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La sécurité sociale dans le verre

« TOUT CORPS PLONGÉ DANS UN FLUIDE SUBIT UNE POUSSÉE VERTICALE, dirigée de bas en haut, égale au poids du fluide déplacé. » La célèbre formule d’Archimède peut curieusement s’appliquer à la sécurité sociale.

Apparu dans les années 1970, le « trou » de la sécurité sociale est un phénomène récurrent depuis quatre décennies, à tel point que ce pilier de notre protection sociale a failli sombrer dans les années 1990. En 1995, dans le cadre de ses fameuses ordonnances, Alain Juppé l’a délestée de sa dette abyssale pour la transférer dans une structure de « défaisance », la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Celle-ci amortit depuis cette montagne de dettes grâce à une petite contribution qui apparaît au bas de tous les bulletins de salaire, la CRDS.

Mais voilà, cette malédiction semble terminée. En présentant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le gouvernement a fièrement annoncé que la « sécu » serait en excédent en 2019 et que la dette serait totalement amortie en 2024. On est tenté de dire : « Bravo, l’artiste ! » Mais après cette seconde d’euphorie, on se demande quel a été le prix à payer pour ce redressement des comptes.

C’est là qu’on retrouve Archimède. Selon son principe, la sécu a été plongée dans un fluide de rigueur qui a fait subir à ses comptes une pression verticale du bas vers le haut égale au poids des flux austéritaires. De fait, plusieurs réformes ont repoussé l’âge légal de la retraite, augmenté le nombre d’années de cotisation nécessaires pour prendre la clé des champs, rogné quelques avantages et ralenti l’augmentation des pensions. Les familles ont vu les allocations plafonnées et placées sous conditions de ressources. Les secteurs hospitalier et social ont été mis au pain sec et à l’eau, avec les résultats que l’on connaît dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux.

Le coût social et sociétal de ce redressement financier n’est pas neutre. La question qui se pose est de savoir si le jeu en valait la chandelle, si l’équilibre des comptes justifiait cette relative casse sociale. On peut aussi poser la question à l’envers. Fallait-il laisser filer les déficits, au risque de la faillite ou de l’effondrement de notre système de protection sociale ?

Avec un endettement représentant 98 % du produit intérieur brut, une charge annuelle de la dette de 40 à 45 milliards d’euros – une somme supérieure au budget de l’Education – et un déficit qui a longtemps dépassé la barre des 3 %, les comptes publics ne sont pas bons. Ce n’est pas le Titanic – d’autres pays sont dans des situations encore plus difficiles – mais, à ce rythme, l’orchestre pourrait ne pas jouer encore longtemps.

Avec des finances publiques aussi dégradées, c’est l’indépendance du pays qui est en jeu.

C’est à l’aune de ces éléments stratégiques et macroéconomiques qu’il faut se poser la question de savoir si le verre de la sécurité sociale est à moitié plein ou à moitié vide.

Éditorial

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