Vous l’avez peut-être croisé, ce junkie en manque de sa dose, les yeux hagards et la démarche titubante, ânonnant des phrases sibyllines d’un ton inspiré. « Longtemps, je me suis couché de bonne heure », vous souffle-t-il en vous croisant au détour d’une rue déserte, confinement oblige. Vous sursautez, apeuré. Que vous veut donc cet homme étrange ? « Je n’ai rien sur moi », vous défendez-vous mollement en accélérant le pas. Mais il insiste, il vous suit, sa voix se fait pressante. « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas », vous susurre-t-il d’un ton lancinant. C’est sûr, il divague. Il l’a sans doute tuée, sa mère ! Et son père avec. Et le prochain, c’est vous, si vous ne lui donnez pas ce dont il a besoin, là, tout de suite. Vous essayez de vous dégager. Mais l’importun est tout contre vous maintenant, vous êtes acculé, dos au mur de la librairie fermée depuis le confinement… « Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste… » Cette phrase semble tout droit sortie des abîmes, et pourtant… Ces mots, vous les connaissez. Du fin fond de votre mémoire engourdie par la peur, ils surgissent, limpides, sonores. Vous répondez en tremblant : « Bientôt…
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