La question qui s’impose aujourd’hui est : qui va faire ce repérage ? La première difficulté à laquelle on va se heurter si on veut être opérationnel est la question du recrutement. Le secteur de l’aide à domicile, pourtant acteur majeur de la prévention, est aujourd’hui sinistré. Il ne faut pas omettre cette réalité. Si on souhaite favoriser la prévention, on ne peut pas compter sur les personnes elles-mêmes. La réponse peut venir des aidants familiaux. Le problème est qu’ils ne savent pas vers qui se tourner. Selon moi, il manque un service public de l’aide à domicile. C’est-à-dire un service territorialisé, de proximité, qui serait là non seulement pour enregistrer les demandes, mais surtout pour y répondre en organisant l’aide à domicile au quotidien et en assurant le suivi.
Même si la formation ou la sensibilisation sont des enjeux majeurs, encore faut-il des effectifs en nombre suffisant. Or la situation est que des plans d’aide ne sont pas exécutés car il n’y a personne pour accompagner à domicile. A mon sens, ce qui compte dans la prévention est la présence, la régularité, la connaissance de la personne sur le long terme. Je suis très sceptique sur les tests réalisés de façon ponctuelle par des experts extérieurs censés mesurer la perte d’autonomie. Comment peut-on tester une personne sans connaître sa biographie, sa vie d’avant ?
Je pense que les aides à domicile ont un rôle majeur à jouer en termes de prévention, car elles ont cette connaissance de la personne sur la durée. Il y a en effet tout ce qui n’est pas explicite et qui existe, malgré tout, quand une professionnelle(1) intervient à domicile. Même si c’est pour du ménage, elles ont un travail de veille sanitaire qui n’est jamais défini comme tel.
On a l’impression qu’on tourne en rond. Dans l’aide à domicile associative, il est triste de rappeler que, déjà en 2002, l’accord sur les rémunérations et les qualifications devait être une réponse aux problématiques du secteur. Et finalement, trois ans après, le plan « Borloo » a tout changé. Vingt ans plus tard, la signature de l’avenant 43, avec la rénovation de la classification, laissait présager une respiration. Mais quasiment trois ans après son application, l’augmentation des salaires a été grignotée par l’inflation. Il y a eu un effet symbolique sur le moment, mais pas l’appel d’air escompté. Et là, une des raisons vient du fait qu’il n’y a pas eu de vraie réflexion de la part des partenaires sociaux sur les compétences à exiger à l’entrée au premier niveau, laissant la porte ouverte à tout le monde. C’est-à-dire à des personnes sans expérience et sans diplôme, pour un salaire à peine supérieur au Smic. Ce n’est pas le meilleur moyen pour attirer des personnes motivées et engagées.
Il est important de parler de ces innovations qui invitent à l’optimisme. Le problème reste leur mode de financement, souvent sur appel à projets, et donc non pérenne. C’est ce qui les empêche de se développer. Et, là encore, la question du temps de travail, de ce qui est rémunéré ou pas, est centrale. La prévention doit prendre en compte tous ces temps : ne pas séparer les interventions de prévention et les autres destinées aux actes de la vie quotidienne. L’imbrication entre les deux est inhérente à la démarche préventive.
(1) Sachant que 98 % des aides à domicile sont des femmes, le terme a été féminisé.