l'obligation d'informer leurs ressortissants de toutes les prestations susceptibles de les concerner, particulièrement à l'occasion d'événements entraînant un abaissement de ressources. Les modalités pratiques de cette obligation seront précisées par les conventions d'objectifs et de gestion passées entre l'Etat et les caisses nationales gestionnaires de prestations sociales, en application des ordonnances du 24 avril 1996. Les situations personnelles qui devront être prises en charge feront l'objet d'une expertise en 1997 par les institutions en cause, notamment dans des chartes de qualité de service.
La majeure partie des mesures concernant l'emploi repose sur le principe d'activation des dépenses passives. Est ainsi créé un nouveau contrat, le contrat d'initiative locale (CIL), et la création d'activités indépendantes est encouragée. Le développement des structures d'insertion par l'économique est également prôné. Le tout devant servir des « objectifs d'insertion ambitieux ».
Les bénéficiaires de minima sociaux - RMI, ASS, API perçus aujourd'hui par 1,5 million de personnes - sont aujourd'hui, estime le gouvernement, « très insuffisamment orientés vers une activité professionnelle durable, facteur essentiel d'insertion sociale » ; le secteur marchand leur est actuellement difficile d'accès, tandis que des besoins non satisfaits persistent dans le secteur des services non marchands. Aussi, s'inscrivant dans « une logique d'activation des dépenses passives », veut-il « transformer en salaire d'activité une allocation d'assistance » avec la création des contrats d'initiative locale (CIL) auxquels pourront recourir uniquement les employeurs du secteur public ou privé non lucratif.
D'un point de vue juridique, le CIL s'inscrira dans le même cadre légal et réglementaire que le contrat emploi consolidé (12) :il sera ainsi exonéré de charges patronales de sécurité sociale et une partie du coût de l'embauche - la moitié environ - sera prise en charge par l'Etat, durant 5 ans, à hauteur de 30 heures par semaine. Mais il sera marqué par quelques différences. Tout d'abord, le CIL sera ouvert aux bénéficiaires du RMI, de l'ASS et de l'API sans condition d'avoir effectué préalablement un contrat emploi-solidarité. Ensuite, l'horaire de travail ne pourra être inférieur à une durée fixée par décret, qui devrait atteindre 30 heures par semaine. Enfin, les personnes en CIL, rémunérées sur la base du SMIC, ne pourront bénéficier des règles d'intéressement applicables aux titulaires de minima sociaux (possibilité de cumuler sous certaines conditions de plafond revenus d'activité et allocations).
L'objectif affiché par le gouvernement est de réaliser 300 000 CIL en 5 ans, dont 55 000 sur le second semestre 1997. Leur financement sera assuré par l'activation des dépenses d'allocation, le montant des allocations servies contribuant à la prise en charge financière du coût du contrat, ainsi que par les économies réalisées grâce à la réforme de l'ASS (2).
L'objectif général, affiché par le gouvernement, est d'intégrer un bénéficiaire du RMI sur deux dans une des mesures publiques pour l'emploi, soit 500 000 par année pleine. La part du public RMI pour chacune des mesures devra s'établir, selon le programme d'action, à 70 000 contrats initiative-emploi (CIE), 150 000 contrats emploi-solidarité (CES), 10 000 contrats emploi consolidés (CEC), 15 000 contrats d'initiative locale (CIL) et 32 500 stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE). Auxquels s'ajouteront les bénéficiaires du RMI entrant dans d'autres mesures : aide spécifique à la promotion de l'initiative individuelle, insertion par l'économique et mesures propres aux DOM. Dans les départements d'outre-mer, les mêmes objectifs qu'en métropole seront retenus pour les CES, CEC, CIL et SIFE. Pour les contrats d'accès à l'emploi, mesure spécifique qui remplace le CIE (12), l'objectif initial de 40 % de bénéficiaires du RMI sera confirmé. Quant aux contrats d'insertion par l'activité (CIA) réservés aux allocataires du RMI, l'objectif à atteindre est de 30 000 contrats sur 3 ans.
Les préfets de département auront la charge de mobiliser les services de l'Etat concernés afin d'améliorer le taux de contrats d'insertion du RMI. Rappelons que la loi relative au RMI de 1988 a prévu qu'un contrat d'insertion doit être établi entre l'allocataire - et, le cas échéant, ses ayants droit - et la commission locale d'insertion dans les 3 mois qui suivent la mise en paiement de l'allocation. Or, le taux de signature de ces contrats varie aujourd'hui de 6 à 100 % selon les départements, pour s'établir à 47 % en moyenne nationale. Les préfets recevront donc des objectifs précis. Afin de voir, dans 5 ans, chaque allocataire du RMI signataire d'un contrat d'insertion, un objectif intermédiaire est fixé : augmenter chaque année la moyenne nationale de 10 points en faisant d'abord porter cet effort sur les allocataires les plus anciens dans le dispositif (plus d'un an). Le programme d'action précise cependant que « l'attention portée à la croissance du taux de contractualisation ne devra pas faire perdre de vue la nécessité de donner aux contrats un contenu permettant une réelle insertion ».
En ce qui concerne les bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API), l'objectif est de faire entrer un allocataire sur dix dans une des mesures publiques pour l'emploi.
Estimant que pour les jeunes de 18 à 25 ans les plus en difficulté (niveau de formation VI ou V bis, ne parvenant pas à accéder à un emploi en raison de leur absence de maîtrise des savoirs de base ou cumulant un ensemble de handicaps sociaux ou comportementaux), l'accès à l'emploi doit se faire par étapes, l'article 10 de l'avant-projet de loi met en place un « itinéraire personnalisé d'insertion professionnelle » pour 10 000 jeunes. Le jeune pourra disposer d'un interlocuteur capable d'organiser et de programmer avec lui une succession cohérente d'emplois, de stages et de formations. Cette fonction, dont « la spécificité et le poids excèdent les prestations normales des structures d'accueil », selon les termes mêmes de l'exposé des motifs, sera assumée par des organismes prestataires - établissements, organismes ou associations de formation - chargés notamment :
d'accueillir les jeunes en grande difficulté orientés vers ce dispositif par le réseau d'accueil des jeunes
de bâtir, sur la base d'un diagnostic réalisé avec le jeune, un itinéraire personnalisé d'insertion professionnelle et de définir le contenu des prestations dont il devra bénéficier dans ce cadre
d'assurer la mise en œuvre de cet itinéraire d'insertion en trouvant les solutions adaptées et en prospectant les contrats de travail
de réaliser, le cas échéant, des actions ayant pour objectif la socialisation et la « redynamisation » du jeune.
Principale nouveauté, décrite dans l'exposé des motifs, l'organisme sera soumis à une « obligation de résultat » et rémunéré « en fonction du nombre de jeunes durablement placés en entreprise ». Il disposera cependant d'un forfait permettant la prise en charge, pour une durée moyenne de 2 mois, de la rémunération du jeune sous statut de stagiaire de la formation professionnelle, pour tenir compte des difficultés d'enchaînement des stages et des contrats. L'intervention de l'Etat venant alors en complément de celle des collectivités territoriales - responsables de la formation professionnelle des jeunes - et de celle des organismes paritaires de collecte des fonds pour l'alternance (OPCA) - pour ce qui concerne les contrats d'insertion en alternance.
Une convention signée avec l'Etat formalisera cet engagement, « notamment la durée maximale de l'accompagnement personnalisé des jeunes par l'organisme, dans la limite d'un an, renouvelable pour une durée maximale de 6 mois, [...] les objectifs assignés à l'organisme et les modalités selon lesquels la contribution financière de l'Etat varie en fonction des résultats ». Le jeune bénéficie de la protection sociale des stagiaires de la formation professionnelle.
Les bénéficiaires du RMI, de l'ASS ou de l'API créant leur propre activité - industrielle, commerciale, artisanale ou agricole - soit à titre individuel, soit sous forme de société, pourront recevoir une aide de l'Etat d'un montant équivalent au revenu de remplacement perçu antérieurement pendant une durée de 6 mois. Cette disposition nécessitera la modification de textes de nature législative pour l'ASS - c'est le sens de l'article 11 de l'avant-projet de loi - et réglementaire pour le RMI et l'API.
Mais cette « activation » ne sera pas automatique. Ainsi, la décision sera prise par la commission locale d'insertion et de lutte contre l'exclusion pour les bénéficiaires du RMI, par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour les bénéficiaires de l'ASS, et sera formalisée par un contrat d'insertion (15 000 contrats prévus en 1997). A noter que dans le cas d'un bénéficiaire de l'ASS, si l'aide continuera à être versée mensuellement au créateur d'entreprise par les Assedic pour le compte de l'Etat, « elle n'aura plus, indique l'exposé des motifs, le statut d'allocation de chômage puisque son bénéficiaire n'est plus à la recherche d'un emploi ».
Ce maintien de droits s'ajoutera à l'exonération de charges sociales accordée au créateur d'entreprise, et à la possibilité de financement, par chèque conseil, des actions d'accompagnement et d'une prise en charge des formalités administratives.
Par ailleurs, devant les difficultés d'accès au système bancaire des chômeurs - et quand les dispositifs développés à l'initiative de quelques associations à ce sujet sont insuffisants ou mal adaptés -, le fonds départemental d'insertion , dont le préfet aura libre disposition, permettra de favoriser l'accompagnement et le suivi des projets de création d'activité par les plus démunis (création d'entreprise) ou pour les plus démunis (création d'entreprise d'insertion).
Pour favoriser l'insertion, les contrats existants dans le secteur non marchand (CES, CEC...) seront améliorés.
Actuellement, un contrat emploi-solidarité ne peut être cumulé avec un autre contrat de travail « classique », même pour une durée réduite. Ce cumul sera rendu possible « sous des conditions qui permettent aux personnes employées en CES d'accéder par étapes à un emploi stable dans le secteur marchand », indique le programme d'action.
Le contrat emploi consolidé sera ouvert aux bénéficiaires du RMI sans condition de durée préalable d'inscription au chômage. Cette disposition permettra à la fois d'aligner les conditions du CEC pour ce public sur celles du contrat emploi-solidarité (l'accès des bénéficiaires du RMI au CES étant déjà prévu sans condition préalable de chômage) et de permettre la création des CIL, le même article du code du travail servant de base aux deux contrats.
Les fonds locaux emploi-solidarité (FLES), décrits dans une circulaire du 28 janvier 1992 (13), visaient trois objectifs :encourager le passage en formation des CES et veiller à la qualité de cette formation, situer cette formation dans un parcours de la personne vers une insertion durable dans l'emploi, préparer « l'après-CES ». Or, « la part des actions CES dans les bassins d'emplois dotés d'un plan local d'insertion par l'économique (PLIE) est très importante », et « la création des CIL est de nature à créer un nouveau domaine d'intervention des FLES », indique le programme d'action.
Le « cadre contractuel » des FLES sera donc rénové en les associant à l'Etat (financeur essentiel des formations CES) et aux conseils généraux (responsables des politiques d'aide sociale et d'insertion). Une convention locale détaillera les missions du FLES à partir d'une fonction générale d'interface ou d'animateur de réseau. Pourront, par exemple, lui être confiés : le groupage des actions de formation (charte locale avec les GRETA ou autres organismes formateurs...), la mutualisation des prises en charge des actions de formation, le soutien administratif aux employeurs de CES, CEC, CIL et emplois de ville, l'aide au parcours d'insertion et à la recherche d'emploi...
La participation de l'ensemble des employeurs aux FLES sera recherchée, à partir d'un certain niveau d'effectif. Elle sera également mieux encadrée en précisant que les FLES ne devront pas gérer directement les financements des contrats, ni utiliser les ressources à seule fin de couvrir leurs frais de gestion. Ceux-ci seront d'ailleurs limités à une fraction maximale du fonds.
Les entreprises d'insertion par l'activité économique - entreprises d'insertion, entreprises d'intérim d'insertion, associations intermédiaires - représentent actuellement environ 40 000 emplois équivalent temps plein, souligne le programme d'action. L'objectif est donc d'augmenter de 50 %en 5 ans la capacité du secteur de l'insertion par l'activité économique dans le secteur marchand (entreprises d'insertion, entreprises d'intérim d'insertion). Le programme d'action ne précise pas d'objectif dans le secteur non marchand.
Comme les relations contractuelles de l'Etat avec le secteur de l'insertion par l'activité économique souffrent actuellement de la dualité et de l'irrégularité des financements apportés respectivement par la délégation à l'emploi (DE) et la direction de l`action sociale (DAS), un groupe de travail sera institué, prévoit le programme d'action, pour « examiner les solutions qui pourraient être apportées à la dualité des financements ainsi que les conditions dans lesquelles les engagements annuels de l'Etat pourraient s'inscrire dans un accord-cadre pluriannuel ».
Le Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), institué en mai 1991 (14) et actuellement composé de trois catégories de membres - représentants des ministères, personnalités qualifiées, élus -, sera élargi au monde économique et social. Ainsi y entreront les représentants du monde des entreprises (CNPF et CGPME), des organismes cons