Après avoir épuisé l’ensemble des voies de recours, au niveau national, pour obtenir l’abrogation d’un décret relatif au stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, des travailleurs du sexe se sont tournés vers la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Avec la pénalisation des achats des actes de nature sexuelle, les requérants ont invoqué une atteinte à leur intégrité physique, psychique, à leur santé, ainsi qu’au droit à leur vie privée (en ce qu’elle comprend le droit à l’autonomie personnelle et la liberté sexuelle).
C’est sous ce dernier prisme que la Cour a décidé d’examiner cette affaire le 25 juillet 2024. Elle commence par observer que la loi du 13 avril 2016, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, s’inscrivait dans une dynamique de répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution. Elle a également remarqué qu’il n’existait aucun consensus sur la question de la pénalisation de l’achat de prestations sexuelles en Europe. Ainsi, la CEDH laisse une large marge d’appréciation à la France sur cette question.
Reprenant les griefs des requérants, la Cour a observé que les risques sanitaires et sécuritaires ont été pris en compte lors de l’élaboration de la loi. Par ailleurs, elle relève que l’incrimination de l’achat de prestations sexuelles a comme but principal non pas de supprimer la prostitution mais de ne pas l’encourager.
La CEDH conclut à la non-violation de la vie privée des requérants. Elle explique avoir pris en compte leurs arguments relatifs à l’insuffisance des moyens pour mettre en œuvre la loi du 13 avril 2016, et aux incohérences dans l’application de ses dispositions. Néanmoins, la Cour considère que ceux-ci ne sont pas suffisants pour remettre en cause le choix du législateur.
CEDH du 25 juillet 2024, nos 63664/19, 64450/19, 24387/20, 24391/20, 24393/20.