Rares sont les professionnels du droit ou les associations d’usagers qui s’opposent à l’intervention systématique de l’avocat en assistance éducative judiciaire. Plusieurs élus impliqués en protection de l’enfance, de Perrine Goulet à Isabelle Santiago pour ne citer qu’elles, soutiennent même fermement cette mesure. Déjà, une quinzaine de juridictions ont commencé à mettre en place une expérimentation en ce sens. Parce que plutôt que de dire qu’un dispositif va coûter cher, mieux vaut le vérifier. De toute façon, supprimer ce droit fondamental pour des raisons budgétaires serait un scandale absolu : aucune démocratie ne s’y est risquée.
Le droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant est prévu par de nombreux textes, en premier lieu desquels la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est un droit fondamental, et la garantie pour l’enfant d’exprimer librement cette opinion ne va pas sans celle d’être accompagné sur le plan juridique. Déjà très compliqué pour les justiciables adultes, le monde de la justice est en effet totalement inconnu pour un enfant, pourtant lui aussi sujet de droit. Comment pourrait-il agir seul ? Or c’est l’avocat qui va pouvoir le mieux lui expliquer les tenants et les aboutissants d’une procédure qui le concerne. Par manque de temps, même les juges sont trop souvent contraints de prendre leur décision en s’appuyant essentiellement sur la position des professionnels de l’ASE. En toute indépendance par rapport à la justice, mais aussi aux parents et aux services administratifs, seul l’avocat est tenu d’agir exclusivement en fonction des intérêts de son client. Pour un mineur, le bénéfice de l’aide juridictionnelle est d’ailleurs de plein droit, sans condition de ressources.
Selon la loi « Taquet », lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, un avocat peut être désigné pour l’assister. Mais à quel moment l’intérêt de l’enfant ne l’exigerait-il pas ? C’est en permanence qu’un mineur suivi par l’ASE peut avoir des intérêts différents de ses parents mais également des services éducatifs qui en ont la charge.
Bien sûr, la mission de l’avocat ne peut être un succès qu’à certaines conditions. J’ai toujours défendu que soit reconnue une spécialisation du droit de l’enfance, ce qui a fini par nous être accordé. J’ai aussi soutenu l’idée que pour être sur une liste d’avocats identifiés comme susceptible d’assister les enfants confiés à l’ASE, il faut justifier auprès de son ordre qu’on a suivi une formation spécifique. Au-delà de la matière juridique, nous devons savoir construire un dialogue, se mettre à la portée et créer un lien avec un enfant pour bien relayer sa parole. Quand on entre dans ce type de dossier, on le suit généralement sur le long terme. Pour instaurer un lien de confiance, on ne peut se contenter de voir l’enfant le jour de l’audience. Nous avons le devoir de conscience de préparer les entretiens, d’organiser des rencontres régulières. Et, contrairement aux autres professionnels, nous avons la possibilité de sortir de notre lieu de travail pour le faire là où le jeune sera le plus à l’aise, ainsi de prendre le temps nécessaire pour échanger.
Fixée par la loi « Taquet », la limite de l’âge du discernement, en deçà de laquelle l’assistance d’un administrateur ad hoc se substitue à celle de l’avocat, ne me paraît pas pertinente. D’abord parce que rien n’empêche ces professionnels d’agir ensemble. Ensuite parce qu’il est difficile de définir la notion de discernement, qui varie d’ailleurs d’un pays à l’autre. Et, compte tenu de sa fragilité, un enfant plus jeune a encore davantage de raisons d’être accompagné.