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Les « gilets jaunes » et la fracture sociale

LE MOUVEMENT DES « GILETS JAUNES » est plus important qu’il y paraît au premier abord, en raison de ce qu’il dit de la société française et de ses fragilités, et cela pour plusieurs raisons.

D’abord, parce qu’il a dépassé la contestation de la taxe carburant qui doit s’appliquer au 1er janvier et qui n’aura été finalement que la goutte d’essence qui a fait déborder le réservoir du mécontentement, lequel traduit – sous une forme nouvelle – la fracture entre la France des villes et la France périphérique. Ensuite, parce que ce mouvement a pris naissance, telle une flammèche, par un appel lancé par des anonymes sur les réseaux sociaux, court-circuitant toutes les structures syndicales, sociales et politiques intermédiaires, lesquelles tentent depuis de surfer, voire de reprendre la main sur cette contestation. Ce camouflet infligé à la démocratie sociale était prévisible, dans un pays où le taux de syndicalisation a atteint un niveau historiquement bas, avec moins de 10 % de syndiqués en moyenne et 5 % dans le secteur privé. La représentativité des centrales syndicales ne tient plus qu’à un fil juridique.

Le cœur de la France sociale bat sur Facebook et Twitter.

Il a beaucoup été dit que cette spontanéité faisait la force du mouvement. La multiplicité des actions locales, des barrages et les manifestations organisées à Paris en témoignent. Mais c’est aussi ce qui fait sa faiblesse. Deux ou trois semaines après le lancement du mouvement, les revendications partent un peu dans tous les sens et un clivage apparaît entre ceux qui restent sur le terrain social, avec la demande d’annulation de la fameuse taxe et des revendications autour du pouvoir d’achat, et ceux qui s’aventurent sur le terrain politique en réclamant la dissolution de l’Assemblée nationale et la démission d’Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs le problème du gouvernement. Discuter, oui, mais avec qui ?

Contrairement à la légende installée par les médias – qui ont parfois la mémoire courte –, ce n’est pas la première fois qu’un mouvement parti de nulle part et hors de tout cadre organisé fait chavirer le pays. Mai 68 a démarré à la faculté de Nanterre sur des revendications basiques. Sans réseaux sociaux, armés de leur seul téléphone à cadran et des bons vieux tracts, les étudiants de cette université alors oubliée ont allumé la mèche. Mais l’incendie a pris parce que le mouvement s’est rapidement structuré, que des leaders ont pris la main et que des organisations fortes ont pris le relais.

Au fond, les « gilets jaunes » en sont à ce stade de leur jeune histoire. Soit ils poursuivent leur mouvement dans cette logique désorganisée, et le mouvement s’éteindra. Soit ils se structurent, inventent de nouvelles formes de contestation, verbatiment leurs revendications, et ils pèseront dans le débat public.

Mais, dans les deux hypothèses, les leçons de cette histoire doivent être entendues par les syndicats et les forces intermédiaires, qui doivent se réinventer pour espérer survivre à cette nouvelle forme de jacquerie. Cette exigence est vraie aussi dans le champ social, où les tensions sont fortes et qui est assis sur un baril, non pas de pétrole, mais de poudre.

Éditorial

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