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« La bonne volonté ne suffit pas, il faut des compétences »

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Issus de milieux professionnels très divers, souvent encore étudiants, ceux qui accompagnent les séjours ne bénéficient que de quelques jours pour connaître les bases du public en situation de handicap. Un gage de fraîcheur, mais qui peut avoir ses limites.

S’il n’existe aucun diplôme spécifique à l’encadrement de séjours adaptés, pratiquement chaque organisme de vacances adaptées organisées (VAO) délivre deux ou trois jours de formation afin de préparer au mieux les séjours à venir. Une mise à niveau commune à tous les membres de l’équipe, quelles que soient par ailleurs sa composition et ses qualifications parallèles (Bafa, BAFD, filières du travail social). Beaucoup sont encore étudiants – au sein des instituts régionaux du travail social (IRTS), mais aussi dans toutes sortes de cursus universitaires –, d’autres sont en poste dans des ESMS, instituteurs ou même retraités. « Tous les novices viennent en formation avec leurs compétences », se félicite Sébastien Bort, responsable national des vacances et loisirs adaptés à l’UFCV, association d’éducation populaire et centre de formation permettant annuellement des échappées pour 7 000 adultes et enfants en situation de handicap. « Chacun se nourrit des autres. Notre rôle est de donner le bon outillage pour partir serein. »

Considéré comme volontaire, chaque futur animateur des séjours UFCV suit huit modules qui constituent ce que l’organisation a baptisé Favao (formation des animateurs vacances adaptées organisées). Eté après été, ils sont entre 800 et 1 000 à suivre ces sessions. Certaines sont en présentiel, d’autres en visioconférence. Un corpus de contenus généralistes précède des ateliers plus pointus, selon que les accompagnants s’apprêtent à embarquer dans des séjours de faible ou de bonne autonomie. Chacun est muni de fiches d’intervention par compétence à acquérir. « Des supports vidéo leur permettent de découvrir concrètement leur futur public de vacanciers, précise Sébastien Bort. Un aperçu de la réalité qui donne à certains l’opportunité de renoncer avant la date fatidique et qui nous facilite le repérage de ceux que nous n’estimons pas à leur place. » Un thème comme la sexualité révèle parfois des incompatibilités. Certains animateurs sont heurtés et ne veulent pas endosser de telles responsabilités. Ce à quoi le formateur et responsable de l’UFCV leur répond : « Tu es choqué que des personnes en situation de handicap puissent avoir des relations ? Ils ont 45 ans, tu en as 22, ils ont connu ça avant toi ! »

Tous les organismes de vacances adaptées délivrent à peu près les mêmes « tips » à leurs équipes pour anticiper le maximum de situations une fois sur le terrain : connaissance du public et de ses besoins en fonction des différents types d’autonomie, questions sanitaires (toilette, rapport à la pudeur, distribution des traitements), hygiène des locaux et alimentaire, gestion des urgences en cas de crise (erreur de médicament, fugue, accident, décès) et tout un volet, plus ludique, consacré à l’animation. « A travers un grand jeu ou une soirée-repas, on essaie de mettre le plus possible nos expériences en pratique pour que les nouveaux apprennent en faisant », détaille Nathalie Mouret, responsable de séjours adaptés, formatrice et éducatrice spécialisée.

Eviter d’infantiliser

Habituée aux vacanciers adultes, la jeune femme estime important de sensibiliser les équipes à ne pas considérer ceux-ci comme des enfants. En dépit de la charge de travail et du poids des responsabilités, la Toulousaine n’hésite pas à poser des congés pour pouvoir partir en séjours. « Un véritable bol d’air ! Comme une parenthèse, loin de la vie quotidienne, juste pour passer du bon temps. Il ne tient qu’à nous de faire de chaque instant un moment sympa, même lorsqu’il s’agit de prendre sa douche ! » Venue de l’éducation populaire avant de découvrir l’univers du handicap via les séjours, puis de devenir éducatrice en protection de l’enfance, Nathalie Mouret souhaite continuer à combiner VAO et travail social. Pour tisser du lien.

Connaître le handicap

Laurine Denis, éducatrice spécialisée dans un foyer de vie en Bretagne, a fait le chemin inverse. « Je ne connaissais pas du tout ce milieu. C’est en voyant revenir avec un grand sourire les gens que j’accompagne au quotidien que je me suis dit qu’il fallait que je passe de l’autre côté. » Professionnelle depuis quatre ans, elle a déjà encadré cinq séjours avec APF France handicap en tant que bénévole. « Dans l’institution, on est là pour imposer un cadre et poser des règles de la vie en collectivité. En vacances, on mange ce qu’on veut, comme on veut et avec qui on veut. C’est ça qui me plaît. Et puis j’ai fait le choix de partir avec des personnes en situation de handicap moteur, alors que mon poste actuel concerne des adultes avec des déficiences intellectuelles. C’est l’occasion pour moi de me tester, de voir si c’est un public avec lequel je pourrais me projeter professionnellement. »

Souvent seule travailleuse sociale de l’équipe d’accompagnants, Laurine estime que sa formation initiale lui permet d’avoir davantage de compréhension des enjeux du handicap, de mieux prendre en compte les situations concrètes liées à l’autodétermination. « Certains animateurs ne sont pas toujours à l’aise, comme avec ce monsieur qui avait aussi quelques troubles du comportement. Forcément, ma formation d’éduc m’aide. Mes collègues veulent bien faire ou aller vite, mais ils ne sont pas toujours à l’écoute des envies des gens. J’ai plus de pratique pour analyser si untel veut être servi ou si tel autre souhaite qu’on le laisse faire par lui-même. »

Confortée dans ses acquis professionnels auprès de « collègues » moins expérimentés, Laurine puise également dans l’animation de séjours adaptés une inspiration nouvelle, une autre manière d’envisager les personnes vulnérables. « Au quotidien, on parle de juste distance, de la place de l’éducateur, et tout ça. En vacances, on l’oublie vite. Si l’une des personnes que j’accompagne me demande si elle peut me faire un câlin, je lui réponds : “Oui !”. On baisse les barrières. »

Assurer la sécurité

Les quelques heures de formation délivrées pour les animateurs les plus néophytes suffisent-elles ? Les connaissances expérientielles, empiriques, peuvent-elles se passer d’un véritable diplôme ad hoc ? Si une certaine fraîcheur est unanimement saluée, des voix plaident pour un apprentissage plus dense. « Je trouve intéressant que des jeunes puissent utiliser les séjours adaptés pour construire leur rapport au handicap, estime Frédéric Reichhart, enseignant-chercheur en éducation inclusive. Mais est-ce parce qu’il s’agit de personnes handicapées qu’il faudrait un encadrement de moindre qualité ? Je pense qu’il faut des compétences. Il ne suffit pas d’avoir de la bonne volonté, de la motivation, d’être joyeux ou sympathique. Accompagner des adultes autistes n’est pas intuitif, idem pour des personnes polyhandicapées. Un savoir-être est demandé, mais il faut aussi un savoir-faire. »

Cette question irrigue le secteur, pris en tenaille entre le besoin de remplir ses quotas d’animateurs et sa volonté d’assurer le maximum de sécurité et de bien-être pour les vacanciers. Le tout dans un contexte de crise du recrutement qui ne fait que croître. Peinant à constituer ses équipes, certains organismes n’ont d’autres choix que d’embaucher des animateurs aux profils de moins en moins pointus. Une situation qui inquiète Nathalie Mouret. « C’est important de transmettre et de bien composer les groupes d’encadrants. Il faut de la mixité entre ceux qui ont l’expérience du médico-social et ceux qui viennent du Bafa. J’ai malheureusement l’impression que plus les associations grossissent, moins elles accompagnent les équipes sur le terrain. On recrute un peu au dernier moment, les animateurs n’ont pas le temps de suivre la formation… C’est là qu’on met les gens en danger. Qu’on se met tous en danger. »

L’éducatrice a récemment décidé de poursuivre ses activités en VAO avec un organisme de beaucoup plus petite taille, proposant des séjours davantage élaborés sur-mesure. « Là, je travaille essentiellement avec des professionnels du social, ce qui nous permet de réaliser un tuilage avec les animateurs inexpérimentés. Lors de mon prochain séjour, nous serons à deux pour un avec une personne autiste. Nous avons pris le temps de construire ce projet avec l’institution et avec sa famille : trois jours à la campagne pour cuisiner, faire des promenades et regarder les animaux. Quelque chose de tout doux. Ce genre de projet n’est possible que dans une association à taille humaine. »

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