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Prisons : une gestion en désordre

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Directives imprécises, manque d’équipement et d’information… Les prisons font face au coronavirus au cas par cas, alors même qu’un détenu est décédé le 17 mars et que des situations de contamination sont suspectées parmi la population carcérale et les intervenants extérieurs.

Depuis le début du confinement pour l’ensemble de la population française, annoncé le 16 mars 2020, la question du maintien des parloirs pour les détenus en période de coronavirus est, de facto, réglée : il n’y en aura plus jusqu’à nouvel ordre. Mais n’est-ce pas trop tard pour endiguer la propagation virale ? Jusqu’à présent, les directives adressées quotidiennement aux chefs d’établissement par l’intermédiaire des notes de la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) s’en remettaient à ces derniers pour régler les questions les plus sensibles, dont celles des parloirs et des promenades, au « cas par cas », selon les régions, le contexte épidémiologique, etc. « Il n’y a pas eu de consignes strictes qui permettent d’appliquer une politique sanitaire cohérente sur l’ensemble du territoire. Le risque est d’avoir fait entrer le coronavirus au sein de la prison et de mettre en danger tant le personnel que les détenus, prévient Farida Ed Dasiri, secrétaire générale du Syndicat national FO-PPIP des personnels de surveillance et de probation. De plus, une personne qui revient du parloir est suspectée par ses codétenus de ramener le virus avec elle, ce qui crée un climat de suspicion et fait monter la tension, déjà palpable en temps normal. »

De nombreuses inconnues

Sans compter que les informations sur le coronavirus qui tournent en boucle à la télévision dans les cellules ne sont pas faites pour apaiser les esprits. Et que, tout comme pour l’hôpital, les moyens mis à disposition des personnels des prisons ne sont pas à la hauteur des circonstances. « Nous n’avons quasiment rien : ni masques, ni gants, ni papier pour nous essuyer les mains, et nous demandons du gel hydroalcoolique car nous ouvrons et fermons de nombreuses portes », précise Samuel Gauthier, secrétaire national adjoint de la CGT pénitentiaire.

Certes, le protocole à mettre en œuvre en milieu carcéral est connu depuis deux semaines : outre les mesures-barrières, difficilement applicables en l’absence d’équipement, le détenu doit être isolé si une contamination est suspectée. En cas de maladie grave due au coronavirus, il est transporté soit dans l’unité de soins hospitaliers (USH), soit à l’hôpital. Et les détenus malades devraient être confinés dans l’enceinte de la prison. Face à de probables contaminations parmi une population où les détenus âgés, vulnérables ou souffrant d’autres pathologies sont nombreux, la direction de l’administration pénitentiaire se veut rassurante : « Nous avons prévu des quartiers qui seront dédiés aux détenues qui seraient malades et qu’il faudrait isoler. » Mais à la prison de Rennes, des détenus ont été déplacés pour libérer des espaces destinés à recevoir des personnes contaminées, ce qui a eu pour conséquence de surcharger certaines cellules et de créer des frictions.

Le 15 mars, une infirmière et deux médecins (intervenants extérieurs) auraient été contaminées et six cas de détenus sont suspectés au 17 mars. Ce même jour, un homme de 74 ans, entré le 6 mars dernier à la prison de Fresnes, y est décédé. Et rien ne dit que la contamination ne va pas s’étendre. Une situation sur laquelle les directions des établissements pénitentiaires ne sont pas promptes, depuis le début de l’épidémie, à communiquer. « Il y a un problème de circulation de l’information, constate Samuel Gauthier, notamment en raison de la crainte de provoquer une psychose. » Sans application dans toutes les prisons des restrictions et mesures en vigueur au niveau national, « nous allons vers le chaos », souligne Farida Ed Dasiri. Selon cette dernière, rien n’est vraiment précisé non plus concernant les promenades. « A nouveau, c’est au chef d’établissement qu’il revient de choisir si les heures de promenade et le nombre de détenus doivent être réduits. Or ce n’est pas la même chose de faire sortir puis rentrer en cellules 200 détenus ou 40. Et, en période de tension, il vaut mieux calmer les situations, donc privilégier les petits groupes. » Et qu’adviendra-t-il, questionne Farida Ed Dasiri, « si la situation sanitaire se dégrade avec un personnel malade ? Alors que notre mission est d’assurer la continuité du service public, qu’est-ce qu’il restera ? La police ? L’armée ? »

Le 17 mars, à l’annonce de la suspension des parloirs, une mutinerie à eu lieu à la prison de Grasse (Alpes-Maritimes).

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