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Le ministre, le complot et le système

Les réseaux sociaux ne sont jamais avares de leçons. La rédaction des ASH l’a encore mesuré à l’occasion de la publication d’une interview d’Adrien Taquet. Au cours d’un entretien fleuve, le secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles a dressé un bilan de son action au gouvernement et balisé ses travaux d’ici à la fin du quinquennat. Interrogé sur la libération de la parole des victimes d’inceste, il n’a pas cherché à jouer sur les mots, affirmant sans détour que cette domination renvoyait au « patriarcat et à une vision patrimoniale de l’enfant ». Partagé sur Twitter, cet article a suscité des réactions – comment les qualifier ? – diverses. @Ariane58976813 reproche à Adrien Taquet de dénigrer l’ordre social établi, car « l’inceste renvoie à l’absence de LIMITES. L’exact inverse du patriarcat qui LUI en impose. » Lenny, sous le matricule @windblowser, l’accuse de « récupération idéologique à partir » de ce crime.

Ces éruptions numériques en disent beaucoup sur notre époque. Elles démontrent d’abord que le temps d’attention nécessaire à la lecture et à la compréhension d’un entretien long et technique n’est plus à la portée du premier internaute venu. C’est à déplorer. A l’évidence, les twittos précités n’ont pas pris connaissance des propos du secrétaire d’Etat.

Ils mettent aussi en lumière une tendance lourde à laquelle nous sommes désormais confrontés : celle du complotisme. Car à prêter trop de pouvoir et de duplicité à quelques individus, même pensionnaires du gouvernement d’Emmanuel Macron, on en vient à se masquer la réalité. Cela nous oblige à méditer les mots d’Anthony Galluzzo. Ce maître de conférences en sciences sociales de Saint-Etienne écrivait avec justesseque « cette approche, a priori critique, contribue en réalité à propager une vision de l’histoire dénuée de charge politique : le problème tiendrait à l’action d’individus malfaisants et non de structures mal façonnées » (Le Monde diplomatique, janvier 2021). On ne saurait mieux dire.

Il est évidemment possible d’approuver ou de réprouver les propos d’Adrien Taquet. Mais en cherchant à démasquer, en vain, des intentions cachées, on s’éloigne mécaniquement d’une critique à la portée tangible. La reconstruction d’un rapport de force politique aura un coût : celui de notre capacité à percevoir le réel et l’action publique pour ce qu’ils sont. Et non pour ce qu’ils devraient être. Ou de ce que l’on imagine qu’ils puissent poursuivre comme sombres desseins.

Éditorial

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