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Administrateur « ad hoc », une fonction clé de la protection de l’enfance

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Il n’a pas de statut précis et n’est pas rémunéré pour son action, juste indemnisé. Pourtant, l’administrateur ad hoc joue un rôle essentiel dans la défense des mineurs vulnérables et mériterait de pouvoir s’y consacrer pleinement.

« Personnage méconnu de la protection de l’enfance, l’administrateur ad hoc est obscur jusque dans le terme qui le désigne. « Ad hoc » est une locution latine qui signifie « pour cela », « en remplacement de ». En effet, l’administrateur est un intervenant ponctuel destiné à représenter juridiquement un mineur le temps d’un procès mais pas au-delà.

Quels critères d’intervention ?

A quelques exceptions près – notamment devant le juge des enfants –, un mineur n’est pas en capacité juridique d’intenter un procès. Il doit être représenté par ses représentants légaux, c’est-à-dire par ses parents ou son tuteur. Dans certaines situations, par exemple lorsque ceux-ci sont auteurs des faits ou qu’ils subissent une altération importante de leurs facultés mentales, cette mission ne peut pas être assumée par eux. Dans ce cas de figure, on dit qu’il y a « opposition d’intérêts ». Un magistrat désigne alors une tierce personne, habilitée, pour représenter juridiquement l’enfant dans une procédure. Ce tiers peut être une personne morale, telle qu’une association, ou une personne physique : l’administrateur ad hoc.

Conditions d’accès à la fonction

Outre un casier judiciaire vierge, il faut démontrer son intérêt pour la protection de l’enfance. Un dossier est remis au procureur de la République qui dépend du tribunal judiciaire du domicile.

Dans quelles procédures ?

L’administrateur ad hoc peut être amené à exercer ses fonctions dans différents types de procédure.

• Procédure pénale, avec deux types de situations :

– Pour un mineur victime. Dans l’hypothèse d’un viol d’un père sur sa fille, par exemple, ni le père, ni la mère ne pourront exercer les recours au nom de leur fille en raison du conflit d’intérêts caractérisé. Il en va de même pour un inceste entre frère et sœur. La représentation par les parents dans cette situation est trop délicate. Elle obligerait le représentant légal à prendre partie contre l’un de ses enfants.

– Pour un mineur délinquant. Ce cas de désignation est issu de la réforme de la justice en date du 23 mars 2019. Il vise l’hypothèse où, en raison de l’intérêt de l’enfant, les titulaires de l’autorité parentale ne sont pas prévenus que le mineur est suspecté ou poursuivi. Il en va ainsi, par exemple, lorsque les parents sont impliqués dans le trafic de drogue pour lequel le mineur est mis en cause.

• Procédure civile. A titre d’illustration, il peut s’agir d’une action en contestation de paternité dans le cadre de laquelle la mère remet en cause la paternité du mari. Ou d’une succession où les intérêts de la mère et de l’enfant divergent. L’enfant est alors au cœur de la procédure et sa représentation doit être assurée par une personne neutre.

• Procédure administrative. Est visée l’hypothèse d’un mineur étranger non accompagné, donc isolé sur le territoire et ayant besoin d’un représentant juridique. Celui-ci va assister le mineur durant son maintien en zone d’attente et assurer sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. Il aura également en charge la représentation du mineur dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles (demande d’asile et autre) afférentes à son entrée en France. Ce contentieux, en plein développement, est relativement technique.

Par quelle autorité l’administrateur ad hoc est-il désigné et à quel stade ?

L’administrateur ad hoc est une personne habilitée à exercer des missions de service public, en l’occurence en matière de justice. Il est désigné par un magistrat : procureur de la République, juge aux affaires familiales, juge des enfants, juge d’instruction, tribunal correctionnel ou autre. L’administrateur ad hoc doit rencontrer l’enfant le plus tôt possible, en fonction de son âge, afin d’établir avec lui une relation de confiance et de sécuriser son parcours judiciaire. Il se doit d’être pour l’enfant une figure rassurante, référente, éclairante tout au long de la procédure. C’est pourquoi les désignations, parfois trop tardives au regard des différentes phases du procès, empêchent l’administrateur ad hoc de remplir pleinement cette fonction d’accompagnement.

Quelle mission pour l’administrateur ad hoc ?

La mission de l’administrateur ad hoc comporte deux volets entremêlés, l’un d’ordre procédural, l’autre dans le champ de l’accompagnement. Sa mission est donc avant tout d’ordre juridique. Elle se distingue en cela de celle des éducateurs, qui interviennent majoritairement dans le champ éducatif.

Une fois que l’administrateur a rencontré l’enfant, il va lui désigner un avocat, choisi par lui et non par le mineur. A l’image d’un parent, l’administrateur ad hoc décide en veillant d’abord à l’intérêt de l’enfant. Si ce dernier refuse, par exemple, de solliciter des dommages et intérêts à l’encontre de sa mère maltraitante, l’administrateur peut ne pas en tenir compte car lui seul tient les rênes de la procédure. Pour éviter à l’enfant mineur d’être en conflit de loyauté, il est important de noter que c’est l’administrateur ad hoc qui prend toutes les décisions.

Dans le domaine pénal, l’avocat désigné va se constituer partie civile. Suite à cette constitution de partie civile, la victime supposée devient partie (en l’espèce, le mineur, représenté par l’administrateur ad hoc) au procès pénal. Ce qui génère les prérogatives suivantes :

• accès au dossier pénal

• droit de solliciter réparation de son préjudice

• droit de faire valoir des preuves

• possibilité de suggérer des mesures au juge d’instruction.

Un rôle pédagogique important

A chaque étape de la procédure (phases d’enquête, d’instruction, de jugement), l’administrateur ad hoc prendra soin d’expliquer clairement au mineur l’évolution du dossier, les conséquences des décisions de justice, les options… Il possède donc un rôle pédagogique important, les arcanes de la justice n’étant jamais limpides pour un enfant. L’administrateur ad hoc accompagnera également physiquement ce dernier aux différents rendez-vous judiciaires. C’est d’ailleurs lui qui signe les procès-verbaux dressés à l’issue des audiences.

Lorsque le jugement sera définitif, si des dommages et intérêts sont alloués au mineur en réparation du préjudice subi, il reviendra à l’administrateur de les recouvrir, notamment en saisissant la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (Civi) ou le Service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (Sarvi), car bien souvent, l’auteur est insolvable. Il est à noter que la saisine de la Civi et du Sarvi est enserrée dans des délais qu’il convient de respecter car, à défaut, la responsabilité de l’administrateur ad hoc pourra être engagée.

Une fonction à développer

Nous exerçons en équipe depuis plus de douze ans et avec une profonde motivation, cette fonction indispensable pour les mineurs, au sein d’une association habilitée. Elle nécessite toutefois d’être armé psychologiquement et d’être détenteur de connaissances juridiques. C’est la raison pour laquelle son exercice en équipe constitue un atout. Aujourd’hui, aucune formation n’est exigée pour exercer la mission d’administrateur ad hoc. Toutefois, des compétences juridiques peuvent s’avérer précieuses, étant précisé qu’elles peuvent s’acquérir par le biais de formations, telles que celles dispensées par la Fédération nationale des administrateurs ad hoc (Fennah), basée à Strasbourg. L’administrateur ad hoc ne dispose pas de statut précis et ses missions sont indemnisées selon un barème tel qu’il est impossible d’en vivre en libéral et de s’y consacrer pleinement. Espérons que les choses évoluent afin que cet acteur à part entière de la protection de l’enfance soit reconnu et puisse représenter au mieux les intérêts de ces mineurs particulièrement vulnérables. Nous encourageons toute personne intéressée par la protection de l’enfance et le milieu judiciaire à se lancer dans cette aventure riche et passionnante. »

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