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Sport adapté, cap ou pas cap ?

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Année olympique oblige, le gouvernement a décidé de mettre l’accent sur la pratique physique et sportive, en l’intégrant dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Dans ce contexte de grandes manœuvres liées aux JO de Paris, cette dynamique soulève des questions sur les moyens, les ressources, et la présence de professionnels qualifiés pour répondre aux besoins spécifiques des personnes dites « vulnérables ».

« Toute personne en situation de fragilité doit pouvoir bénéficier d’une pratique physique régulière. En France, nous avons un retard à combler », affirme Bruno Hennebelle, président de la Ligue de sport adapté d’Ile-de-France. La dynamique insufflée par les Jeux olympiques de Paris 2024, « la pratique du sport pour tous » devenue grande cause nationale par Emmanuel Macron, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport et à promouvoir le sport-santé… Tous les indicateurs devraient être au vert pour que l’activité physique en direction des personnes vulnérables soit désormais une priorité.

Cette nouvelle prise en compte du sport répond, entre autres, aux nombreux défis sanitaires et sociaux apparus après la pandémie de Covid-19 – ainsi que les confinements successifs – qui a affecté la santé déjà précaire des personnes les plus fragiles. « La sédentarité constitue un véritable enjeu de santé publique, surtout pour certaines tranches de la population pour qui l’activité physique et sportive doit être davantage encouragée », constate Agnès Troncy, masseur-kinésithérapeute et chargée de mission prévention à l’Adapt de Lyon. Les bénéficiaires de cette initiative incluent les personnes âgées en Ehpad ou en « résidences autonomies », les personnes handicapées dans les établissements spécialisés, les jeunes en difficulté dans les structures d’aide à l’enfance, ainsi que les malades chroniques ou en difficulté d’insertion sociale. Pour eux, l’activité physique et sportive devient un pilier essentiel de leur quotidien, contribuant à leur bien-être général.

Un exemple concret : le dispositif « 30 minutes d’activité sportive quotidienne », généralisé auprès des enfants de l’école élémentaire depuis 2022. Ce dispositif vise désormais 70 000 enfants handicapés dans les établissements sociaux et médico-sociaux. La loi du 2 mars 2022 rend également obligatoire la désignation d’un référent sportif dans ces structures pour dynamiser l’offre de la pratique du sport. Le décret du 17 juillet 2023 vient ainsi renforcer cette volonté en précisant les missions et les modalités de désignation ainsi que de formation de ces référents (lire encadré).

Les professionnels du secteur médico-social semblent avoir accueilli ce dispositif législatif plutôt favorablement. « C’est un bel outil qui a été mis en place, estime Bruno Hennebelle. Le référent permettra d’identifier les besoins et de les faire remonter au niveau des établissements. » De son côté, Joffrey Chiron, référent paralympique Provence-Alpes-Côte d’Azur du Comité paralympique et sportif français (CPSF), précise que « cela incitera les structures à ne plus considérer la pratique physique comme secondaire dans les priorités à gérer ».

S’adapter aux spécificités

Le sport est donc un excellent outil d’inclusion et d’accompagnement, permettant aux bénéficiaires de trouver un bien-être non seulement physique, mais aussi psychique et social. Simon Claerbout, directeur de la Maison Pierre Lagourgue de l’Apajh à La Réunion, met en avant l’importance de cette approche : « Les personnes peuvent se réconcilier avec leur corps, parfois entravé par la douleur, en retrouvant des sources de plaisir oubliées grâce et par l’activité physique. C’est aussi, pour elles, un moyen de se sociabiliser. » Cependant, Nathalie Catajar, directrice médicale à la fondation Les Amis de l’Atelier qui gère 100 établissements sur toute la France met en garde : « Faire de l’inclusion à tout prix n’a pas de sens. Il faut prendre en compte les particularités individuelles. C’est le contexte sportif qui doit s’adapter aux personnes et non l’inverse ! »

Pierre angulaire de cette approche, l’activité physique adaptée (APA) permet un accompagnement global des personnes qui ne peuvent pratiquer une activité physique dans des conditions habituelles. « Les bénéficiaires de l’APA accèdent à un mieux-être dans tous les aspects de leur vie, en fonction de leurs capacités physiques, de leurs besoins et de leur personnalité », explique Benjamin Barrat, éducateur en sport adapté à la maison d’accueil spécialisée (MAS) et au foyer d’accueil médicalisé (FAM) de la Fondation Anaïs de Jouy-le-Moutier (Val-d’Oise). Adrien Gérinière, enseignant et chef de projet en activité physique adaptée à l’association AFG Autisme, ajoute : « L’activité physique et sportive n’est en rien occupationnelle. Elle s’inscrit dans la durée et sert de support au projet de vie de chaque personne. »

Agnès Troncy, insiste de son côté sur la nécessité d’y apporter une dimension ludique et sociale : « Il reste encore difficile de faire passer le message auprès de nos formateurs, souvent sceptiques, au départ, de l’intérêt d’une telle démarche. » Depuis 2017, l’Adapt Rhône-Alpes organise par exemple le défi « Adapt Mouvement » pour sensibiliser personnes accompagnées, bénévoles et salariés, cinq jours durant, à la pratique de la marche.

Pénurie et ajustement

Dans les établissements, ces activités doivent être encadrées par des professionnels spécialisés – éducateurs sportifs et enseignants spécialisés en activité physique adaptée (kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens…) dont le recrutement reste une gageure. « Il y a pénurie », déplore Bruno Hennebelle. Un problème de ressources humaines qui a même tendance à s’accentuer avec une demande croissante et les exigences de la nouvelle législation portant sur les référents sportifs. L’agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie collabore avec la Ligue régionale de sport adapté pour aider les établissements à structurer leurs projets et à recruter les experts. Optimiste, Joffrey Chiron prédit que « la législation et les JO vont populariser ces métiers et attirer de nouvelles recrues ».

Si certaines structures intègrent des éducateurs sportifs dans leurs équipes, la majorité passe par des prestataires extérieurs. Et quelques-uns s’ajustent… selon leurs besoins. C’est ce qui est arrivé à Benjamin Barrat, éducateur en sport adapté, lorsque le poste de kinésithérapeute de la maison d’accueil spécialisée, resté vacant pendant six mois, a été réaffecté pour en faire un poste d’éducateur sportif. « L’astuce a été de réallouer les ressources budgétaires d’un poste à un autre. Auparavant, un éducateur extérieur intervenait de manière ponctuelle, mais il ne pouvait pas être présent quand les résidents en avaient besoin. »

Engouement avéré

L’intégration de l’activité physique et sportive représente quoi qu’il en soit un défi complexe, souvent contraint budgétairement et logistiquement. Julie Foucart, directrice de la communication à la Fondation Anaïs, constate ces difficultés sur le terrain : « Chaque établissement fait face à des réalités financières et humaines différentes, ce qui influence leur capacité à mettre en œuvre ces initiatives. »

Certains vont alors jouer sur la mutualisation des dispositifs, comme le fait la Fondation Anaïs avec le lancement du programme « A ton sport, à sa santé ! » en 2023. De janvier à juin, les résidents, souvent très demandeurs, ont participé à des séances de marche sportive, marche nordique et des randonnées. Encadrés par un ancien chargé de développement des pratiques à la Fédération française d’athlétisme, ils ont parcouru au total 4 196 kilomètres. Ces activités ont ainsi rassemblé 232 usagers handicapés et 132 professionnels de 28 établissements. « En un an, le nombre de bénéficiaires du projet a presque triplé », se félicite Julie Foucart.

Dans les faits, les ressources financières sont souvent limitées. Sans un financement adéquat, il est difficile de soutenir des programmes de qualité sur le long terme. « Il est essentiel de rechercher des solutions qui ne se limitent pas aux ressources internes, mais qui intègrent également des ressources externes », précise Nathalie Catajar. L’une des solutions est de développer des partenariats avec les acteurs locaux. Ainsi, le programme « ESMS & Clubs », initié en 2020, soutenu par l’ARS et le Comité paralympique et sportif français, vise à établir des relations pérennes entre les clubs sportifs et les établissement sociaux et médico-sociaux (ESMS), par un soutien technique et financier, ainsi que l’implication des municipalités.

Preuve de cet engouement : 80 ESMS se sont portés candidats en région Paca, dont 15 ont été conventionnés. « Ces chiffres démontrent que nous répondons à un vrai besoin, alors que nous avons très peu communiqué sur le projet », commente Joffrey Chiron. Résultat, 3 225 personnes ont pu bénéficier de ce dispositif dont 58 % sont issus d’ESMS accueillant des enfants et 42 % des adultes. En tout, 92 % des projets ont été pérennisés.

Autre programme phare : le « Club Inclus’if », doté de deux millions d’euros par l’Etat, qui facilite l’accueil des personnes en situation de handicap, notamment avec des besoins spécifiques, issues des ESMS. « Nous accompagnons les clubs pendant une période de six mois, explique Joffrey Chiron. Notre objectif est de rendre 3 000 clubs inclusifs d’ici la fin de 2024. Les choses évoluent positivement. Alors que les instances publiques, telles que l’ARS, ne s’intéressaient pas à ce sujet il y a encore trois ans, aujourd’hui, elles sont désireuses de connaître et de partager les bonnes pratiques. Il faut dire que le cadre réglementaire et le contexte sportif les y obligent. » Actuellement, seulement 1,4 % des clubs ont la capacité d’accueillir des personnes en situation de handicap.

Autre levier, les 500 maisons sport-santé, réparties sur tout le territoire depuis le 1er janvier 2024, ouvrent leurs portes tout au long de l’année à des publics éloignés de la pratique sportive, quel que soit leur âge ou leur état de santé. Une attention particulière est accordée aux personnes les plus fragiles. Ce sont des lieux ressources pour les établissement sociaux et médico-sociaux, car ils offrent l’accès à des équipes médicales, des équipements sportifs et des éducateurs sportifs. Les établissements de la Fondation des Amis de l’Atelier comme la Fondation Anaïs y ont recours pour leurs résidents. « Je crois clairement que les JO ont eu un impact sur l’émergence et la considération de la pratique de l’activité physique et sportive au sein des structures, se réjouit Joffrey Chiron. Ils ne font qu’accélérer quelque chose qui était déjà latent. Nous ne sommes qu’au début de projets qui vont prendre de l’ampleur d’ici quelques années. L’héritage et l’esprit des Jeux s’incarnent parfaitement dans ces initiatives en les rendant toutes pérennes ! »

Le référent sportif : personne « ressource »

En 2024, chaque établissement social et médico-social doit inscrire les personnes âgées ou en situation de handicap qu’il accompagne au quotidien dans une démarche globale de sport-santé, visant à améliorer leur autonomie et leur qualité de vie.

Pour atteindre cet objectif, chaque directeur d’établissement devra désigner un référent sportif, appelé aussi référent « santé », parmi les membres du personnel et sur la base du volontariat. Ce dernier ne doit pas forcément être diplômé dans une activité sportive en particulier. Il peut être éducateur sportif, aide-soignant, éducateur spécialisé ou agent administratif. Sa mission principale est d’informer les personnes accompagnées, leurs familles et les instances de l’établissement sur les activités physiques et sportives (APS) proposées par l’établissement et à proximité (clubs, maisons sport-santé, ateliers, etc.). Le référent peut également élaborer, en lien avec le médecin traitant, un plan personnalisé d’APS aux personnes accompagnées, et en collaboration avec les professionnels de la structure.

Pour guider les professionnels, pas à pas, dans la mise en place de ce nouveau projet, l’Agence nationale pour la performance sanitaire et médico-sociale (Anap) a publié deux livrets – l’un à destination des directeurs, l’autre des référents – intitulés « Plus vite, plus haut, plus sport ! Un référent sport pour muscler l’autonomie ». Ils sont téléchargeables gratuitement sur le site de l’Anap. Lien : bit.ly/4ccIQrM.

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