« Je veux changer de nom. » Il me dit ça comme ça, entre une tartine et un chocolat au lait, sans même lever les yeux de son bol. Il s’appelle Victor. « Victor comme victorieux », dit-il parfois en riant. Et pourtant, rarement un enfant n’a aussi mal porté son nom. Il faut dire qu’il n’est pas souvent vainqueur, ce petit. Scolarité difficile, contacts familiaux chaotiques et aucune relation amicale pérenne, Victor est l’archétype du gamin trimballé de famille en foyer et de foyer en famille, sans port ni attache autre que celle de l’équipe éducative qui l’accompagne.Vainqueur en poisse, à la limite. Et pourtant, il l’aime son prénom ! Il le déclame avec fierté. Parce que Victor comme Victor Hugo, dont les vers résonnent si souvent sur ses lèvres. « Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne », murmure-t-il parfois en évoquant sa grande sœur disparue.« Victor, c’est joli. Ton nom ne te plaît plus ? Pourquoi veux-tu en changer ? »« Pas ce nom, l’autre », me répond-il d’un air de défi. L’autre, le nom de famille. Victor Pater. Victor comme vainqueur et Pater comme… père, évidemment. Le nom du père. Le nom de l’homme qui a commis l’innommable.Décidément, cet enfant porte très…
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