Recevoir la newsletter

L’accueil sous condition

Article réservé aux abonnés

Ronces, buissons et arbres noueux empêchent l’accès aux eaux bourbeuses de l’Evros. Frontière naturelle de 500 kilomètres entre la Grèce et la Turquie, point de passage vers l’Union européenne de nombreux migrants afghans, syriens ou pakistanais, ce fleuve balkanique est peu à peu devenu inapprochable. Bordée d’une végétation hostile, hérissée de caméras et de barbelés, contrôlée par l’armée grecque, toute cette zone hautement sensible est interdite d’accès et militarisée.

Pourtant, tous les jours, des hommes, des femmes et des enfants tentent leur chance. Après des semaines sur les routes de l’exil, les pieds dans la glaise, les lèvres bleuies par le froid, ils essaient coûte que coûte de traverser.

Ce ne sont pas les millions d’euros investis l’année dernière pour déployer des canons sonores et autres drones ultra-sophistiqués qui ont eu raison de leur obstination. Ce ne seront certainement pas non plus les 250 gardes-frontière supplémentaires annoncés en mai dernier, portant les effectifs à un millier de soldats pour surveiller la région, qui les dissuaderont. Même le « mur anti-migrants » de béton et d’acier, serpentant bientôt sur plus de 120 kilomètres le long de la Turquie, risque de ne pas suffire. Le pays se barricade, l’Union européenne tremble et les demandeurs d’asile continuent d’affluer. Un cycle infernal qui génère des réponses de plus en plus violentes, voire illégales.

Ainsi, depuis quelques années, les migrants sont repoussés à peine ont-ils posé le pied sur le sol européen. Cette méthode dite du « pushback » désigne « un ensemble de mesures étatiques provoquant le refoulement de réfugiés et de migrants à travers une frontière – généralement immédiatement après leur traversée – sans tenir compte de leur situation particulière et sans possibilité de demander l’asile ». En d’autres termes, la Grèce leur claque la porte au nez sans qu’ils aient pu solliciter sa protection.

Bafouer les droits les plus élémentaires n’était peut-être pas suffisant. Selon un rapport de l’ONG Human Rights Watch, corroboré il y a quelques jours par une enquête menée conjointement par Le Monde et différents journaux européens, la police grecque utiliserait des migrants pour renvoyer les nouveaux arrivants en Turquie. « Nous avons passé un degré supplémentaire dans l’horreur, condamne Delphine Rouilleaut, directrice générale de France terre d’asile. Il est incompréhensible que la Commission européenne n’ait pas encore déclenché une enquête. »

Ces « kapos » du troisième millénaire, victimes de travaux forcés, de racket et de chantage, sont postés quelques heures par jour le long du fleuve Evros pour faire le sale boulot. En échange de plusieurs milliers d’euros, ils ne sont pas refoulés par les forces de l’ordre et devraient bénéficier d’un permis de séjour d’un mois. Mais ils ne savaient pas que ce « traitement de faveur » avait un prix : devenir les supplétifs de l’armée grecque en renvoyant leurs frères de migration de l’autre côté de la frontière. Le retour de l’esclavage sur le sol européen.

Une saison en migrations

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur