Les courses sont faites, la maison est propre, il me reste dix petites minutes en compagnie de Mme Goriot. Trop court pour nous lancer dans une promenade, mais parfait pour partager un café. « Ça nous permettra de faire un peu connaissance », me dit la charmante dame de sa voix suave. J’acquiesce poliment.Les veufs esseulés et les charmantes octogénaires adorent me poser plein de questions plus ou moins discrètes sur moi, ma vie, mon œuvre, et j’adore tout autant les éluder. Pour cela, j’ai une technique imparable : il me suffit de poser nonchalamment les yeux sur n’importe quel cadre de la maison – au hasard, celui qui, à coup sûr, trône sur l’imposant buffet normand du salon – et de demander d’une voix faussement enjouée : « C’est votre fils/petite-fille/mari/chat sur la photo ? »A tous les coups, on gagne. Regard mélancolique, sourire complice, et c’est la vanne ouverte à la nostalgie, histoires d’amour au parfum désuet et souvenirs espiègles des enfants rieurs.Je n’ai aucun mal à user de cette fourberie chez Mme Goriot : la maison est envahie de photos, sur les murs, le frigo, la table de chevet… Partout le même visage, l’enfant aux boucles blondes devenu, quelques photos plus…
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