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Une ressource sous haute tension

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L’évolution des publics accompagnés, de la réglementation et des attentes des financeurs stimule les besoins de formation continue dans le secteur social et médico-social. Problème : les ressources dédiées à la formation professionnelle restent en deçà des desiderata depuis plusieurs années.

Un « vrai enjeu », mais « pas assez de budgets ». Directrice générale d’En droits d’enfance, association du Val-d’Oise qui gère une maison d’enfants à caractère social (Mecs), un service d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) ainsi qu’un service d’investigation éducative et de réparation pénale (SIRP), Cathy Campos ne cache pas sa frustration sur le sujet de la formation professionnelle. Pour un peu plus d’une centaine de salariés, son budget annuel, en 2021, dépassait à peine les 20 000 €. Entre les formations obligatoires exigées par le code du travail relatives à la sécurité au travail ou aux élus du CSE, celles réclamées par les professionnels et celles qui s’imposent par l’évolution des publics ou des réglementations, la facture monte vite. Contrainte d’optimiser les coûts, la responsable recourt aux conférences ou aux colloques pour augmenter le nombre de personnes formées. Et quand une formation collective est organisée, il s’agit d’y envoyer une personne par équipe, ce qui pose la question du « transfert » des connaissances. Conflits parentaux, violences conjugales, addictions, stress post-traumatique, handicap : les sujets à approfondir afin d’améliorer la qualité de prise en charge des publics sont pourtant nombreux dans son champ.

Mise à jour des connaissances

Les bonnes raisons de développer la formation continue ne cessent de s’accumuler. Les exigences de « performance » stimulent les besoins, sitôt obtenu le diplôme en formation initiale… « Il y a quelques années, les services d’AEMO étaient assurés par des professionnels qui avaient de la bouteille. Aujourd’hui, des jeunes diplômés se retrouvent plongés dans ces univers, avec de vraies difficultés », poursuit Cathy Campos, qui constate notamment des lacunes en matière de maîtrise des écrits professionnels. L’évolution des connaissances impose aussi des mises à jour. « Il existe aujourd’hui des techniques très affinées qui ne sont pas abordées en formation initiale. Sans formation continue, on est à côté de la plaque sur l’autisme ou les cérébrolésions », ajoute Gérard Restouex, directeur général de l’Adapei de la Corrèze. Au sein de l’association Imanis, siégeant à Montargis (Loiret) et spécialisé dans l’hébergement et la lutte contre les exclusions, les nouveaux profils des publics accueillis ont conduit à mettre l’accent des équipes sur leur niveau en anglais. « Aujourd’hui, on accueille le monde entier, et la part des personnes qui ne parlent pas français s’est démultipliée », souligne son directeur dans le Loiret, Jean-Noël Guillaume.

Les attentes des financeurs et des pouvoirs publics influencent aussi les choix de formation. Dernier facteur, et non des moindres : les obligations imposées par le code du travail. Depuis 2014, et au bout de six ans de présence en poste, l’employeur doit s’assurer, au choix, que le salarié a suivi au moins une action de formation, a acquis des éléments de certification ou a bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.

Et pourtant, les ressources affectées à la formation professionnelle semblent stagner. D’après l’Opco santé, le secteur contribue à la formation à hauteur de 2,1 à 2,2 % de la masse salariale, en additionnant les montants obligatoires (2 %) et les versements volontaires que les associations effectuent au profit de la branche se sont poursuivis après la réforme de la formation de 2014, qui a diminué les taux contributifs obligatoires. « Nos fonds conventionnels nous permettent de nous projeter et de répondre à une partie du besoin, mais ils ne suffisent pas. Nous avons besoin de cofinancements et de fonds supplémentaires afin d’offrir et de financer des parcours de qualification pour nos professionnels et de répondre aux besoins massifs de recrutement », constate Valentin Dubourguier, responsable de l’emploi et de la formation professionnelle chez Nexem. Par le biais du plan de relance, le gouvernement a dédié 78 millions d’euros à la promotion par alternance (ou « période de professionnalisation ») dans le secteur, ciblant des salariés déjà en poste. Déjà consommée, l’enveloppe a permis d’engager la formation de 1 721 aides-soignants et de 671 accompagnants éducatifs et sociaux supplémentaires, selon l’Opco santé. Avec la loi « Avenir professionnel » de 2018, qui a profondément remanié les circuits de financement, les associations « ont pu avoir l’impression que les fonds de la formation professionnelle se raréfiaient », indique aussi l’Opco santé, en raison d’un « fléchage des fonds plus important vers les demandeurs d’emploi ».

À la chasse aux ressources

Les budgets consacrés à la formation augmentent avec le nombre d’effectifs : ce constat établi par la Dares (direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques) à propos du secteur privé dans son ensemble s’applique aussi aux associations. « Les plus petites structures se limitent aux fonds de l’Opco santé, tandis que les grandes élaborent des plans de formation pluriannuels », observe Sylvain Jouve, directeur du cabinet RH &Organisation. « Plus la structure est grosse, plus les services support sont en capacité d’optimiser leurs contributions et retrouvent l’argent qu’ils ont versé aux fonds mutualisés », remarque Amor Ayouni, responsable de l’offre de services de l’Uriopss Ile-de-France. L’envoi de salariés en formation se heurte aussi à l’obstacle des remplacements. « Les travailleurs sociaux ne s’autorisent pas de la formation », constate Koudiev Sidibé, responsable du centre de formation de l’Unafo.

Alors que certains employeurs consacrent des montants beaucoup plus importants pour se montrer à la hauteur des besoins, vouant parfois 6 % de leur masse salariale à la formation, les associations préoccupées par le sujet chassent les ressources, en sollicitant des crédits non reconductibles ou en se tournant vers des financeurs privés. « On fait beaucoup de fund­raising », indique le directeur général de l’Adapei de la Corrèze, Gérard Restouex. Le caractère stratégique de la ressource entraîne aussi son optimisation. Finies, les formations à l’autre bout de la France sur des sujets qui ne se rapportent pas directement aux orientations stratégiques des établissements. Et les formations collectives deviennent la règle. A l’Association Olga Spitzer (900 salariés), celles-ci sont achetées par le siège, laissant peu de place à l’individualisation des formations au niveau de l’encadrement intermédiaire, qui ne dispose que d’enveloppes limitées pour personnaliser les formations. « On ne finance quasiment plus l’acquisition de diplômes », constate le directeur du service de prévention et de protection de l’enfance de Paris, intervenant sur délégation de l’aide sociale à l’enfance parisienne, Bertrand Deric. La sélection des bonnes formations par l’encadrement gagne alors en importance : point de droit à l’erreur quand les sessions engagent des groupes entiers…

Pour certaines organisations syndicales, une telle évolution, aggravée par la disparition du congé individuel de formation (voir encadré page 6), pose problème. « Aujourd’hui, il n’est plus possible pour un salarié de choisir sa formation. Les employeurs recourent aux formations collectives non qualifiantes, car cela permet de satisfaire l’obligation légale assez rapidement et à moindre coût », analyse Michel Poulet, secrétaire fédéral chez Force ouvrière Action sociale. « On constate des départs de salariés qui quittent leur employeur faute d’avoir pu se former », témoigne Véronique Menguy, délégué syndicale FO à l’Adalea, qui intervient sur le secteur de l’hébergement et de l’insertion. Et de citer le cas d’un éducateur spécialisé parti se former via la Région, pour devenir encadrant technique.

Un secteur orphelin du CIF

Le CIF est mort, vive le PTP ? Ce proverbe ne tient guère dans le secteur médico-social, qui gérait de manière autonome, avant la réforme de 2018, le congé individuel formation. Son successeur s’appelle donc « projet de transition professionnelle ». Auparavant géré au niveau de la branche par l’Unifaf, son financement est désormais piloté au niveau interprofessionnel. Le principe reste le même : tout salarié souhaitant s’absenter de son poste, tout en étant rémunéré, pour suivre une formation certifiante en vue de changer de métier ou de profession doit en faire la demande auprès d’associations de transition professionnelles (ATpro). Problème : « Les budgets sont beaucoup moins importants et avec un périmètre de salariés élargi », explique Alexandre Lebarbey, chargé des questions d’emploi et de formation à la CGT. Alors qu’il était raisonnable d’espérer décrocher un CIF au bout de quelques années, les probabilités d’accès à ces financements varient désormais selon le profil du demandeur (homme ou femme, catégorie socioprofessionnelle, métier visé…). « Le PTP n’est pas très intéressant pour un travailleur social qui voudrait évoluer en restant dans son champ », ajoute le syndicaliste. Les conditions de financement, limitées en montant et en durée, entraînent un reste à charge. Pour suivre une formation qualifiante, l’alternative consiste donc à se tourner vers son employeur pour effectuer un parcours de promotion par l’alternance (Pro-A).

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