« Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » Je n’aime pas cette question. Ou plutôt, je n’aime pas la tête que font les gens quand je leur réponds que je suis aide-soignante en Ehpad. Ce regard empreint de pitié, et ces mots, presque toujours les mêmes : « Moi, je pourrais pas. Les mains dans le caca toute la journée, non merci ! » « Plutôt mourir que de finir dans ce genre d’endroit ! » « Avec tout ce qu’on entend de nos jours, je sais pas comment tu peux encore bosser là-dedans ! »Ainsi, mon métier est vite résumé, et tout aussi vite classé : je travaille forcément dans un mouroir maltraitant et je passe mes journées à laver des corps et des sols souillés de déjections humaines. Souvent, la discussion s’arrête là. Je n’ai pas envie de perdre mon temps à expliquer ce qu’est mon métier à des gens qui, de toute façon, ont décrété que je faisais la pire chose dans le pire endroit.Parfois, la conversation continue. Quelqu’un connaît quelqu’un dont la voisine du cousin de la boulangère a raconté qu’il existait une maison de retraite révolutionnaire, quelque part entre Dijon et Hendaye, dans laquelle il y aurait des gens heureux.Loin de me consoler, ces contre-exemples me mettent mal à l’aise.…
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