Recevoir la newsletter

« Le problème, c’est l’isolement des personnes âgées »

Article réservé aux abonnés

Pour le directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), malgré les mesures prises depuis 2003, le compte n’y est pas. La solution pour éviter des milliers de morts en cas de nouvel épisode caniculaire passe par la création d’une prestation « autonomie » pour augmenter le nombre de professionnels au quotidien auprès des personnes âgées en établissement et à domicile.
La France a-t-elle tiré les leçons de la canicule de 2003 ? Où se situe aujourd’hui l’urgence ?

L’urgence est partout où il y a des personnes âgées, à domicile, en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en résidence autonomie, en unité de soins de longue durée (USLD). Depuis 2003, les politiques se sont attachés à la partie émergée de l’iceberg. Ils ont traité ce que l’on voit a priori. Leur raisonnement a été le suivant : « Il y a des personnes âgées qui sont mortes parce qu’il faisait chaud, on va climatiser les maisons de retraite et on va passer des messages de prévention auprès du grand public. » Toute cette partie émergée de l’iceberg, je n’y vois que des avantages.

Mais le fond du problème, c’est qu’on oublie un petit détail. Dans les établissements pour personnes handicapées de moins de 60 ans, il y avait des résidents qui étaient incapables de prendre une douche ou de boire un verre d’eau tout seuls. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de morts dans ces structures ? Pourquoi n’y a-t-il que les vieux qui sont morts lors de la canicule ? Tout simplement parce que les établissements pour personnes handicapées comptent deux fois plus de personnels que les structures pour personnes âgées ! A ceux qui prétendent que les personnes âgées sont mortes durant la canicule car elles sont plus fragiles, je réponds que dans ce cas-là ce n’est pas deux fois plus de personnel qu’il faut dans les maisons de retraite, mais trois fois plus !

La partie immergée de l’iceberg, c’est la question des effectifs ?

Oui, la partie immergée de l’iceberg est le nombre de professionnels, le temps passé auprès des personnes âgées et donc la création d’une prestation « autonomie ». C’est cela qui va régler le problème et c’est ce qu’ont fait tous nos voisins européens ! Quand Dominique de Villepin, à l’époque Premier ministre, a lancé en 2006 le plan « solidarité grand âge », il a dit qu’il faudra pour les plus fragilisés un ratio de « 1 agent pour 1 résident ». Ce ratio devait être atteint en 2012. Six ans après, on est encore loin du compte. Lors des mouvements de mobilisation du 30 janvier et du 15 mars 2018, l’AD-PA et l’intersyndicale n’ont fait que réclamer à l’Etat ce qu’avaient promis Dominique Villepin, Nicolas Sarkozy puis François Hollande. Emmanuel Macron a annoncé qu’il allait créer une prestation « autonomie », il a évoqué le chiffre de 10 milliards d’euros lors de son entretien télévisé. Si le président de la République met sur la table 10, 12, 15 milliards pour le secteur, je veux bien abandonner toute référence au ratio de personnel.

Avec le changement climatique, les épisodes caniculaires risquent de devenir plus fréquents, voire plus intenses. La France pourra-t-elle y faire face mieux qu’en 2003 ?

Si la France revit le même épisode caniculaire qu’en 2003, il n’y aura pas 15 000 morts, grâce à la circulation de l’information, aux alertes canicule de Météo France. Mais on ne peut pas prendre le pari qu’il y aura zéro mort. Il pourrait y avoir beaucoup plus de morts que ce qui serait accepté par la société française. Si, après 2003, on se retrouve avec 6 000, 7 000, 8 000, 10 000 morts lors d’un nouvel épisode caniculaire, on va mesurer le fait que la société n’a pas fait son travail. Il ne faudra pas alors aller chercher la responsabilité chez les directeurs, les personnels et les conseils d’administration des gestionnaires d’établissements et de services. La responsabilité sera du côté des pouvoirs publics ! L’Etat ne pourra pas se défausser sur les directeurs car il ne suffit pas de donner des obligations quand on ne donne pas les moyens ! Ce serait beaucoup trop facile !

L’isolement social a été un facteur aggravant lors de la canicule de 2003. La France compte pourtant encore 1,5 million de personnes de plus de 75 ans qui vivent dans une solitude qu’elles n’ont pas choisie.

Dans une société âgiste, l’idéal est que les personnes âgées soient toutes à domicile pour que l’on ne les voie pas. L’isolement social des personnes âgées reste absolument considérable. Quels choix ont aujourd’hui les personnes âgées qui souhaitent avoir des liens sociaux ? Des établissements où il y a du monde et où on n’a pas les moyens de les accompagner ou des domiciles où on n’a pas non plus les moyens de les accompagner ? Faisons en sorte qu’elles se retrouvent dans des structures qui soient des domiciles, dans lesquels elles peuvent vivre comme dans de vrais « chez eux » avec la possibilité de socialisation.

Mais la société ne s’intéresse aux personnes âgées qu’à l’occasion de la canicule ou de la grippe, le reste du temps on les oublie. Mais on peut toujours vacciner en hiver et climatiser en été. Si on ne fait que cela, il y aura toujours des problèmes. L’accompagnement des personnes âgées doit se faire au quotidien, au-delà des situations de crises sanitaires.

Décryptage

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur