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Quand le transport solidaire se structure

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Face à son envolée, le secteur du transport solidaire doit s’organiser pour pouvoir continuer d’essaimer en France. Un constat sur lequel le réseau Ecov s’est appuyé pour organiser, à Nantes, les toutes premières assises du transport solidaire, le 12 février dernier.

« En 2019, nous avons réalisé 5 000 déplacements, soit six fois plus qu’en 2015, date du lancement de l’association. Que feraient les gens sans nous ? Comment iraient-ils à l’hôpital, faire leurs courses… ? », interroge Christian Van Wynsberghe, vice-président de l’association de Loire-Atlantique Les Retz’chauffeurs. Qu’on le nomme « mobilité solidaire », « déplacement accompagné » ou « transport à utilité sociale », ces dernières années, le transport solidaire s’est révélé incontournable. A la croisée de l’action sociale et du transport, il permet de compenser les besoins non couverts par les services de transports publics et privés en proposant un service de déplacement accompagné entièrement géré par des bénévoles. Lesquels agissent souvent dans l’ombre, faute de visibilité des associations qui sont à la manœuvre. Les recenser pourrait permettre, d’une part, de leur offrir de la reconnaissance et, d’autre part, d’en favoriser le partage. Ce que s’est notamment attaché à faire Ecov en mettant au point un site regroupant une centaine d’initiatives locales. « Au-delà de la reconnaissance, on espère pouvoir créer une dynamique qui va permettre l’essor du transport solidaire partout en France », explique Thomas Matagne, président de cette structure nantaise spécialisée dans le covoiturage.

Complémentarité des acteurs

De son côté, le gouvernement, par l’intermédiaire de la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 26 décembre 2019, veut s’engager dans une démarche de coordination des acteurs sur le terrain. « Il faut s’acculturer les uns et les autres pour que chacun puisse prendre sa place, tout en incluant l’ensemble des services de transport d’un territoire », décode Pierre-Yves Appert, sous-directeur adjoint à la DGITM (direction générale des infrastructures, des transports et de la mer). Bien que le rôle endossé par les conducteurs solidaires soit complémentaire aux autres services, la confusion avec celui des professionnels du transport de passagers est encore très présente. Dans un département tel que la Loire-Atlantique, qui compte 26 associations et a réalisé 15 000 accompagnements de ce type en 2019, l’implication des pouvoirs publics contribue au déploiement et à la reconnaissance de ce secteur. Mais que dire des autres ? « Ils sont encore nombreux, particuliers comme professionnels, à faire l’amalgame entre le déplacement accompagné et un service de taxi. Résultat : certains usagers du transport solidaire n’hésitent pas à manifester du mécontentement, voire de l’agressivité envers les bénévoles », déplore Christian Van Wynsberghe.

(Mieux) former les bénévoles

Un point d’attention doit donc être porté sur la capacité à savoir communiquer. D’autant que c’est la condition pour améliorer le recrutement des bénévoles, dont la valeur humaine est une clé de la mobilité solidaire. Il ne s’agit donc pas de trouver des chauffeurs de taxi ni des ambulanciers, ni même des proches aidants, mais des personnes capables de réaliser un accompagnement de qualité. Et certaines questions – comment gérer l’agressivité et le mécontentement de la part des usagers ? jusqu’où aller dans l’accompagnement ? – ne doivent pas rester sans réponses. Pour ce faire, seule une offre de formations adéquates peut fournir aux bénévoles les outils nécessaires. Pour les référents ou responsables d’association, la question de la responsabilité du comportement du chauffeur au volant s’avère également essentielle. Et, pour le moment, seule l’Udams (union départementale d’accompagnement à la mobilité solidaire), créée en 2017, propose des formations aux premiers secours et quelques modules dédiés à l’accompagnement social.

« C’est important que la mobilité solidaire puisse se réaliser sans contraintes », prévient Bruno Isaia. Le vice-président de l’Udams et président des Retz’chauffeurs voit ainsi d’un très mauvais œil la publication, le 20 août 2019, du décret « TUS » (transport d’utilité sociale) (voir encadré). Le danger ? Formater et standardiser le transport solidaire. « Il faut que la mobilité solidaire conserve sa souplesse et sa grande adaptabilité, poursuit Eric Rossi, conseiller Europe et territoires à la Fédération nationale des familles rurales. Il ne faut pas perdre de vue que ce n’est pas un service public, mais un service d’entraide. »

Un décret qui passe mal

Trois ans après la loi « Grandguillaume » du 29 décembre 2016, qui prévoyait notamment la création de « services de transport d’utilité sociale » (TUS), le décret du 20 août 2019 précise les deux modalités de fonctionnement de ces services assurés par les associations. Soit la personne dispose de ressources inférieures au plafond de la complémentaire santé solidaire ou est bénéficiaire de l’une des prestations suivantes : revenu de solidarité active, allocation pour demandeur d’asile, garantie jeune, allocation aux adultes handicapés. Soit elle réside dans une zone peu dense (commune rurale ou zone urbaine de moins de 12 000 habitants). Dans le second cas, la personne peut être prise en charge pour des déplacements à l’intérieur de cette zone ou pour rejoindre un pôle d’échanges multimodal au sein d’un secteur urbain. Ce dernier point interpelle les associations, qui s’interrogent sur la finalité d’une telle mesure. « Comment peut-on réglementer la solidarité ? En faisant cela, on crée une inégalité des personnes selon leur lieu de résidence, en leur limitant l’accès aux portes des grosses communes », fustige Jean-Baptiste Baud, responsable des relations publiques de la fédération nationale Familles rurales. De son côté, la DGITM (direction générale des infrastructures, des transports et de la mer) se veut rassurante : « L’objectif premier du décret est de légitimer l’existence, au côté des services de transport à la personne exercé par des professionnels, de ces services de transports “associatifs” qui représentent indéniablement une solution pertinente pour les personnes fragiles confrontées à des difficultés d’accès à la mobilité. Cette philosophie, le gouvernement la partage et souhaite l’encourager. Raison pour laquelle, il était important d’établir un cadre légal pour sécuriser de telles pratiques, qui risquaient, à défaut, d’être requalifiées comme un exercice illégal de la profession des transporteurs. »

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